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[Mullerthal] Une histoire « roches and roll » [photos]

  • Reportage photos : Fabrizio Pizzolante

La mer s’est retirée il y a 150 millions d’années du Mullerthal, du côté de Beaufort. Elle a laissé des trésors, à commencer par la fameuse roche de «sable», le grès du Luxembourg.

Avec les chaleurs de l’été, vous pourriez vous pointer dans le Mullerthal en slip de bain, sac de plage en bandoulière. « Ridicule », pensez-vous en lisant ces lignes. Non, juste un peu en retard. Car il y a bien eu la mer dans cette superbe région du Luxembourg, que l’on assimile plus volontiers à la montagne. C’était il y a 200 millions d’années ! Même Marty McFly ne pourrait pas vous y ramener… quel dommage !

La géologie joue un rôle clé pour comprendre la richesse du parc. C’est encore Birgit Kausch, géographe attitrée du Mullerthal, qui en parle le mieux. « Deux facteurs principaux façonnent un paysage. Le travail de l’homme et la géologie du lieu. En gros, la roche et les éléments naturels tels qu’ils existent depuis des millions d’années. »

Revenons donc à la plage. La mer s’est retirée il y a environ 150 millions d’années du parc. Elle a laissé différentes couches géologiques, formées successivement. Les géologues prénomment les époques – souvent le lieu de trouvaille d’une roche – plutôt que de parler en chiffres. Dans le Mullerthall, on distingue principalement la période du Keuper (-230 millions d’années) et du Lias (-200 millions d’années).

« Chaque période a sa roche emblématique dans le parc , poursuit Birgit Kausch. Durant le Keuper, s’est formée la marne, une roche argileuse qui a tendance a retenir l’eau. » Et durant le Lias, s’est formée LA roche typique du parc, le grès du Luxembourg. « Elle est jaune, poreuse et sablonneuse. »

Du sable ! Puisqu’on vous dit, les yeux dans les yeux, baisers et coquillages, qu’il y a bien eu la plage !

Tout s’explique grâce à la roche

Une fois ces considérations acquises, amis promeneurs, tout devient clair. Car la géologie, comme l’a rappelé Birgit, joue un rôle capital dans la diversité.

Tout d’abord concernant le relief du paysage. La beauté du Mullerthal réside dans le changement de vallées, de plaines en forêts plus escarpées – le point culminant est à 414 mètres.

« Il y a deux millions d’années, la terre s’est soulevée. Les zones de grès se sont cassées dans un relief escarpé, alors que les zones de marnes se sont dessinées de façon plus vallonnées. L’érosion n’a pas eu le même impact. La marne retient l’eau et devient boueuse, d’où des glissements de terrains arrondis. Le grès, lui, laisse passer l’eau. Il subit moins les marques du temps. »

Enfin, plus ou moins. Il suffit de se rendre au lieu-dit du « champignon » (à Nommern) pour comprendre. Ce rocher si bizarre, d’où son nom, est en grès luxembourgeois. La base a subi une érosion plus forte car le grès contenait moins de calcaire. Le haut est resté en forme de chapeau car le calcaire a bien joué son rôle de « colle » entre les grains de sable.

D’où ce lieu si particulier, qui intriguait déjà les hommes 5 000 ans avant J.-C. Des traces d’aiguisage d’outils sont encore visibles sur la roche !

Autre clé de compréhension géologique, la flore. « Dans les zones de grès, on va plutôt retrouver une végétation peu gourmande en eau et en nutriments , explique Marc Thiel, du service écologie du parc. Citons la bruyère, les pins, les cerisiers. Dans les zones de marne, on se retrouve avec une végétation qui a besoin d’un drainage et d’un sol plus gras. Des pommiers, des cultures de maïs, de céréales, etc. »

Dernière conséquence tout à fait visible, la façon dont la roche a contraint les hommes à travailler. Avez-vous remarqué ces belles ouvertures jaunes sculptées dans les maisons typiques ? Ce sont des ornements en grès luxembourgeois, tendre à travailler, car il ne s’agit que de sable finalement.

À l’inverse, les jolis murets de pierres sèches que l’on retrouve dans les vallées sont issus des sols argileux. Les paysans les dégageaient des champs pour ne pas casser leur outil. Aujourd’hui, ces murets façonnent magnifiquement le Mullerthal qui, décidément, n’a pas fini de nous étonner…

Hubert Gamelon