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Luxembourg : drogue et Covid, la rencontre à risques


Le Covid-19 pose un contexte restrictif qui a pu certes bénéficier à certains consommateurs, qui sont parvenus à diminuer leur consommation, comme l'ont relevé les institutions de terrain, mais qui s'est avéré particulièrement négatif pour beaucoup d'autres. (Photo d'illustration : Isabella Finzi)

Si l’ensemble de la population a pu souffrir de la pandémie de coronavirus, les usagers de drogue, déjà marginalisés et souvent précaires, se sont avérés particulièrement vulnérables.

Le gouvernement a récemment publié la deuxième édition du «Flash-Covid», document qui fait le point sur la situation des usagers de drogues à haut risque (UDHR) durant la pandémie de coronavirus et sur les mesures mises en place pour venir en aide à cette population marginalisée.

Comme on pouvait s’y attendre, la situation a été particulièrement difficile à vivre pour ces personnes souvent en grande précarité. D’une part, celles-ci ont visiblement éprouvé de grandes difficultés à se procurer leur drogue habituelle et à vendre les substances, source de revenus. La fermeture des frontières et l’injonction à rester chez soi avec une présence policière renforcée dans les rues ayant de fait engendré une pénurie de drogues sur le marché illicite et par voie de conséquences, une diminution de la variété des drogues mais aussi de leur qualité, ainsi qu’une augmentation substantielle des tarifs.

Un contexte encore plus restrictif qui a pu certes bénéficier à certains consommateurs, qui sont parvenus à diminuer leur consommation, comme l’ont relevé les institutions de terrain, mais qui s’est avéré particulièrement négatif pour beaucoup d’autres. La plupart se sont en effet tournés vers des substances moins chères, et donc de mauvaise qualité, voire adultérées, dans l’optique d’éviter les symptômes de manque – très douloureux –, ou vers l’alcool et autres médicaments.

Comorbidités et surdoses

Les usagers de drogues, déjà marginalisés en temps normal, ont en plus dû faire face à un isolement encore plus grand durant le confinement, sans compter que se confiner s’est avéré tout simplement impossible pour certains d’entre eux et que nombre de services d’aide ont dû être fermés, notamment par manque de personnel.
Un contexte stressant qui, cumulé à la difficulté d’obtenir de la drogue et aux changements de prises habituelles, a pu accroître les tensions et les comportements violents. En outre, le document établi par le ministère de la Santé et les différents acteurs du terrain souligne que les usagers de drogues se sont avérés plus exposés que le reste de la population au Covid-19. Plusieurs raisons à cela : leur situation de précarité qui rend difficile voire impossible le confinement et les oblige à passer beaucoup de temps en extérieur, dans des endroits souvent très fréquentés, les mesures de protection face au virus et d’hygiène qui sont également de fait plus compliquées à appliquer, ainsi que le partage de matériel nécessaire à la prise de drogue, qui peut être vecteur de transmission.

Sans compter qu’une fois infectés par le coronavirus, les toxicomanes, avec un système immunitaire souvent affaibli surtout s’ils sont porteurs d’hépatites ou de VIH, sont particulièrement à risques de développer une forme sévère de la maladie, la consommation de crack ou d’héroïne aggravant les maladies respiratoires, et la cocaïne, les maladies cardiovasculaires. Le rapport souligne en sus que «les surdoses [sont] plus probables dues à des complications respiratoires : l’usage d’opioïdes ralentit la respiration et risque de provoquer une dépression et un arrêt respiratoires».

«Nous ne devons pas oublier [ces usagers]», déclare en exergue du document la ministre de la Santé, Paulette Lenert. «La politique nationale de lutte contre la propagation du virus se veut inclusive afin que personne ne soit laissé pour compte. Tout le monde doit pouvoir profiter de la meilleure prise en charge possible, en fonction de ses besoins spécifiques.»

Si plusieurs services d’aide aux usagers ont dû fermer leurs portes pendant le confinement, des échanges téléphoniques ou par internet ont été assurés avec les consommateurs connus des services. Un bémol toutefois : «Certains services indiquent que les UDHR ont eu des difficultés à respecter les consultations téléphoniques ou refusaient ce moyen de communication», est-il précisé dans ce «Flash-Covid». «L’échange de seringues, les salles de consommation supervisées, les soins médicaux et les traitements de substitution sont restés opérationnels mais ont été adaptés à la situation», précise néanmoins le ministère qui se félicite de la mise en place de «permanences médicales couplées au traitement de substitution bas-seuil pour les UDHR.»

Tatiana Salvan