Le Quotidien Indépendant Luxembourgeois
La Pétrusse va être délivrée de son écrin de béton et revenir à sa nature première, ce qui va entraîner des changements sur toute la vallée autour.
La Pétrusse, mince ruisseau, va retrouver sa liberté de serpenter au fond de la vallée dont elle avait été privée en 1933. Elle avait alors été contrainte et disciplinée dans un carcan de béton et de pierres dont les dimensions la font paraître ridiculement petite. La Ville de Luxembourg a décidé de renaturaliser le cours d’eau. Le béton et les pierres vont être brisés et la nature va pouvoir pleinement reprendre ses droits. Entreprise déjà entamée par la Pétrusse elle-même. Rebelle, elle a défoncé son lit en de nombreux endroits où les plantes s’épanouissent dans les crevasses humides et le long des murs en pierre.
Construites dans les années 1930, les berges cèdent déjà du terrain à la nature par endroit (Photo : Sophie Kieffer).
La vallée qui guide le cours d’eau de 10,5 kilomètres jusqu’à l’Alzette dans laquelle il se jette, est le véritable poumon vert de Luxembourg, un endroit agréable où se promener et faire du sport en toute saison. Le week-end, l’endroit est pris d’assaut pas les familles, en semaine, la vallée se transforme en salle de sport à ciel ouvert pour de nombreux citadins férus de cyclisme ou de course à pied. On y promène son chien, on y fait des tractions sur des agrès, on s’y repose sur un banc, on bouquine sous un arbre à deux pas de jardins communautaires. Le tout en profitant d’un calme presque inespéré en plein cœur de la ville, ainsi que du chant des oiseaux.
Un calme qui va être troublé pendant les trois années à venir, dans un premier temps, mais pour la bonne cause. La Ville de Luxembourg, le ministère l’Environnement, du Climat et du Développement durable, ainsi que l’administration de la Gestion de l’eau ont décidé de procéder à la renaturation du cours d’eau qui prend sa source à Dippach et de profiter de l’occasion pour faire des aménagements sur la structure même du parc. «Le but principal de la revalorisation écologique de la vallée de la Pétrusse est de restaurer ses écosystèmes dégradés et artificialisés afin de revenir à un état plus naturel», expliquent les porteurs du projet. Ce qui devrait faire du bien à la faune et à la flore des lieux, ainsi qu’à la qualité de l’eau elle-même. À terme, et grâce à un escalier à poissons installé au confluent de l’Alzette et de la Pétrusse non loin de la place Saint-Ulric dans le Grund, des poissons pourraient venir peupler le ruisseau. Autre avantage de remettre la Pétrusse dans un lit naturel : le débit de l’eau est freiné naturellement, ce qui éviterait les crues trop importantes. Jusqu’au démantèlement de la forteresse en 1867, l’écluse Bourbon au beau milieu de la vallée permettait de réguler le cours de la Pétrusse, voire d’inonder Hollerich en la fermant. Une tactique défensive qui n’a jamais eu cours. Un nouveau mur de soutènement va être construit en aval de l’écluse.
La vallée va prendre un coup de jeune
Le lit du ruisseau et ses berges vont donc être aménagés. Mais le cours d’eau ne sera pas le seul à subir des changements. Les infrastructures vont être renouvelées et modernisées. Le minigolf à l’entrée de la vallée a d’ores et déjà été rasé. Lui et l’espace de fitness seront remplacés par des versions plus au goût du jour. Le parking côté rue Saint-Ulric a été agrandi, supprimant au passage le petit train qui devrait trouver sa place dans l’Odendall au Pfaffenthal.
La vallée de la Pétrusse va prendre un coup de jeune. Les engins de chantiers tournent déjà autour du skatepark qui sera intégré aux nouvelles infrastructures. Sur l’autre rive de la Pétrusse, les archéologues du Centre national de recherche archéologique (CNRA) retournent le sol au pied de l’église Saint-Ulric à la recherche de vestiges. À proximité, un espace de loisir et de repos sera créé. Autres aménagements à venir, un chemin dit carrossable de 4,5 mètres de large le long de la Pétrusse de part et d’autre du ruisseau. En parallèle, sur la berge opposée, un chemin non carrossable, plus étroit, à proximité du cours d’eau. Pour passer de l’un à l’autre, six ponts remplaceront ceux qui existent actuellement.
Le feu vert de ce projet d’envergure de 40 millions d’euros a été donné par le conseil communal en juillet 2019. Son financement sera assuré par la Ville de Luxembourg et par le Fonds pour la gestion de l’eau. Son chantier sera réparti en deux phases. La première concernant le tronçon allant de l’embouchure de l’Alzette à l’écluse Bourbon s’achèvera en 2023 pour la LUGA, l’exposition horticole, pour laquelle la renaturation de la Pétrusse constitue un élément important. Un ascenseur extérieur devrait être construit pour acheminer les visiteurs de la place de la Constitution directement dans la vallée. La deuxième phase débutera l’année suivante et couvrira le reste de la vallée jusqu’à la rue d’Anvers.
Des arbres abattus, d’autres replantés
La vallée va-t-elle perdre son charme désuet et un peu brouillon? Après le pont Adolphe qui la surplombe, c’est à son tour de subir un lifting. Ce dernier va s’avérer fatal pour quantité d’arbres qui vont devoir être déplacés, voire abattus, notamment ceux se trouvant le long des berges pour des raisons de sécurité afin d’éviter qu’à la suite des glissements de terrain, ils ne tombent sur des promeneurs; 168 au total. De nouveaux arbres seront replantés en compensation. Quant aux arbres remarquables ou classés au patrimoine historique, grand soin leur sera porté pendant la durée des travaux de sorte qu’ils puissent être conservés.
Sophie Kieffer
