Près de 3 732 hectares de terrains pour 142 000 logements possibles. La réserve foncière est là, mais tout ne va pas se débloquer si rapidement. Explications.
Récemment, le ministre du Logement, Henri Kox, et le ministre de l’Aménagement du territoire, Claude Turmes, ont dévoilé l’état des réserves foncières au Luxembourg concernant la construction de logements. Cette étude présentée en novembre a montré que le Luxembourg disposait actuellement de 5 018 ha de terrains potentiellement urbanisables, dont 3 732 ha en zones d’habitation.
Ces terrains permettraient de créer 142 000 nouvelles unités de logement, pour environ 300 000 habitants. Oui, rien que ça. Les députés Mars Di Bartolomeo et Yves Cruchten ont demandé des détails concernant cette étude et surtout si le gouvernement avait la possibilité de lancer les opérations de construction de logements rapidement. Nous connaissons en effet tous la situation immobilière du pays avec des prix élevés, un manque de logements chronique et une économie qui attire de plus en plus de personnes.
419 ha disponibles immédiatement
Les députés demandent ainsi combien de ces 3 732 hectares pourraient être mobilisés immédiatement. Pour quel pourcentage de ces terrains une autorisation de construire pourrait être délivrée tout de suite, sans autre procédure à entamer ? Dans leur réponse, les ministres précisent que le processus d’identification du potentiel foncier Raum+ permet de passer en revue chaque terrain et de l’apprécier avec les connaissances des acteurs communaux et d’estimer le développement dans le temps des terrains mobilisables immédiatement.
Pour les terrains dits «Innenentwicklungspotenziale » (terrains à l’intérieur du tissu bâti) et «Außenreserven» (terrains à l’intérieur du périmètre du PAG mais à l’extérieur du tissu bâti des localités), les communes ont ainsi été invitées à estimer le temps nécessaire avant que les travaux de construction puissent commencer, en fonction de l’état d’avancement des procédures (par exemple les PAP, remembrement…) et de la volonté de développement des propriétaires.
D’après ces estimations, 419 ha des 5 018 ha de l’ensemble des terrains disponibles (toutes zones confondues au sein du PAG) peuvent être mobilisés immédiatement, estiment les ministres. En prenant en compte uniquement les zones destinées à l’habitat (3 732 ha exactement), à savoir les zones d’habitation et les zones mixtes et d’après les estimations des communes, 265 ha seront développés immédiatement.
Près de 818 hectares de Baulücken
Les terrains pour lesquels une autorisation de construction pourrait être délivrée tout de suite sans autre procédure à entamer correspondent aux dents creuses urbaines, les Baulücken, ajoutent les deux ministres.
Au sein des zones destinées à l’habitat (donc les zones d’habitation et les zones mixtes), 618 ha de Baulücken ont été identifiés. Elles correspondent à 16,6 % de l’ensemble de la surface destinée à des fins d’habitation. Pour les «Baulücken», vu leur grand nombre, les communes n’ont pas estimé le début des travaux pour chacune d’entre elles, elles se sont limitées à estimer l’intérêt des propriétaires à les développer ou à les vendre.
Les Baulücken pour lesquelles les communes ont estimé que les propriétaires souhaitent les développer ont été retenues dans la catégorie des terrains qui pourraient être développés immédiatement. D’après les estimations de l’intérêt des propriétaires réalisées par les communes, 160 ha d’entre elles (soit 60,4 % des 265 ha mobilisables immédiatement) pourraient être construits immédiatement vu que les propriétaires sont intéressés par le développement du terrain ou sa vente.
Les 3 732 ha disponibles pour l’habitat sont intégralement localisés dans les zones d’habitat et les zones mixtes. Les terrains réservés pour les infrastructures publiques communales et étatiques sont localisés dans les zones de bâtiments et d’équipements publics.
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L’ensemble des terrains disponibles dans ces zones s’élève à 325 ha. La part des terrains disponibles pour l’habitat parmi l’ensemble des terrains disponibles, toutes zones confondues (5 018 ha), s’élève ainsi à 74,4 % et la part des zones de bâtiments et d’équipements publics s’élève à 6,5 %.
Des propriétaires réticents
Les deux députés ont ensuite demandé pourquoi le potentiel de cette surface n’a pas été utilisé. Les ministres ont confirmé que 85 % des terrains peuvent être mobilisés directement sans obstacles juridiques ou physiques (par exemple des risques de glissements de terrain, d’inondations, des difficultés topographiques, etc.).
Les communes ont estimé que pour 42 % de la surface disponible pour l’habitat, les propriétaires sont intéressés par un développement ou une vente. Cette moyenne présente un faible niveau d’intérêt pour le développement de la part des propriétaires de type personne physique : ces derniers ne sont intéressés par un développement que pour 23 % des surfaces qu’ils détiennent.
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Avec 64,2 % de la surface disponible pour l’habitat, les personnes physiques sont le propriétaire majoritaire. Quelque 20 % des terrains disponibles appartiennent à des sociétés privées et 13,5 % aux propriétaires publics et parapublics (État, communes, fonds).
Pour les propriétaires privés, des raisons pour ne pas mobiliser les terrains peuvent par exemple être les suivantes : garder les terrains pour les enfants, sécurité financière, l’augmentation de la valeur annuelle des terrains couplée à un manque d’alternative d’investissement avec un rendement aussi élevé que pour les terrains, etc.
Un arsenal pour convaincre
Pour briser ces barrières qui empêchent la construction de logement, le gouvernement compte s’appuyer sur le Pacte logement et sa dynamique du Plan d’action local – logement soutenu par les conseillers logement, les projets de révision de l’impôt foncier, y compris le volet d’un impôt foncier national visant la mobilisation des terrains de la réserve foncière.
Le projet législatif dit «Baulandvertrag» fait aussi partie de l’arsenal. L’objectif de cette loi est d’accélérer la viabilisation des terrains à bâtir ainsi que la construction concrète de logements par la mise en place de dates butoirs pour les travaux. Des sanctions sont alors prévues lorsque les propriétaires ne viabilisent ou ne construisent pas sur leurs terrains à bâtir dans des délais fixés dans le PAG.
À défaut d’entamer des travaux de construction de logements dans ce délai, les terrains concernés ne pourront accueillir que des logements qui répondent à une mission d’intérêt général en matière de logement, notamment des logements sociaux.
Le projet de loi introduit par ailleurs un mécanisme de remembrement ministériel. La pratique a montré que les terrains couverts par un PAP présentent souvent une configuration parcellaire complexe et appartiennent à un nombre important de propriétaires, ce qui peut souvent constituer une source de blocages lors de la réalisation de nouveaux quartiers d’habitation.
Cette mise en place d’un nouvel instrument de remembrement constituera un remède à ce problème. Ceci s’effectuera désormais par le biais d’un remembrement ministériel forcé, dans les cas où une partie des propriétaires marque son désaccord à un projet de construction.
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