Le Dr. Félix Wildschutz, directeur de l’administration des Services vétérinaires, alerte la population et invite les propriétaires d’animaux domestiques à ne pas les abandonner.
Quelles mesures ont été mises en place concernant les médecins-vétérinaires, en cette période de confinement due au coronavirus ?
Pour les vétérinaires praticiens, c’est un peu la même situation que pour les autres corps médicaux, à savoir que les consignes sont de réduire au minimum leur activité, mais évidemment en cas d’urgences, celles-ci doivent être assurées. En ce moment, la plupart des cabinets continuent à travailler. Certains vétérinaires sont peut-être positifs au Covid-19, ou bien doivent s’occuper de leurs enfants, mais la majorité des cabinets vétérinaires continue à assurer les services d’urgences. À un moment, nous avions éventuellement envisagé une solution par téléconsultation, tout comme c’est le cas pour les médecins « classiques », mais ce n’est pas encore en place pour le moment. Toutefois, cette option reste une possibilité envisageable pour l’avenir.
Il y a eu un cas de contamination d’un chat en Belgique, le week-end dernier. Quel est le message de votre administration à l’attention des propriétaires d’animaux domestiques ?
Effectivement, les autorités belges, avec lesquelles nous sommes en contact étroit, nous ont informés de ce cas. Ceci dit, il faut bien spécifier qu’il s’agit d’un cas isolé. Il s’agissait en l’occurrence d’un chat qui vivait avec une personne qui a été confirmée positive au virus. Le chat en question a présenté des symptômes, essentiellement d’ordre digestif, mais aussi respiratoires. Le chat a finalement été envoyé à l’université de Liège : des analyses ont été réalisées au niveau de ses matières fécales, mais aussi de ses vomissements. Le coronavirus a ainsi été dépisté.
À partir de ce diagnostic, il faut se poser la question : a-t-il été contaminé par le biais des caresses de son maître et, par extension, est-ce que le virus s’est fixé sur ses poils, tout en sachant qu’un chat est un animal très propre, qui se lèche et qu’il aurait de ce fait « avalé le virus » ? À l’heure actuelle, l’université de Liège se penche sur le fait de savoir si le chat va développer des anticorps contre ce virus. Cela signifierait que ce chat n’a pas seulement été contaminé, mais infecté par le virus et qu’il l’aurait donc incorporé. Sinon, il se peut, tout simplement, qu’il s’agisse uniquement d’un passage par son tube digestif.
Les consignes restent les mêmes au niveau du respect de l’hygiène
Que signifie exactement, « un simple passage par le tube digestif » ?
Eh bien que son maître a infecté le chat, mais cela ne veut pas forcément dire – et les scientifiques sont quand même assez clairs à ce sujet – qu’une contamination d’un chat vers l’homme est beaucoup moins probable.
Il y aurait donc une possibilité de contamination de l’homme vers l’animal, mais cela ne serait pas valable dans l’autre sens ?
En effet. Cela dit, les consignes de notre administration restent les mêmes au niveau du respect de l’hygiène, par rapport aux humains : il est clair que si l’on touche un animal de compagnie, que ce soit un chien ou un chat, il faut impérativement se laver les mains. Et cette consigne vaut surtout pour les enfants, qui ont l’habitude de porter leurs mains à leur bouche et à leur nez, car il existe évidemment d’autres bactéries, d’autres virus, ainsi que des parasites qui peuvent être transmis de l’animal à l’homme. Ce constat est connu, et pas uniquement dans le cas d’une volonté de se protéger contre le coronavirus, mais aussi contre les zoonoses, qui sont des maladies qui existent en quantité conséquente et en temps normal.
Quelles sont, dès lors, les règles d’hygiène que vous préconisez par rapport aux animaux ?
Se laver les mains bien sûr, mais aussi éviter que les chiens ne nous lèchent, notamment au niveau du visage. Un animal n’est ni stérile ni propre, car il circule à l’extérieur, et il faut donc essayer pour son maître d’entrer le moins possible en contact avec lui, que ce soit au niveau de la salive ou des matières fécales. Parce que les parasites sont une réalité : ils peuvent intervenir dans une transmission de l’animal à l’homme… cela étant, dans le cas du coronavirus, la transmission de l’animal à l’homme ne joue pas de rôle.
Le chat se lèche partout et tombera malade à cause de l’alcool
Vous confirmez, donc, que les animaux ne sont pas vecteurs du coronavirus ?
Oui, à la lumière des acquis scientifiques dont nous disposons à l’heure actuelle. Cependant, je ne peux pas confirmer cela à 100%. Il faudra attendre les résultats des études décryptant ce virus en détail, avant d’affirmer de manière sûre qu’un animal ne peut pas être vecteur. Mais pour l’instant, il n’y a pas vraiment de cas connus et démontrés qui iraient dans le sens d’une transmission ou d’une infection, de l’homme par l’animal. Je rappelle également qu’il y avait aussi eu un cas, plus ou moins avéré, d’une infection d’un chien de race Poméranien à Hong-Kong.
Bref, de manière générale, j’estime que ce sont des cas très isolés et il n’y a aucune généralisation à faire sur cette question. Cela dit, il apparaît que la pandémie a débuté sur un marché chinois, de par la soi-disant transmission d’un animal sauvage vers l’humain. Mais aujourd’hui, il y a des scientifiques qui contestent cette version-là. Ce dont on est sûr, par contre, c’est que nous nous trouvons face à un virus virulent qui infecte les humains, et surtout face à un virus qui se transmet d’homme à homme. Et cela, on l’a toujours craint.
