Le camion-école d’une société spécialisée dans les simulateurs en réalité virtuelle et les systèmes de chirurgie assistée par robot campe à l’Uni depuis mardi. Le point.
Il a élu domicile sur le campus universitaire du Limpertsberg pour une durée de deux jours. Mais quelle est sa vocation ? Le professeur ordinaire et directeur des études médicales à l’université du Luxembourg, Gilbert Massard, explique le pourquoi du comment de la présence de ce camion-école.
Quelle est la raison d’être de la venue à l’Uni de ce camion-école de la société basée en Suisse VirtaMed, après qu’il a été parqué à la clinique d’Eich, lundi ?
Pr Gilbert Massard : Nous avons pour ambition de créer une unité d’enseignement médical par simulation. La visite de la société VirtaMed est, disons, la dernière d’un long cycle de contacts noués avec différentes firmes d’exposition à Belval. Car outre la prospection commerciale théorique, nous souhaitions pouvoir essayer leurs équipements et considérer les avis de confrères afin de nous forger une opinion. L’originalité de VirtaMed est sa mobilité, car elle présente ses produits dans un camion qui se rend aussi bien dans les hôpitaux que dans les universités. De ce fait, il est possible d’organiser des démonstrations sans perturber le fonctionnement normal des structures visitées.
Quels types d’appareils sont exposés dans le camion et quelles disciplines médicales concernent-ils ?
Trois gammes différentes sont présentées. La première est destinée à la chirurgie orthopédique dans le but de se former à la chirurgie arthroscopique. Il s’agit de petits appareils qui peuvent être introduits dans les articulations, permettant ainsi l’observation à l’intérieur du corps. Il y a également des instruments très fins qui permettent d’effectuer un certain nombre de gestes, comme ablater un ménisque. Le deuxième type d’équipement concerne la chirurgie abdominale et gynécologique. Il s’agit d’un modèle encore en construction. Nous avons donc la primeur d’un prototype, en sachant que la Suisse est un haut lieu de la chirurgie orthopédique. Le troisième appareil présenté sert à l’échographie gynécologique, donc à tout ce qui concerne le diagnostic de grossesse et le suivi du fœtus au cours de son développement. Mais cet appareil permet aussi de traiter les maladies des organes féminins. Enfin, sa troisième fonction, originale, offre l’opportunité de ne pas uniquement faire d’échographies à travers la paroi abdominale, mais aussi par voie transvaginale.
Il faut se focaliser sur le service rendu et non sur le prix
Quelles sont les opérations les plus fréquentes pour chacun des équipements présentés ?
Pour la gamme d’outils orthopédiques, ce sont la réparation ou l’enlèvement partiel d’un ménisque dans le genou, et cela, pour des questions de dextérité et de rapidité, car moins l’opération est longue, moins il y aura de risques d’infection microbienne.
Pour le simulateur de laparoscopie, l’opération type est celle de l’ablation de l’appendice ou celle de la vésicule biliaire. Quant à l’appareil d’échographie gynécologique, il offre une valeur ajoutée au gynécologue-obstétricien, mais aussi à la sage-femme. Cette particularité démultiplie le nombre d’apprenants qui pourraient en bénéficier. D’où le message extrêmement important que je souhaite faire passer : quand je gère le budget de médecine, je gère le budget du contribuable. Et, donc, si l’on investit dans une unité de simulation, ce n’est pas que pour chouchouter 25 étudiants en bachelor, cela comprend aussi les formations de spécialistes qui vont s’ouvrir à l’université en septembre 2021. De plus, cela concerne également les collègues en stage dans nos hôpitaux, bien qu’ils naviguent sous le drapeau d’une université française, belge ou allemande. Au niveau des prix de ces appareils, à la pointe de la technologie, il faut considérer une fourchette allant de 75 000 à 150 000 euros par pièce, en fonction des modules. Sans parler des éventuelles mises à jour payantes. Mais j’estime qu’il faut se focaliser sur le service rendu et non sur le prix.
Quel est le public cible de ces démonstrations sur le parking de l’Uni ?
Pour des simulateurs de chirurgie spécialisée, le public ciblé est constitué des jeunes consœurs et confrères en voie de formation de spécialisations médicales : ceux qu’on appelle les MEVS (médecins en voie de spécialisation), à savoir ceux qui ont accompli les 6 ans d’études de base et qui s’apprêtent à entrer dans les spécialisations qui durent plus ou moins longtemps. Pour les spécialisations chirurgicales, c’est de 6 à 7 ans et de 4 à 5 ans pour les spécialités médicales. Après, surtout en chirurgie, il y a une tendance à une surspécialisation pour avoir une compétence particulière dans un domaine relativement restreint. Les MEVS sont visés, parce qu’il faut avoir acquis une certaine dextérité sur un appareil de ce genre avant d’être directement amené à opérer un patient. Une fois cette étape-là validée, on peut commencer à pratiquer des opérations – simples au début – sur l’être humain. Il est question d’un long cheminement d’idées et il fallait aussi que l’industrie suive en proposant des modèles qui soient exploitables à des fins pédagogiques. Il existe nombre de publications qui montrent qu’un jeune médecin s’étant exercé sur un simulateur sera plus performant. Cela se fait depuis longtemps en aviation civile et militaire et il est donc logique que cela se fasse en médecine. La dextérité d’un futur médecin n’est pas nécessairement innée. Pour chaque intervention chirurgicale, il y a un apprentissage par étapes, et au bout de celles-ci, il y a des interventions très complexes qui nécessitent cet apprentissage préalable.
Quel est l’intérêt pour les étudiants moins avancés ?
Les appareils ont également un intérêt pour les étudiants en 2e et 3e année de médecine, non pour leur apprendre à faire une opération, mais pour les guider dans leur façon de se comporter dans le bloc. Lorsqu’ils seront en stage, et à partir de la 4e année, les étudiants sont pratiquement à mi-temps à l’hôpital, il faudra bien qu’ils assistent à des opérations, et s’ils sont mauvais, cela signifie que nous sommes tout aussi mauvais…
Par ailleurs, ces appareils constituent un complément à leurs supports d’études théoriques sur papier, par exemple. Ainsi, ils leur permettent une mise en situation avant l’heure, bien qu’elle soit virtuelle. La vue intérieure du corps humain est un privilège que les anciens, comme moi, n’avaient pas en tant qu’étudiants !
Entretien avec Claude Damiani