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Les commerçants des marchés de Noël : «Oui, on a eu peur»


Claude a dû fermer son manège en urgence face aux centaines de manifestants forçant les barrières. (Photo : Alain Rischard)

Secoués par les manifestants contre les restrictions sanitaires qui ont envahi plusieurs marchés de Noël samedi dernier, les commerçants des petits chalets veulent avant tout garder le sourire, même s’ils ne cachent pas qu’ils ont eu peur.

À l’heure de l’ouverture du marché de Noël place de la Constitution ce lundi matin, une file d’attente s’est déjà formée sous le chapiteau d’entrée. Dans les rangs, certains se dandinent sur la musique festive, alors que les enfants s’impatientent, bonnet sur la tête et joues rosies par le froid, en attendant de faire un tour de manège.

En ce jour de Saint-Nicolas, le village de petits chalets a retrouvé sa quiétude après les débordements de l’avant-veille, lorsque des centaines de manifestants ont forcé l’entrée du marché pour venir crier leur colère contre le gouvernement jusque dans les allées de ce lieu familial et joyeux.

Cheyenne a dû se barricader dans son chalet avec ses clients. Elle veut oublier cet épisode et a retrouvé son sourire. (Photo : Alain Rischard)

Un impressionnant mouvement de foule qui a pris de court la sécurité et les policiers, tout comme les commerçants et les visiteurs : «Tout d’un coup, on a vu des milliers de personnes se presser à l’entrée en criant. Les forces de l’ordre ont essayé de les contenir mais à un moment, ils n’y arrivaient plus», raconte Cheyenne, gérante de la Pêche aux boules de Noël.

«C’était violent»

«Ils ont renversé les barrières et ils sont passés partout, c’était violent et oui, on a eu peur», confie Claude, aux commandes du manège Le sapin magique, un fidèle du marché de Noël de Luxembourg. «On a évacué tous les clients et on a fermé», poursuit-il.

«Des gens sont partis, ils ont eu peur, c’est sûr», explique Francis, qui tient le stand du trampoline pour les enfants. «Je peux comprendre les anti-vaccins, mais je suis contre la violence, or certains étaient agressifs», se souvient-il.

En face, Vincent a tout vu depuis son chalet dédié aux lampes de Noël : «Il y avait du monde, le samedi, c’est notre plus gros jour. Ils ont envahi le marché pour aller jusqu’au monument. Ils ont fait tomber un panneau et les barrières. Ils tapaient sur des tambours, hurlaient des slogans. C’était impressionnant», confie le jeune homme, précisant que les visiteurs ont su garder leur calme.

Vincent a assisté à toute la scène, depuis son stand juste à l’entrée. (Photo : Alain Rischard)

«Une petite fille
n’arrêtait pas de pleurer»

«Nous, on a fait rentrer des familles avec nous à l’intérieur du chalet et on s’est barricadés. On a eu peur que ça dégénère. Une petite fille n’arrêtait pas de pleurer», reprend Cheyenne. «Et ça c’est dommage. Les enfants n’ont pas à vivre ça. Chacun pense ce qu’il veut, mais nous, au marché de Noël, on n’y est pour rien», soupire-t-elle.

Plusieurs sites du festival Winterlights de la Ville de Luxembourg – place de la Constitution,  place de Paris et place d’Armes – sont ainsi restés fermés plusieurs heures pour certains, engendrant un lourd manque à gagner pour les commerçants, à la veille de Saint-Nicolas. Et après deux ans d’inactivité, ils s’en seraient bien passés.

«Beaucoup d’entre nous sont au plus mal», confie Olivier, l’un des forains du marché de Noël de la place d’Armes. «Moi-même j’en ai pour quelques années à remonter la pente», déplore-t-il.

«C’est très grave
ce qui s’est passé»

Alors samedi, face aux manifestants, il reconnaît qu’il a fallu le calmer : «C’est la bourgmestre, madame Polfer, qui a fini par me faire entendre raison alors que le ton montait avec une manifestante», rapporte-t-il, ajoutant qu’il n’avait jamais vu ça à Luxembourg. «C’est très grave ce qui s’est passé, je ne l’admets pas. Qu’on s’en prenne à un lieu comme le marché de Noël, avec des familles, des enfants, et qu’on nous empêche de travailler, c’est pas possible», s’emporte-t-il, au milieu des rayons de petits sujets de Noël.

Olivier «n’admet pas» le comportement des manifestants et se dit désormais «anti-anti-vax». (Photo : Christelle Brucker)

Lui aussi a pris des clients dans son chalet, pour les protéger : «On nous avait demandé de tout fermer en urgence. Quand ils sont rentrés dans les allées, on était déjà tous fermés, et heureusement. Ils ont tapé dans les baraques en criant, mais il n’y a pas eu de casse», indique celui qui connaît le marché de Noël depuis ses débuts.

«Maintenant, je suis anti-anti-vax»

Il a été très marqué par les événements, et ne décolère pas : «Pour moi, leur mouvement a perdu sa crédibilité. Et je le dis, maintenant, je suis anti-anti-vax», proclame-t-il.

Alors qu’il estime avoir perdu 30% de chiffre d’affaires ce samedi, Olivier espère, comme ses collègues des autres sites, que des mesures seront prises pour sécuriser les lieux le week-end prochain, alors que d’autres actions s’annoncent, notamment une Marche blanche programmée dimanche.

Christelle Brucker

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