Comme il en avait plein les baskets du plastique dans les océans, Filip Westerlund, étudiant suédois à l’université du Luxembourg, a créé la première sneaker 100 % circulaire.
Nous achetons en moyenne trois paires de baskets par an et par personne, ce qui fait 25 milliards de baskets produites chaque année dans le monde. 80 % des baskets en fin de vie atterrissent dans nos poubelles, puis dans des décharges, car elles ne sont pas réparables. Les microplastiques qui les composent polluent les cours d’eau, les mers et les océans.
«Les consommateurs n’ont pas conscience à quel point les baskets polluent notre environnement. Leur production génère 350 tonnes d’émissions de CO2 par an. La même empreinte carbone que celle de l’Italie ou de la Californie», indique Filip Westerlund, un des deux concepteurs de la basket 100 % circulaire. «J’aime les baskets. J’en ai toujours acheté. Mon dressing est plein de vieilles paires abîmées. Pourtant, il m’a paru évident qu’il fallait passer à l’action.»
À peine arrivé au Luxembourg pour son master en psychologie, il crée la start-up Our Choice, incubée depuis deux ans à l’université du Luxembourg, avec Marcus Liljenberg, un étudiant en chimie. «Mon équipe et moi voulons changer les habitudes de consommation des porteurs de baskets en leur montrant, à travers nos baskets, que la mode qui suit les principes de l’économie circulaire peut faire du bien à la planète», explique-t-il. Et comment les consommateurs peuvent devenir acteurs en s’informant et en choisissant certaines marques plutôt que d’autres. «Même les marques qui disent produire des chaussures équitables en matières bio utilisent du plastique. Elles sont plus chères, s’usent rapidement et ne peuvent pas être réparées et réutilisées», indique le jeune homme. Tout le contraire des sneakers Our Choice.
Il aura fallu deux années pour les développer. «Nous avons été épaulés par différents conseillers au sein de l’incubateur d’entreprises de l’université. Ils nous aident à avancer et nous conseillent pour toutes les étapes du processus de la création à la vente», poursuit le jeune homme depuis Stockholm, où il est actuellement en stage. «C’est notre centre névralgique depuis lequel passent toutes les opérations de création.» Our Choice a rejoint le programme VMS (Venture Mentoring Service).
Des paires abordables
Le produit final est une basket moderne et épurée sans coutures et sans plastique. La semelle est en caoutchouc naturel, la chaussure est en cuir de veau tanné grâce à un procédé naturel et les lacets sont en coton. «Nous avons cherché des matières durables. Nous souhaitions aussi que nos chaussures soient conçues de manière éthique en Europe, qu’elles soient réparables et que chacun des éléments qui la composent soit biodégradable», précise le jeune homme. 100 % circulaires, les baskets d’Our Choice peuvent être recyclées. Il suffit de les renvoyer à l’envoyeur. «L’entreprise au Portugal qui les assemble pour nous s’occupera également des réparations comme remplacer la semelle ou les lacets, par exemple. Mais les baskets ont été dessinées pour durer de nombreuses années», assure Filip Westerlund.
À terme, les têtes pensantes d’Our Choice aimeraient pouvoir établir la production et l’atelier de réparation au Luxembourg. «Cela coûterait trop cher pour le moment. Je devais me rendre aux États-Unis, en Chine et en Israël en début d’année pour trouver des investisseurs, mais le Covid-19 m’en a empêché. J’ai donc utilisé mon plan épargne retraite pour financer nos baskets», raconte le jeune homme qui espère un jour être en mesure de concurrencer les grandes marques de baskets.
«Pour y parvenir, nous avons besoin d’un produit fort qui soit abordable.» Ce qui est le cas. Une paire de baskets Our Choice coûte 99 euros, soit plus de moitié moins qu’une basket de marque de sport. Les faire réparer coûtera 70 euros. «Les consommateurs n’ont pas besoin de les jeter. C’est ce que veulent les producteurs de baskets : que les gens les jettent et en rachètent des neuves. Nous préférons étendre la durée de vie de notre produit. Les semelles seront recyclées.» Les baskets sont durables. «La production d’une paire génère l’équivalent de 14 kilogrammes de CO2. Si vous la portez pendant 5 ans, cela divise votre empreinte carbone par cinq, ce qui est bien inférieur à une basket normale.» Et donc aux trois paires que nous achetons en moyenne chaque année, selon Filip Westerlund.
Financement participatif
Pour financer la production des premières baskets, la start-up a lancé une campagne de financement participatif sur Kickstarter. «La première semaine, nous avons récolté dix mille euros ! Nous attendons les commandes. Les chaussures seront livrées au mois de mars», se réjouit Filip Westerlund. La campagne se poursuit jusqu’au 11 janvier.
Avec Our Choice, Filip veut «rendre la mode circulaire de haute qualité accessible à tous» partout dans le monde grâce à internet. «Pour commencer, nous allons lancer plusieurs campagnes sur Kickstarter avant d’ouvrir notre propre point de vente sur le net. Ce sera plus pratique pour créer du lien avec les acheteurs, avoir des retours sur nos produits ou suggérer de nouvelles couleurs pour la campagne suivante. Cela m’épargnera la réalisation de prototypes», explique le jeune homme.
Pour le moment, Our Choice doit atteindre une certaine masse critique de commandes pour pouvoir lancer la production de son modèle de base et, à terme, de couleurs différentes. Deux seuils de 200 et 800 précommandes permettent de débloquer certaines couleurs. «Les acheteurs seront prévenus par e-mail en janvier du quota atteint. Si nous n’atteignons pas les 200 précommandes, les acheteurs recevront les baskets blanches avec le dos vert», note Filip Westerlund. «Our Choice ne produit rien tant qu’aucune commande n’a été effectuée. L’avenir de nos baskets dépend entièrement de l’engouement du public.»
Sophie Kieffer