Certains propriétaires d’animaux se mettent à désinfecter leurs chiens et chats avec des gels hydroalcooliques, ce qui a notamment engendré des comas éthyliques…
Évidemment, cela ne sert à rien, et cela ne peut que faire du mal à l’animal. Le chat se lèche partout et tombera malade à cause de l’alcool. Leurs maîtres doivent utiliser le gel pour eux-mêmes, et non le déverser sur leurs animaux.
Quel serait le message du ministère face à d’hypothétiques abandons d’animaux ?
La première chose à considérer est le respect de la santé publique, ainsi que celui des consignes du ministère de la Santé. En ce qui concerne les vétérinaires, ce qui importe est le respect du bien-être animal, en général, et plus particulièrement en cette période-ci de crise. Il va de soi que nous devons privilégier la santé publique des humains. Mais il faut tout de même s’assurer que le bien-être animal soit respecté. Les gens doivent continuer à s’occuper de leurs animaux et ne doivent surtout ne pas les abandonner dans le doute.
Si les gens doivent se déplacer pour soigner des animaux de rente (d’élevage) ou des chevaux, ils peuvent le faire pour que leur bien-être soit respecté. Et si l’on se déplace, cela doit toujours se faire dans le respect des consignes de distanciation et de rassemblements réduits au maximum. Dans l’idéal, une seule personne doit être affectée pour ces tâches; cela concerne les fermes, mais nous recevons aussi énormément de questions relatives aux manèges de chevaux. Certains propriétaires ont interdit au public et aux chiens de s’y rendre.
Les asiles pour animaux, dont celui de Luxembourg-Gasperich (l’ASBL Lëtzebuerger Déiereschutzliga) qui est actuellement fermé, ne risquent-ils pas, à terme, d’être surchargés et de devoir procéder à des euthanasies, étant donné que les gens ne peuvent pas se déplacer pour adopter, en cette période de confinement ?
De toute façon, abandonner un animal dans la nature va de fait contre toute la philosophie du bien-être animal, et les sanctions sont assez fortes. Les propriétaires d’animaux domestiques doivent essayer de garder leur chien, chat ou autre, jusqu’à ce que la situation s’améliore, et ensuite l’amener dans un asile. Évidemment, si des gens doivent abandonner des animaux pour des raisons de santé, comme des problèmes d’allergies, par exemple, cela peut arriver, ils doivent d’abord voir s’ils ne peuvent pas confier leur animal à une personne qui, elle, pourra s’en occuper comme il se doit. Je suppose que dans des cas très spécifiques, sans connaître précisément les politiques des asiles, que des gens ou des associations de protection des animaux peuvent se rendre au domicile des propriétaires et récupérer un chat ou un chien; en fonction évidemment des places disponibles dans les refuges.
Un abattoir, au Luxembourg, ne peut pas fonctionner en l’absence d’un vétérinaire officiel
Quel est l’appel de votre administration face à de potentiels abandons massifs d’animaux ?
Le respect du bien-être animal doit être respecté, sans toutefois créer un problème supplémentaire à celui de la crise sanitaire actuelle. Je pense que c’est aussi le message de la part des asiles et refuges.
Par rapport aux abattoirs, y a-t-il des mesures qui ont été mises en place ?
Les abattoirs du pays continuent à fonctionner, plus ou moins normalement. Ils ont connu une activité davantage poussée au début de la crise car les consommateurs ont acheté énormément dans la grande distribution. Cela dit, leur activité s’est, entretemps, quelque peu réduite. Pour rassurer les consommateurs, je tiens à souligner que des fonctionnaires de notre administration y sont présents pour superviser les activités d’abattage et cela, tout au long de l’année, indépendamment de la crise du Covid-19 : un abattoir, au Luxembourg, ne peut pas fonctionner en l’absence d’un vétérinaire officiel. De plus, nous ne pouvons pas nous permettre d’avoir un quelconque problème d’intoxication alimentaire, surtout en cette période de crise.
Il faut savoir que les abattoirs fonctionnent sous forme de chaînes continues, et nous avons donc mis en place des consignes de distanciation. Cela reste un peu compliqué car, je le répète, il s’agit de chaînes de travail. Mais nous avons équipé aussi bien les employés des abattoirs que nos vétérinaires de masques et de combinaisons de protection, afin de d’éviter toute contamination. Il faut également savoir que le secteur agroalimentaire est soumis et cela, toute l’année, à des règles d’hygiène très strictes : les employés se lavent notamment consciencieusement les mains avant toute manipulation de denrées alimentaires. Il est clair que si des personnes du secteur s’avèrent malades, elles seront écartées, et cela est le cas toute l’année, période de coronavirus ou pas.
Et qu’en est-il de la manipulation des aliments à domicile ?
Si par exemple un membre d’une famille est positif au coronavirus, sans le savoir, et qu’il est en charge de la cuisine, même s’il devait y avoir contamination d’aliments, on ne risque – en aucun cas – une contamination par voie digestive, puisque la contamination se fait par voie respiratoire. S’il devait y avoir contamination, on en retrouverait les traces dans les matières fécales, comme dans le cas du chat évoqué précédemment. La voie de contamination digestive, selon les indications scientifiques actuelles, a été exclue par les experts. Cela dit, les professionnels du secteur agroalimentaire sont rodés et respectent les règles d’hygiène toute l’année.
Pour conclure : peut-on continuer à manger de la viande, des œufs, du beurre, et à boire du lait, en toute sérénité ?
Oui. Il faut continuer à se nourrir de façon saine et diversifiée !
Entretien avec Claude Damiani