Alors que l’administration des Services techniques de l’agriculture (ASTA) tire la sonnette d’alarme face à la sécheresse qui touche les cultures, la directrice de la Centrale paysanne, Josiane Willems, fait le point.
La sécheresse qui touche le pays risque d’impacter négativement les récoltes, selon l’État (ASTA). Quelle est la vision de la Centrale paysanne luxembourgeoise?
Josiane Willems : La sécheresse s’installe un peu partout, car il y a un manque certain de pluie. Cela dit, la situation varie d’une région à l’autre du pays, mais aussi au sein même des exploitations, car l’impact de la sécheresse dépend aussi du type de sols.
Mais, de façon générale, toutes les cultures ont vraiment besoin de pluie. Un peu de pluie est tombée il y a 15 jours, alors que le temps était déjà très sec. Ces chutes d’eau ont un peu sauvé la situation. Cela dit, depuis lors, il n’y a pas eu une seule goutte de pluie… l’herbe commence déjà à brunir à certains endroits, notamment sur les collines orientées vers le sud. Il faut donc absolument qu’il pleuve et vite.
Quelles sont les cultures les plus touchées?
Le maïs a bien poussé, les semences ont bien pris, mais les plantes sont très petites et il faudrait donc de l’humidité pour qu’elles puissent se développer normalement. De même pour les céréales; si la pluie devait tomber, ça irait, sinon les récoltes seront perdues. Dans la région de Vianden (Oesling), par exemple, il n’y a pratiquement pas eu de précipitations, pas même il y a 15 jours : là, on a déjà récolté les céréales la semaine passée pour l’ensilage, car il y a beaucoup de pertes et pour éviter que ça sèche trop. Or cela est normalement fait en juin ou à la mi-juin. Concernant les fruits, il y a de 10 à 20 % de dégâts dans les vergers pour certaines cultures, et même jusqu’à 50 % pour d’autres cultures. Cela est dû aux deux nuits de gel d’après Pâques. Dans la viticulture, par contre, il n’y a pas vraiment eu de dégâts.
Et qu’en est-il des cultures de blé?
Elles sont durement touchées. Il faudrait absolument de l’eau, sinon les grains vont rester très petits.
Craignez-vous une nouvelle canicule cet été?
La canicule n’est pas un problème en soi, s’il pleut entretemps. Il faudrait donc qu’il pleuve à court terme. Et de la pluie a été annoncée pour mercredi, voire pour jeudi, et l’on espère vraiment que cela se concrétise. Car s’il ne devait pas pleuvoir cette semaine-ci, la situation deviendrait « dramatique », car il y aura alors beaucoup de pertes en termes de récoltes. L’herbe aussi serait fortement touchée. Cela dit, je ne veux pas encore parler de « catastrophe » mais, encore une fois, il faut de la pluie cette semaine, car les récoltes seront durement touchées s’il ne pleut pas très vite!
Faut-il espérer des averses?
Absolument pas. Les cultures ont besoin d’une pluie bien dosée et dense, mais pas de grosses averses car cela risquerait de provoquer des dégâts. Il faudrait une pluie continue pendant au moins deux jours; cela serait déjà bien. De plus, l’eau doit vraiment entrer dans le sol et donc dans la terre. Il ne suffit pas que la pluie humidifie le sol ou ne pénètre qu’à 5 cm de profondeur; il faut qu’elle puisse s’infiltrer à une profondeur de 15 à 20 cm pour que les plantes puissent puiser l’humidité dans les sols.
Craignez-vous de grandes pertes au niveau des récoltes?
Nous restons optimistes. Jusqu’à présent, pour l’herbe et l’ensilage, on peut dire que la situation est globalement tenable, même si à certains endroits, il y en a beaucoup moins qu’à d’autres. Mais nous n’avons pas encore fait de bilan par rapport aux pertes. Nous en sommes encore à l’ensilage de foin. Mais nous n’avons rien chiffré pour l’instant. Nous ferons le bilan une fois les récoltes terminées et l’on pourra alors procéder à des comparaisons par rapport aux années précédentes. Ceci dit, nous suivons la situation de très près depuis le mois d’avril, ici à la Centrale paysanne. Nous sommes également en contact étroit avec les agriculteurs pour voir comment la quantité des récoltes se profile.
La Commission européenne et l’ASTA indiquent que cette situation critique touche toute l’Europe centrale. Si la sécheresse devait perdurer, vous attendez-vous à des indemnités financières?
Les règles communautaires devront jouer. Évidemment, si les pertes de récolte sont très grandes, nous allons demander des indemnités ou des mesures spéciales pour soutenir les exploitations. Mais il faudra que l’ensemble de la situation soit considérée, à la suite de la pandémie, sur la base de l’évolution des marchés agricoles. Si jamais il devait y avoir encore des perturbations, il est certain que les agriculteurs ne pourraient pas compenser leurs pertes en termes de récoltes. Et s’il devait ne pas y avoir assez de fourrage pour le bétail, cela poserait d’énormes problèmes pour les exploitations agricoles : il faut pouvoir nourrir les bêtes! Mais pour le moment, nous sommes dans l’expectative : d’une part par rapport à l’évolution du climat et des températures et d’autre part en fonction des marchés agricoles qui doivent se stabiliser. Nous espérons que la consommation reprendra et que les consommateurs se tourneront encore plus vers les produits locaux.
Entretien avec Claude Damiani