En cette période de confinement, un endroit rassemble : le marché du Knuedler. Pour le plus grand plaisir des citadins et des producteurs, qui ne dérogent pas aux règles de sécurité.
Mercredi et samedi, c’est jour de marché à Luxembourg. Qu’il neige, qu’il pleuve ou qu’il vente. Ou que le pays soit en quarantaine. Mercredi matin, le fond de l’air était frais, mais l’ambiance sur la place Guillaume-II semblait pareille à celle des autres jours de marché… à quelques exceptions près. À commencer par les masques de protection qui barrent les visages de certains clients et vendeurs. Ajoutez-y des lunettes de soleil et un couvre-chef et votre voisin dans la queue est peut-être le Grand-Duc venu acheter des tomates ! Et puis, des barrières Nadar entourent les étals. Leurs tubes en acier servent davantage à guider les clients qu’à faire barrière au virus. Peu importe, elles créent une distance. Comme les vitres en plexiglas devant les cageots de fruits.
Pour pouvoir continuer de vendre leur production sur les marchés, les producteurs ont dû prendre des mesures de sécurité. À commencer par prendre leurs distances pour permettre aux visiteurs de circuler aisément à travers les allées en respectant les distances de sécurité entre les étals. «La bourgmestre nous a enjoint de mettre ces mesures en place. Si un problème survenait, elle serait contrainte de fermer le marché, note Niki Kirsch, le président du Lëtzebuerger Maarteverband et figure incontournable des marchés de la capitale depuis des décennies. Un nombre très infime de clients ne respecte pas les recommandations. Cela peut nous causer du tort. Nous n’avons pas intérêt à ce que les marchés ferment.» Des agents municipaux surveillent les allées et les contrevenants éventuels. «Ils peuvent intervenir le cas échéant.»
Chaque marchand a sa méthode. Certains ont délimité des espaces face à leurs étals avec des rubans colorés, d’autres indiquent la marche et le sens à suivre avec des pancartes, les plus petits se contentent de rappeler les consignes de sécurité. Et les clients jouent le jeu. Tout le monde est attentif et consciencieux. Même quand il s’agit de rendre la monnaie. Car au marché on accepte l’argent liquide.
«Plus de clients qu’avant la crise»
Le Knuedler, déserté depuis le début de la crise, reprend vie en ces deux matinées par semaine. Les habitués prennent le temps d’échanger à distance respectable sous un soleil aussi radieux que leur humeur. «Croiser des gens ou des connaissances et papoter fait un bien fou en ce moment, lance une dame blonde au carré parfait. Un peu de légèreté et de distraction. Confinés chez nous, mon époux et moi ne savons plus quoi nous dire.» Les marchés de la ville de Luxembourg sont donc plus que jamais des lieux de rencontre, d’échange et de socialisation.
Faire son marché, ce n’est pas qu’«un truc de vieux». Des trentenaires y flânent en toute décontraction. Une maman à vélo, suivie comme les mamans canards par ses enfants eux aussi à vélo, met pied à terre à côté des marches de l’hôtel de ville. «Je redécouvre le plaisir de faire le marché», indique-t-elle en enlevant son casque et en rassemblant sa tribu. «En temps normal, je n’ai pas le temps de m’y consacrer. Je travaille. Là, j’en profite. Les produits sont frais et plus sains que ceux que l’on trouve en supermarché. Bien manger est important pour la santé. Surtout en ce moment.»
Chantal et Hannelore, des voisines, et leurs chiens se sont arrêtés devant l’étal de l’horticulteur. Hannelore veut fleurir ses fenêtres. «Nous préférons soutenir le commerce luxembourgeois en temps de crise. Ici, nous sommes certaines que les produits n’ont pas été importés», indique Chantal.
Les raisons pour fréquenter les marchés en ce moment sont multiples et la démarche est bénéfique pour les producteurs. «Nous avons plus de clients qu’avant la crise, confirme Niki Kirsch. Une partie des consommateurs a réalisé que des fruits et des légumes étaient cultivés au Luxembourg.» Une épiphanie que le producteur n’explique pas. Il en constate juste les effets : «Mon épouse et moi vendons des paniers de fruits et légumes frais dans notre exploitation tous les après-midi. Les gens font la file sur deux cents mètres. Avant, nous servions une douzaine de clients par jour, actuellement, nous en servons une soixantaine.»
Sa «petite» entreprise ne connaît pas la crise, tout comme les marchés de la capitale qui font revivre deux fois par semaine le centre-ville délaissé et triste depuis le début de la pandémie que, si ce n’étaient quelques détails inhabituels, on oublierait presque.
Sophie Kieffer