Privés du marché de l’Emaischen pour la deuxième année consécutive, c’est dans un pop-up store installé dans la Grand-Rue à Luxembourg que les Péckvillercher 2021 ont éclos.
Ouverte pour seulement 48 heures, la boutique éphémère «Dem Péckvillchen säi Pop-Up Store» a attiré de nombreux fidèles de l’Emaischen dès le début de la matinée vendredi, heureux d’y retrouver un peu de leur marché artisanal préféré. C’est au 40, Grand-Rue que les petits oiseaux siffleurs, emblématiques du lundi de Pâques au Luxembourg, ont trouvé refuge, alors que l’évènement est annulé.
À l’intérieur du local commercial prêté pour l’occasion, six producteurs choisis par les organisateurs de l’Emaischen y proposent leurs créations jusqu’à ce samedi 18 h : la céramiste Nicole Huberty, l’artiste Joana Antola, l’Amicale des anciens amis des sports Lëtzebuerg-Fëschmaart, l’entreprise d’impression 3D Amsol, la Ligue HMC et le magasin Beim Sylvie um Fëschmaart.
Parmi les tout premiers clients à passer la porte, Doriano, 67 ans, et son épouse Anna, 62 ans : après des mois difficiles – tous deux ont été durement frappés par le virus en novembre, ils sont venus chercher le Péckvillchen 2020 qui manquait à leur collection. Tout un symbole pour ce couple d’Italiens à qui l’Emaischen rappelle de merveilleux souvenirs de famille.
«Ça a tellement manqué l’an dernier»
«La première fois qu’on y est allés, notre fils était encore dans sa poussette. C’était il y a 28 ans. On y est retournés chaque année depuis», raconte Anna, émue. «J’ai une vitrine à la maison avec tous nos Péckvillercher. On est heureux d’avoir trouvé celui de 2020, et on a ajouté le petit nouveau bien sûr!»
En ces temps qui mettent le moral à rude épreuve, ce qui semblait futile, soudain, ne l’est plus : alors que beaucoup de petits bonheurs du quotidien sont proscrits depuis des mois, les petits sifflets en terre cuite de l’Emaischen font figure de madeleine de Proust.
Une embellie dans ce contexte morose : «C’est vraiment une super idée ce pop-up store, ça a tellement manqué l’an dernier», se réjouit Jacqueline, dont le sourire déborde du masque. Elle qui se rend toujours à l’Emaischen accompagnée de sa petite fille, se fait une joie de pouvoir lui offrir un Péckvillchen pour Pâques, malgré le contexte.
«Cette dame m’a raconté l’histoire…»
Et puis, il y a les petits nouveaux, comme Nine, 10 ans, de grands yeux bleus et un long manteau rouge, qui observe chaque modèle du stand de Sylvie. «Je ne connaissais pas la tradition de l’Emaischen, mais cette dame m’a raconté l’histoire et ça me plaît beaucoup!», explique la fillette, venue de France avec ses parents.
De leur côté, John et Ann, des expatriés américains, font le plein de petits cadeaux pour leurs proches avant leur retour au pays dans quelques semaines : «On est arrivés au Luxembourg il y a deux ans, au moment de Pâques. On a été émerveillés par cette fête typiquement luxembourgeoise! On voulait absolument emporter avec nous un peu de cette atmosphère.»
À midi, la bourgmestre Lydie Polfer est, elle-même, venue faire ses emplettes, accompagnée des échevins Serge Wilmes, Patrick Goldschmidt et Maurice Bauer. «L’Emaischen, c’est avant tout un moment de joie. Avec ce pop-up store, on a souhaité faire plaisir aux gens, leur donner le sourire», souligne-t-elle. Mission accomplie.
La boutique est ouverte encore ce samedi de 9 h à 18 h. Quant aux mesures sanitaires dans le pop-up store : le nombre maximum de clients à l’intérieur de la boutique est fixé à huit, le masque est obligatoire tout comme le lavage des mains à l’entrée. En cas d’affluence, il faudra donc un peu patienter.
Christelle Brucker
Vaccino, le Péckvillchen qui a reçu sa dose
En 2020, le public avait adoré Corina, le Péckvillchen affublé d’un minimasque pour faire face au coronavirus, imaginé par la Ligue HMC. Cette année, l’atelier d’inclusion professionnelle, dirigé par la céramiste Milena Racheva, récidive en donnant vie à son petit frère : nommé Vaccino, celui-là est livré avec une miniseringue et sa dose de vaccin! Produit en 800 exemplaires pour l’association Nouspelter Emaischen, ce modèle fantaisie est déjà épuisé. «L’atelier compte une dizaine d’employés qui travaillent toute l’année à la fabrication de Péckvillercher : entre 3 000 et 4 000 par an. Avec la pandémie et une équipe réduite, on a dû revoir ces chiffres à la baisse mais la demande, elle, a augmenté!» Au pop-up store, la Ligue HMC propose de nombreux modèles, mais attention, les éditions 2021 partent très vite.
Sylvie Thoma : «Je garde le sourire, mais c’est très dur»
Elle accueille chaleureusement les clients du pop-up store comme elle sait si bien le faire, mais le cœur n’y est plus : après une saison 2020 désastreuse, Sylvie Thoma, gérante d’un magasin de souvenirs, peine à maintenir son affaire à flot. «C’est très dur. On n’a droit à aucune aide parce qu’on n’entre pas dans les plafonds. Comment s’en sortir avec deux mois de fermeture l’an dernier en plein lancement de la saison? Pour nous, c’est une catastrophe.»
Sa boutique fait quasiment partie du patrimoine : installée en face du musée national d’Histoire et d’Art, elle fait le bonheur des touristes depuis 1979 avec ses mugs et ses cartes postales du Luxembourg. Mais la commerçante pense désormais sérieusement à la fermeture: «J’ai toute cette marchandise en stock, déjà payée, c’est intenable.»
Alors sans l’Émaischen, c’est la double peine. Elle continue de créer ses propres Péckvillercher et son stand ne désemplit pas : ici, tout le monde la connaît. «Ça me tient à cœur. J’ai commencé en 1982. C’est moi qui avais lancé l’idée auprès de ma mère.» Car le magasin est avant tout une affaire de famille, dont l’Émaischen est le point d’orgue : «C’est vraiment unique. C’est un jour où on est sur le pont dès 4 h du matin et jusqu’à 6 h le soir, tous ensemble», raconte-t-elle en tamponnant «2021» au-dessous d’un Péckvillchen.
Comme pour faire revivre les belles années, Sylvie a ressorti cette année un modèle vintage : le tout premier petit oiseau qu’elle a créé pour l’Émaischen, il y a 38 ans.
C. B.