À 73 ans, le vigneron de Ehnen Jean Linden (domaine Linden-Heinisch) a décidé de passer la main. Toutes ses vignes seront désormais travaillées par son beau-fils, Frank Schumacher (domaine Schumacher-Knepper, à Wintrange).
Après une vie dans les vignes et à la cave, Jean Linden a senti qu’il était temps de prendre un peu de recul. À 73 ans, de toute façon, difficile de lui reprocher de vouloir ralentir la cadence ! Céder son domaine n’est jamais une étape simple. On est vigneron par passion, tant ce travail a valeur d’un engagement total envers ses vignes, ses cuves et ses fûts. Mais il faut aussi reconnaître qu’il y a eu transmission plus compliquée que celle-ci. Quand son beau-fils est un vigneron talentueux, forcément, cela facilite les choses.
Il était entendu que Frank Schumacher (domaine Schumacher-Lethal, à Wintrange) reprenne les cinq hectares et quelques le temps venu. La décision a été prise naturellement en 2019 et les raisins de la récolte 2020, pour la première fois, ont fait le voyage de Ehnen à Wintrange. «Les raisins de Jean sont vinifiés ici mais les vins portent toujours son nom», souligne Frank Schumacher. Le vigneron tient d’ailleurs à ce que les crus issus des vignes de son beau-père gardent toutes leurs spécificités, les fermentations sont mêmes lancées avec les levures déjà utilisées à Ehnen.
Dans les vignes non plus, il n’y aura pas de grandes révolutions puisque les deux générations travaillaient avec la même philosophie. «Il n’y a pas d’insecticides, pas d’herbicides et pas de cuivre dans mes vignes, assure Jean Linden. Je suis très près du bio.» D’ailleurs, s’il a cédé tout le travail en cave à Frank, il continue de s’occuper de ses vignes avec son ancien employé, qui a été repris par son beau-fils.
Techniquement, cet accroissement du domaine ne pose pas vraiment de problème à Frank Schumacher. «La cave est assez grande et comme nous avions déjà environ 90 cuves, il n’a pas été nécessaire d’en acheter d’autres», explique-t-il. Il aura tout de même fallu construire un nouveau hangar pour toutes les machines, y compris le nouveau tracteur qui fait la liaison Ehnen-Wintrange et le nouveau chenillard qui permet de travailler en toute sécurité dans les pentes du Kelterbeg (Ehnen) où l’inclinaison peut dépasser les 60%. Grâce à ce nouveau bâtiment, toutes les bouteilles peuvent être stockées dans la cave de Wintrange, au plus près des cuves.
Trois marques, 66 vins
Fort de ses 17 hectares, le domaine Schumacher-Knepper est désormais l’un des plus vastes des indépendants. La nouvelle association permet de trouver à la même adresse des vins issus de deux terroirs très différents. Les vignes du Felsberg poussent dans un sol où la couche de terre arable est assez épaisse, elle est bien plus fine à Ehnen où le calcaire coquillier affleure sur le Wousselt ou le Kelterberg.
Avec l’intégration du domaine Linden-Heinisch, le domaine Schumacher-Knepper va donc désormais proposer des vins sous trois étiquettes différentes. Outre la sienne, produite par les vignes familiales, on trouve aussi les vins de l’ancienne propriété Constant Knepper. «Il s’agit de 1,5 hectare ayant été racheté par mon père en 1964 au notaire Constant Knepper, sourit Frank. Il n’avait accepté de les vendre que si l’on s’engageait à inscrire son nom sur les vins produits sur ses parcelles, nous tenons parole !» On n’y trouve que du riesling et du pinot gris, les cépages historiques les plus nobles sur la Moselle, fruits de ceps âgés de 50 ans au moins.
«Trois marques, c’est vrai que cela fait beaucoup mais c’est intéressant parce qu’elles sont complémentaires, assure Martine Schumacher, la sœur de Frank. Je vois que plusieurs anciens clients de Jean s’intéressent maintenant à nos autres vins, qui sont bien différents.» La seule contrainte, c’est que cela fait un sacré stock à gérer ! «Nous sortons de nos semaines de dégustation et nous proposions 66 vins, c’est pas mal !», s’esclaffe-t-elle !
De notre collaborateur Erwan Nonet