Entre interdictions et couvre-feu, une des traditions du 31 décembre est compromise. Deux ministres expliquent pourquoi l’État n’étend pas cette année son interdiction des feux d’artifice à tout le pays.
Les belles bleues et les belles rouges vont se faire rares dans le ciel luxembourgeois en cette soirée du 31 décembre. Des communes ont interdit le tir de feux d’artifice, le couvre-feu et les mesures de distanciation sociale devraient décourager les amateurs de cette pratique festive. Aucune mesure au niveau national n’a été prise pour en interdire le tir, contrairement aux Pays-Bas, comme l’indique la députée Francine Closener aux ministres de la Santé et de l’Intérieur, Paulette Lenert et Taina Bofferding, dans une question parlementaire. La raison invoquée par les autorités néerlandaises est directement liée à la pandémie de Covid-19 : il s’agit de ne pas encombrer les hôpitaux avec des personnes qui se seraient blessées en manipulant des fusées, d’une part, et de limiter la propagation des particules fines dégagées dans l’air par les explosifs et considérées comme handicapantes pour les malades, de l’autre.
Une telle interdiction n’aurait pas lieu d’être pour le moment au Grand-Duché, répond la ministre de la Santé. «La situation dans les hôpitaux est différente au Luxembourg», indique Paulette Lenert. Il ne serait pas non plus question d’interdire les feux d’artifice pour des raisons de protection de l’environnement ou de changer la loi en ce sens.
Actuellement au Luxembourg, seules les communes peuvent interdire les feux d’artifice sur leur territoire afin de garantir la sécurité publique et la tranquillité de leurs administrés. L’État ne peut pas interférer. Chaque commune est libre de profiter de son autonomie en la matière. Beaucoup de règlements de police communaux interdisent les feux d’artifice sur la voie publique sans l’autorisation du bourgmestre. «Une interdiction existe dans la plupart des communes. Des exceptions ne sont que rarement faites à certaines occasions ou sous certaines conditions», note la ministre de l’Intérieur, Taina Bofferding, qui ne souhaite pas empiéter sur leur terrain en leur donnant des conseils en la matière. «Certaines d’entre elles ont mis en place des alternatives moins bruyantes, comme des son et lumière, pour les remplacer.»
Particules fines : l’argument ne tient pas
Moins bruyantes et polluantes, ces alternatives sont aussi moins dangereuses, car expurgées d’explosifs parfois instables. Cependant, il est difficile de dire combien de blessés les feux d’artifice ont fait ces dernières années. Paulette Lenert, la ministre de la Santé, explique que «les hôpitaux n’ont pas de données précises des personnes blessées par des feux d’artifice lors des réveillons de la Saint-Sylvestre des années précédentes, car ces accidents ne seraient pas dissociés des autres causes d’admission aux urgences dans les rapports». L’an passé, une personne présentant des brûlures au visage et une autre à la hanche ont été prises en charge par les services d’urgences de l’hôpital de garde cette nuit-là dans la région Centre du pays.
Quant à la question des particules fines, les ministres indiquent dans leur réponse à la députée socialiste que «les mesures effectuées par l’administration de l’Environnement le soir du 31 décembre présentent des variations plus ou moins importantes des taux de particules fines dans l’air en fonction des conditions météorologiques». S’agissant des particules fines d’un diamètre inférieur à 10 microns, des taux moyens horaires de plus de 200 microns par mètre cube ont été mesurés les soirs de mauvaise circulation de l’air. En moyenne sur une année, ce taux est de 20 microns par mètre cube. En revanche, aucune différence n’aurait été constatée entre le nombre de particules fines de moins de 10 microns dans l’air au cours d’une journée normale et celui de la journée du nouvel an. Bref, les ministres ne retiennent pas l’argument environnemental comme suffisamment probant pour entraîner une interdiction des feux d’artifice. Elles enfoncent le clou avec une dernière statistique de l’administration de l’Environnement : «L’inventaire des émissions de particules fines au Luxembourg en 2018 retient un total de 1 495 tonnes d’émissions de particules fines, dont 3 tonnes sont à attribuer aux feux d’artifice, soit 0,2%.» CQFD.
Ce soir de la Saint-Sylvestre, il faudra vérifier si les feux d’artifice sont tolérés dans votre commune avant d’en tirer un et surtout le tirer avant 21h. Il y a deux semaines, le Premier ministre et la ministre de la Santé étaient déjà partis du principe qu’en raison du couvre-feu aucun feu d’artifice ne pourrait être tiré dans l’espace public durant cette période et qu’ils ne jugeaient donc pas nécessaire de les interdire.
Sophie Kieffer
Ventes en baisse
Deux commerces de grande distribution, deux ambiances. À Bâtiself, le magasin de bricolage, «nous en vendons, mais uniquement en ligne – ou sur réservation – car ils n’ont pas été interdits par l’ensemble des communes du pays jusqu’à présent», explique Malou Schmitt, responsable auprès du groupe. «Et le client doit venir les chercher une fois commandés : le click and collect est obligatoire.» Cependant, «les ventes sont en baisse par rapport aux années précédentes».
Bannis des rayons depuis un an
Dans le groupe Cactus, la question de la vente d’engins pyrotechniques ne se pose plus. L’enseigne ne vend plus de feux d’artifice, comme l’explique Jean-Marie Reckinger, de la direction des ventes : «Cactus a décidé de ne plus vendre ni feux d’artifice ni pétards dans ses points de vente depuis un an déjà. C’est une résolution en faveur de la protection de l’environnement et donc un choix totalement en ligne avec l’engagement de Cactus de vouloir mieux respecter et préserver la nature.»
Claude Damiani