Des taux élevés de métaux lourds dans des eaux près de l’ancienne décharge CASA à Beggen inquiètent déi Lénk Stad, qui craint une pollution de l’Alzette et un problème de santé publique.
Jusqu’à la toute fin des années 1980, l’entreprise Continental Alloys, plus connue des Luxembourgeois sous le nom de CASA, a produit des ferro-alliages sur l’ancien site de l’Arbed à Beggen, dont elle était une filiale. Cette activité a engendré des scories contenant des métaux lourds et des éléments radioactifs. Entre 1975 et 1987, ces déchets ont été déposés à Beggen et à Lallange sur les sites de l’entreprise avant d’être déplacés à la décharge Monkeler à Mondercange sous la pression populaire. En partie toutefois. Le problème a été enterré et l’affaire de la décharge CASA a été oubliée jusqu’à récemment.
Livia, une résidence de dix-huit appartements prochainement construite aux numéros 131 et 133 de la rue de Beggen à Luxembourg, a déterré ce que le temps avait enfoui. Deux maisons situées devant le terril verdoyant de la décharge ont été abattues et ont, pour le moment, laissé place à un cratère béant rempli par une eau anormalement turquoise, caribéenne presque, même par temps gris. Une couleur suffisamment inhabituelle pour réveiller de vieux souvenirs et l’intérêt de déi Lénk Stad. «On nous a signalé ce chantier au mois de juillet, expliquait mercredi matin Guy Foetz sur fond de machine excavatrice. Nous avons pris contact avec la Ville de Luxembourg et l’administration de l’Environnement. Leurs réponses étaient identiques : ils ne pouvaient rien faire.» Et c’est cette absence de réaction face au danger d’une contamination des sols et des eaux de l’Alzette entre autres qui a poussé le parti politique à agir.
«Nous nous trouvons au pied de la décharge CASA. Le plan d’aménagement général (PAG) de la Ville prévoit une zone à risque de contamination qui prend fin à l’endroit du chantier, là où se trouvaient les deux maisons», raconte le conseiller communal. Le terrain ne se trouvant pas sur la zone à risque, il est donc parfaitement constructible. En théorie. En pratique, déi Lénk voit les choses différemment. Des prélèvements de l’eau qui s’accumule sur la parcelle démontrent après analyse qu’elle est «hautement polluée aux métaux lourds, selon les normes de Rhénanie-Palatinat auxquelles le Luxembourg se réfère», précise déi Lénk. «Leur teneur en molybdène est de 1,6 mg/l, soit 800 fois plus que le seuil d’assainissement pour des zones potentiellement exploitées comme zones d’habitation, et 160 fois plus que le seuil indicatif pour des eaux rejetées dans les rivières. La teneur en vanadium est, quant à elle, de 1,62 mg/l, soit 405 fois plus que le seuil d’assainissement pour des zones potentiellement exploitées comme zones d’habitation», précise Guy Foetz. Des traces infimes d’autres métaux ont également été détectées comme le zinc et le cuivre.
Le parti a décidé de procéder à ces analyses après l’absence de réaction des autorités. «Le ministère de l’Environnement se dédouane en renvoyant au projet de loi sur la protection des sols et la gestion des sites pollués qui se fait toujours attendre», notait le parti dans un communiqué du 30 octobre dernier. «Quant à la Ville de Luxembourg, elle s’appuie sur le PAG en vigueur qui a classé le terrain comme zone constructible et a accordé une autorisation de bâtir, laissant au promoteur la responsabilité pour des analyses de sol.» Déi Lénk doute que ce dernier s’y plie, puisque leurs résultats pourraient mettre en péril son projet dont tous les lots ont déjà été acquis. «Nous voulons informer ces acheteurs des risques qu’ils courent», assure le conseiller communal.
«Le problème ne se limite pas au chantier»
Le 16 novembre dernier, le parti a relancé la bourgmestre de Luxembourg, Lydie Polfer, en s’appuyant sur les résultats d’une étude effectuée en 2013 par Luxcontrol. Il y apparaît notamment qu’il «n’est pas exclu que des polluants à risque sont véhiculés en direction de la pente naturelle du terrain vers les fonds alluviaux de l’Alzette», car «contrairement à d’autres sites sidérurgiques, nous constatons que la mobilité des métaux lourds à l’eau est très élevée». Le rapport indique également que, dans le cas où des maisons devaient être construites le long de la route de Beggen et sur la partie nord de la décharge, la législation sur la gestion des déchets devra s’appliquer lors des travaux de terrassement si les excavations ne sont pas plus profondes que 2,50 mètres. Or, selon Guy Foetz, la nouvelle construction, Livia, entraînera des excavations à 5 mètres de profondeur. En résumé, l’étude de 2013 de Luxcontrol permet au parti politique de conclure que «le problème ne se limite pas au chantier, mais constitue un véritable défi environnemental» et un problème de santé publique pour la Ville de Luxembourg, responsable de la protection des futurs habitants de l’immeuble et du futur nouveau quartier qui va voir le jour non loin de là.
«Je ne suis pas médecin, mais je sais que ces métaux lourds sont très mauvais pour la santé. Je connais une personne qui venait jouer sur le site quand elle était enfant et qui subit les conséquences de cette exposition. Elle suit des traitements réguliers à Sarrebruck, note Guy Foetz. D’anciens employés de CASA sont également tombés malades et se sont battus pour faire reconnaître leur maladie comme une maladie professionnelle. À l’époque, on parlait également de vaches tombées malades de manière inexpliquée et les enfants du quartier voyaient la couleur de l’Alzette régulièrement changer.»
Carole Dieschbourg à nouveau sollicitée
Déi Lénk Stad appelle à une décontamination du site et à un traitement de l’eau. Reste la question de la responsabilité. «Le principe pollueur-payeur devrait être appliqué», assure Guy Foetz. Une dalle en béton recouvre l’ancien emplacement de l’entreprise, mais «personne ne sait ce qu’il y a dessous». L’entreprise Lamesch viendrait régulièrement récupérer l’eau de la décharge drainée dans un grand réservoir.
Dans une dernière tentative de faire réagir les autorités, le député David Wagner, également présent mercredi matin sur le site, a fait parvenir une question parlementaire à Carole Dieschbourg, la ministre de l’Environnement. Une question pleine d’interrogations. Notamment celle de savoir si elle compte faire procéder à des analyses supplémentaires à celles déjà réalisées et si elle compte suspendre le chantier jusqu’à l’obtention des résultats. Déi Lénk aimerait également connaître les conséquences éventuelles d’une «migration des métaux lourds sur l’exploitation comme zone d’habitation et sur l’exploitation horticole des terrains (…) situés aux abords de l’Alzette entre le pont de la rue de la Cimenterie et le pont de la rue Cyprien-Merjai». Le parti interroge également la ministre sur la présence de ces métaux dans les eaux qui entrent et sortent de la station d’épuration voisine et sur l’intention ou non des autorités d’informer les futurs acquéreurs de logements et les riverains de la situation.
Déi Lénk ne lâche pas l’affaire et attend des réponses rapidement.
Sophie Kieffer
J’ai travaillé à la casa de 1982 à 1986 aujourd’hui je suis atteind d,un cancer du à l,amiante et métaux lourd