À quelques semaines de la rentrée scolaire, c’est l’effervescence dans les librairies. L’une d’entre elles, dans le quartier des lycées à Luxembourg, nous dévoile ses coulisses.
Avec près de 280 000 manuels scolaires à distribuer pour la rentrée du 15 septembre rien que pour l’enseignement secondaire et la formation professionnelle, les neuf librairies agréées par le ministère de l’Éducation nationale pour proposer le service myBooks (lire ci-dessous) sont en plein rush.
Si la rentrée scolaire pèse lourd dans les recettes annuelles de chacune d’entre elles, pour la Librairie des Lycées, elle est carrément vitale : installé depuis 25 ans dans le quartier du Limpertsberg à Luxembourg, cet établissement indépendant est devenu une institution en faisant des fournitures dédiées aux élèves le cœur de son activité.
Alors pas question pour les gérants, Frédéric et Sabrina Biagiotti, de s’arrêter une minute : lui, en boutique ou dans son camion, en route pour les livraisons, elle, en télétravail, aux manettes de la comptabilité, de la logistique et de la gestion de myBooks. «On ne peut pas se permettre de louper la rentrée scolaire», lance le patron des lieux depuis 2017. «C’est cette période qui nous fait vivre : même si notre offre est diversifiée, avec de la papeterie et de la bagagerie notamment, la vente des manuels scolaires représente 70% de notre chiffre d’affaires annuel», confie-t-il.
C’est pourquoi deux étudiantes ont été recrutées pour prêter main-forte, en ce mois d’août, à leur employée principale. Au total, ils sont une dizaine de saisonniers à être mobilisés tout au long de l’année rien que pour assurer le pic d’activité de septembre, la pointe de l’iceberg : «Pour nous, la rentrée scolaire démarre dès février, avec les premières réunions avec le ministère et aussi les membres de la fédération des libraires», explique Frédéric Biagiotti.
«Puis, dès la fin du mois de mai, les véritables préparatifs commencent avec les écoles qui nous sollicitent et les commandes à passer à nos fournisseurs. À partir de juillet, avec l’ouverture de la plateforme en ligne myBooks, les élèves du secondaire réservent leurs livres et viennent les retirer fin août, début septembre. Ça se poursuit comme ça jusqu’à la fin du mois d’octobre, avec un pic entre le 15 septembre et le 15 octobre», précise-t-il.
Quant à l’obtention de l’agrément myBooks, il est soumis à un cahier des charges très précis : les librairies candidates s’engagent à disposer d’un stock de manuels scolaires suffisant pour toutes les classes, à mettre en place l’infrastructure informatique nécessaire pour être relié aux services de l’État et doivent montrer patte blanche en étant à jour au niveau fiscal (TVA, contributions sociales, impôt personnel). «C’est un véritable engagement», souligne la gérante. Le ministère règle ensuite directement à la librairie le montant total correspondant aux livres achetés via le service myBooks.
«On doute en permanence»
Avec 5 000 manuels scolaires écoulés la saison dernière, la petite librairie de quartier ne prétend pas rivaliser avec le mastodonte du secteur – la librairie Ernster compte neuf sites et réalise 20 millions d’euros de chiffre d’affaires annuel – mais compte bien tirer son épingle du jeu avec son concept mêlant authenticité et proximité.
Des maîtres-mots qui ont permis au couple de garder le lien avec la clientèle historique du magasin et de faire de nouveaux adeptes. Tout ceci au prix d’un travail acharné – la Librairie des Lycées est ouverte 7 jours sur 7 et propose plus de 6 000 articles en ligne sur son site web – pour ces parents de deux jeunes enfants. S’ils avaient réussi à maintenir leur affaire à flot jusque-là, l’an dernier, la vague du Covid a bien failli les emporter. «On a perdu jusqu’à 40% de chiffre d’affaires en 2020», raconte Frédéric.
Une épreuve de plus pour ces indépendants qui ont maintes fois pensé baisser les bras. «On doute en permanence. Mais arrêter n’est pas une option», lance cet entrepreneur dans l’âme, jamais à court d’idées. Pour s’en sortir, ils ont notamment lancé des bons cadeaux qui ont cartonné, un moyen de rentrer un peu de liquidité et de contrer la féroce concurrence du web. Sortis de cette tempête, ils poursuivent désormais leurs projets en développant leur présence sur les réseaux sociaux et en modernisant leur boutique : un relooking est d’ailleurs prévu début septembre.
Christelle Brucker
Rien à débourser avec myBooks
Pour les manuels scolaires du secondaire, c’est le ministère qui règle la facture, soit 212 euros d’économie en moyenne par élève.
Quatrième rentrée pour le système d’achat de livres myBooks lancé en 2018 par le ministre de l’Éducation nationale, Claude Meisch : l’application et le site web sont opérationnels depuis le 24 juillet et permettent aux élèves du secondaire et de la formation professionnelle de commander leurs manuels obligatoires auprès des librairies agréées sans rien débourser.
Cette année, celles-ci sont au nombre de neuf : librairie Ernster (Bascharage, Bertrange, Ettelbruck, Luxembourg-Centre ou Gasperich), librairie Diederich à Esch-sur-Alzette, Librairie des Lycées à Luxembourg-Limpertsberg, Samkats à Echternach, Christina’s Bicherbuttik à Wiltz, Le Monde du Livre à Dudelange, librairie Um Fieldgen à Luxembourg-Gare, librairie Zimmer à Diekirch et librairie Biba à Marnach.
Près de 50 000 lycéens bénéficient de cette mesure, qu’ils soient inscrits dans des établissements publics ou privés. Le montant de ce coup de pouce, qui varie en fonction de la classe de l’élève – en 7e, de nombreux manuels sont nécessaires, alors qu’ils sont moins nombreux en 1re – peut grimper jusqu’à 450 euros, mais en moyenne en 2020, les familles ont économisé 212 euros, selon le ministre.
Des aides pour les familles en difficulté
Et si l’élève privilégie des livres d’occasion, il reçoit alors des bons d’achat à hauteur de 50% de la valeur neuve des manuels non sélectionnés dans myBooks pour acheter romans, BD ou encore dictionnaires, jusqu’au 30 juin 2022 dans les librairies partenaires.
Un investissement de plus de 7 millions d’euros en 2020, rien que pour les manuels imprimés, alors que le ministère finance également les e-books utilisés sur les 27 000 tablettes numériques mises à la disposition des lycéens dans le cadre du programme one2one initié en 2016.
Pour soutenir les familles les plus précaires au moment des achats de la rentrée, les élèves issus d’un ménage à faible revenu peuvent prétendre à une aide supplémentaire d’un montant annuel oscillant entre 630 et 945 euros. Cette subvention est à demander directement auprès du Service psycho-social et d’accompagnement scolaires (SePAS) du lycée à partir du 15 septembre. En 2020, 7 462 élèves en ont bénéficié.
Enfin, la traditionnelle allocation de rentrée scolaire, versée d’office chaque année au mois d’août en même temps que les allocations familiales, se chiffre à 115 euros pour un enfant âgé de plus de 6 ans et à 235 euros pour un enfant de plus de 12 ans. Aucune demande n’est à remplir. Cependant, pour les enfants qui entre au 2e cycle de l’enseignement fondamental (au primaire pour la France et la Belgique) et qui n’ont pas encore fêté leurs six ans au moment de la rentrée, la Caisse pour l’avenir des enfants verse l’allocation sur présentation d’un certificat de scolarité.
C.B