Hub’Air, c’est d’abord Saint-Hubert, dans la province de Luxembourg, là où tout a commencé. Mais c’est aussi François Brocart, pilote de ligne et voltigeur, qui veut former des pilotes à l’ancienne.
Ici, on forme des aviateurs, qu’on se le dise. C’est l’école de papa, celle des pilotes de ligne d’il y a 30 ou 40 ans. «Nous formons des aviateurs, ce qui n’est plus le cas aujourd’hui dans les centres de formation», assure François Brocart, le très atypique CEO de Hub’Air (lire encadré). Des écoles qui forment le moins possible pour limiter les coûts à la charge de l’élève.
Les multinationales forment des pilotes qui n’ont pas le niveau, selon lui, en précisant qu’aujourd’hui, «on forme des opérateurs d’avions, mais plus des pilotes de ligne». En gros, on y apprend à presser sur des boutons.
Reprendre les recettes du passé
Quels sont les ingrédients pour former un aviateur ? «On ne réinvente pas la roue parce que les avions n’ont pas changé, finalement, dans leur façon de voler», souligne-t-il. Il suffit de reprendre les recettes du passé. À l’époque, pour former les pilotes, on faisait ses classes sur des Piper Cup, «des avions à train classique qui demandent beaucoup de compétences». Et c’est ce que Hub’Air propose. «On va sans doute avoir beaucoup d’échecs, mais ceux qui vont y arriver n’auront aucun problème pour passer sur tous les types d’avions», persuade le CEO de l’école basée à Leudelange.
Pour lui et son équipe, tout pilote de ligne devrait être capable de voler sur un Piper Cub, alors que c’est loin d’être le cas. «C’est comme si vous appreniez à conduire une voiture munie d’une boîte automatique et qu’un jour vous deviez faire un démarrage en côte avec une boîte manuelle, mais vous ne savez pas qu’elle peut reculer un peu si on ne met pas le frein à main. Pour les avions, c’est la même chose», illustre François Brocart.
Les élèves doivent d’abord prouver qu’ils sont aviateurs après une centaine d’heures sur Piper Cub et comme cela ne suffit pas, Hub’Air réintroduit la voltige aérienne. «On fait faire à tout le monde dix heures de voltige aérienne, dont une heure en solo. En Belgique, jusqu’en 2000, tous les pilotes professionnels étaient obligés de faire un passage par la voltige aérienne», rappelle-t-il.
Ensuite seulement, on passe à la partie «vol aux instruments» et là cela devient ultrasophistiqué, ultramoderne. «Les élèves sont encadrés par des gens qui sont tous pilotes de ligne. Nous n’avons pas d’instructeur qui sort de l’école, sans expérience. Les simulateurs de vol Boeing et Airbus sont très professionnels.»
Campus à Chambley
«Hub’Air est la seule école de pilotes de ligne complète luxembourgeoise, c’est une réalité», signale son PDG. Il salue au passage la réactivité du Luxembourg et de sa direction de l’aviation civile (DAC), dont il vante les compétences. «J’en sais quelque chose pour avoir monté trois compagnies aériennes et quatre ATO (organisme de formation agréé, NDLR).»
D’abord effrayée par la taille de Hub’Air, qui formait les pilotes pour Boeing, la DAC a su se laisser séduire par la nouvelle formule d’écolage. «On voulait faire quelque chose à taille humaine, une école qui tourne à 20 pilotes par an», explique-t-il.
Après, il a fallu trouver un terrain. Inutile de préciser qu’à Luxembourg c’était plutôt difficile, d’autant que certains clubs aéronautiques de la capitale voyaient d’un mauvais œil l’arrivée d’une école de pilotage sur leur terrain.
Jetfly, une compagnie d’aviation d’affaires propose d’héberger la société dans ses bureaux à Leudelange et on souffle à François Brocart que la base de Chambley, en Meurthe-et-Moselle, pourrait l’intéresser. La région Lorraine a investi beaucoup d’argent sur le site et bientôt Airbus va s’y installer aussi pour former des mécaniciens hélicoptère.
C’est donc à Chambley que Hub’Air installe son campus avec sa première promotion. La crise du Covid a entraîné un démarrage mouvementé, mais l’école a réussi à trouver 4 élèves pour se lancer dans l’aventure. «On doit remettre des aviateurs dans les avions. Même si les avions sont aujourd’hui très automatisés, ils peuvent avoir des déficiences et on a alors besoin d’un aviateur pour sauver les 300 pèlerins qui sont à bord», insiste François Brocart.
Geneviève Montaigu
Artisan aviateur
Il vient de Saint-Hubert, dans la province de Luxembourg, est issu du vol à voile et à 26 ans, il était déjà commandant de bord sur des Boeing 737 et un an plus tard, il devenait instructeur. François Brocart, le fondateur et CEO de l’école de pilotage Hub’Air, est un ovni dans la profession. «Je me suis demandé ce que j’allais faire en étant déjà instructeur sur Boeing à 27 ans», raconte-t-il. Finalement, il a opté pour… la voltige aérienne et s’est distingué dans tous les championnats, de France, d’Europe et du monde.
Il s’est aperçu que dans la voltige aérienne, on dépensait plus d’argent qu’on en gagnait et a décidé de faire un centre de formation pour les pilotes de voltige participant aux championnats du monde. Parallèlement, il était pilote de ligne freelance pour trois compagnies jusqu’en 2000 et l’arrivée de la règlementation aérienne européenne. «C’est à ce moment-là que j’en ai eu assez d’entendre tous mes collègues dans chaque compagnie me dire que le niveau des pilotes diminuait. J’ai proposé alors de faire notre propre école à Saint-Hubert», explique-t-il. Il crée alors un petit campus dans la ville.
Surviennent alors les dramatiques événements du 11 septembre avec l’attentat du World Trade Center. «L’école de pilotage comptait 25 élèves et tout s’est arrêté dans l’aviation», rappelle François Brocart. Six mois plus tard, Brussels Airlines lui demande de remonter la compagnie comme directeur de l’entraînement. Pour autant, il n’avait pas abandonné Hub’Air. Plus tard, il sera contacté pour devenir la seule école du groupe Boeing dans le monde à former des élèves ab initio. Il installe l’école à Nîmes mais connaît des déboires avec le départ de Turkish Airlines qui les laisse tomber et, au final, l’école ferme ses portes.
«J’avais envie de relancer une école mais différente, une école qui réponde vraiment à la qualité, comme des artisans s’y emploieraient s’ils devaient former des élèves», déclare le CEO de Hub’Air.