Plusieurs centaines de manifestants ont sillonné les rues de Luxembourg, samedi, pour réclamer un «accès au logement digne et abordable».
«Un toit, c’est un droit», «droit au logement sans discrimination», «halte aux expulsions»… Samedi après-midi, de nombreux slogans se sont fait entendre dans les rues de la capitale lors de la deuxième «manifestation nationale pour l’accès au logement digne et abordable». À l’appel d’une vingtaine d’organisations et d’associations, réunies au sein de la coalition Wunnrecht (lire ci-dessous), quelque «700 personnes», selon l’OGBL, ont battu le pavé de la place de la Gare à la place d’Armes.
Comme l’évoquait dans Le Quotidien, samedi, la vice-présidente de l’ASBL Mieterschutz Lëtzebuerg/Association de défense des locataires de Luxembourg, Aldina Ganeto, l’association avait été contactée par des familles qui risquaient de se faire expulser de leur logement à partir du 1er avril, date à laquelle les déguerpissements pourront reprendre alors qu’ils étaient impossibles depuis le début de la crise sanitaire. Présent avec deux de ses trois enfants dans le cortège samedi, Alex pourrait être dans ce cas dans les prochaines semaines : «Nous vivons dans un appartement de deux chambres avec trois enfants, je dois mettre près de 50 % de mon salaire dans le loyer. Et pire, il y a quelques jours, j’ai perdu mon travail à cause de la crise sanitaire. Comment va-t-on faire?» Le père de famille poursuit : «Cela devient l’enfer pour pouvoir se loger. Il est temps que le logement ne soit plus une marchandise. Il faut vraiment que les politiques se réveillent et prennent conscience de la situation.»
Lors des discours à l’issue du défilé, plusieurs autres exemples ont été cités : Marie, la soixantaine, était caissière avant d’ouvrir sa propre épicerie qui a ensuite fait faillite et aujourd’hui elle se retrouve sans emploi et vient de perdre son logement. Eduardo a 65 ans et vit dans une chambre de 14 m2 dans une maison où il y a six chambres en colocation sans salon, le tout pour un loyer mensuel de 750 euros alors qu’il a une pension de 1 500 euros…
Guillaume Chassaing
«C’est l’état d’urgence»
Félix (28 ans) voulait vivre en colocation à Esch-sur-Alzette, mais il n’a «jamais pu être enregistré à la commune». «Je n’ai pas compris, lance l’étudiant. Aujourd’hui, c’est réglé parce que je vis avec ma copine.» Son amie Katalina (27 ans) estime que «la situation du logement est très, très compliquée pour beaucoup de monde à Luxembourg, les bailleurs font ce qu’ils veulent et les loyers sont hors de prix. C’est incompréhensible.»
Dans le cortège toujours, Pierre (25 ans) est éducateur spécialisé et vit «dans une caravane dans la région Centre». «Je n’ai pas les moyens de me payer un loyer pour un logement décent, explique le jeune homme. C’est aberrant de devoir mettre plus de 50 % de son salaire dans son logement alors qu’en plus la plupart des appartements ne sont plus conformes à notre ère et aux réponses que nous devons donner pour protéger le climat et l’environnement. Je revendique un droit au logement et le droit de choisir son habitat.»
Que le logement devienne un droit et qu’il soit inscrit dans la Constitution fait partie des revendications de la coalition Wunnrecht et de l’ensemble des manifestants présents samedi. Dans leur catalogue, ils demandent aussi la construction ou l’aménagement de 30 000 logements abordables, accessibles aux personnes à revenu modeste; la construction ou l’aménagement d’urgence de 3 000 à 4 000 logements sociaux nécessaires à court terme; la mise en place d’un outil efficace de contrôle du plafonnement des loyers; la taxation des logements vides; une lutte active contre toute discrimination relative à l’accès au logement; l’arrêt des avantages fiscaux dans le domaine de l’immobilier qui alimentent la spéculation…
«Six mois après notre première manifestation (NDLR : le 10 octobre), rien n’a changé, a souligné dans son discours Frédéric Krier, membre du comité exécutif de l’OGBL. C’est toujours l’état d’urgence et nous demandons une réelle politique du logement.» Samedi, ce constat et cette attente étaient partagés par tous les manifestants.