Dimanche, à Luxembourg, le petit pont de la rue Münster a retrouvé ses airs de galerie à ciel ouvert en accueillant les artistes du premier Konscht am Gronn de la saison.
Dimanche matin, pour la reprise du Konscht am Gronn après des mois d’arrêt, ce n’est pas vers les toiles des artistes que se tournent les regards mais vers le ciel gris menaçant : «Tant que les hirondelles volent haut, on est tranquille !», lance l’une des participantes depuis sa chaise pliante. Comme elle, une vingtaine d’artistes – céramistes, photographes, peintres et plasticiens – lancent cette nouvelle saison.
Il est 11 heures et, déjà, le petit pont de la rue Münster fourmille : à trottinette, les enfants s’en donnent à cœur joie sur les pavés, quelques joggeurs et des cyclistes défilent dans un souffle saccadé, beaucoup de touristes et de promeneurs aussi, la main jamais loin du parapluie, et puis, bien sûr, les amateurs d’art, les habitués, à qui ce petit Montmartre luxembourgeois a manqué.
C’est le cas de Liane, une habitante de la capitale, qui s’est levée tôt spécialement pour «être sûre de passer entre les gouttes» et profiter de l’ouverture de cette 16e édition : «Le Konscht am Gronn est un moment que j’adore. Je viens chaque année. Flâner à gauche à droite, découvrir les créations de chacun des artistes, leur univers, échanger quelques mots… La vie normale reprend peu à peu et on retrouve tous nos petits plaisirs, enfin !», soupire la jeune retraitée.
Sous les tentes, les œuvres sont protégées, au cas où, puisque Meteolux a émis une alerte aux orages pour toute la journée. Nadine est prête à tout bâcher à la moindre averse. Elle tient le stand avec son compagnon, Daniel Busato alias Mondane, médecin dans la vie. «La dernière fois, en octobre, c’était déjà sous la pluie, alors la boucle est bouclée !», lance-t-il. «On est heureux de reprendre, de revoir les collègues. C’était déprimant toute cette période, avec moins d’envie de produire aussi», confie l’aquarelliste amateur. «Ce qu’on aime ici, c’est vraiment la convivialité. C’est un lieu magique, l’une des plus belles vues de Luxembourg», se réjouit l’artiste lorrain.
Au Konscht am Gronn, «on voit le monde!»
Juste à côté, c’est Annie Bisbis-Wagner qui présente son travail. La peintre echternachoise apprécie particulièrement ce public non averti du Konscht am Gronn : «Dans les galeries, c’est très différent, les gens viennent voir quelque chose de précis. Ici, c’est spontané, les gens passent et sont surpris par l’art. C’est une porte d’entrée qui m’enthousiasme», souligne cette participante de longue date.
Tout au bout du pont, un peu à part, c’est là que s’est installé Jean-Benoît Dominicy, aquarelliste et professeur aux ateliers d’arts plastiques du Fachmaart Robert Steinhäuser à Leudelange. Il savoure cette reprise après des mois atypiques : «Le covid nous a poussés hors des murs. Avec mes élèves, nous sommes sortis dans les villages du pays pour aller chercher des vues nouvelles», raconte-t-il alors qu’il montre plusieurs scènes en petit format, capturées à Bourglinster, évoquant des «moments de méditation en peinture». Ce fidèle du Konscht am Gronn est toujours épaté par le côté cosmopolite du rendez-vous : «Ici, on voit le monde ! On ne trouve ça nulle part ailleurs», estime-t-il.
Il est midi et voilà que les hirondelles volent bas : le tonnerre gronde au-dessus de l’Alzette. Roger, parti chercher le déjeuner à la buvette, presse le pas pour rejoindre le stand de son épouse, la plasticienne Isabell Langers-Stübing. Autour d’elle, une douzaine de sculptures en béton, son matériau de prédilection : «On peut le travailler plus facilement que la céramique, les possibilités sont infinies et on peut aussi faire des pièces plus grandes», explique-t-elle. Ce qu’elle aime au Konscht am Gronn, c’est la diversité : «Ce ne sont jamais les mêmes artistes, il y a un roulement. On n’a pas ça en Allemagne, ce genre de petit marché dédié uniquement à l’art», regrette cette menuisière de formation qui anime aujourd’hui des ateliers chez elle à Kirf.
Christelle Brucker
Le Konscht am Gronn va se poursuivre chaque premier dimanche du mois jusqu’en octobre, de 10 h à 18 h dans la rue Münster à Luxembourg. Animation musicale et petite restauration sur place. Entrée gratuite.