Le vote du nouveau PAG de la commune qui devait avoir lieu vendredi, a été repoussé à l’automne. En cause, un désaccord concernant la réglementation des colocations.
Deux parties s’affrontent : d’un côté un collectif de citoyens eschois et de l’autre l’administration communale. Selon les premiers, il serait question d’«interdire toute cohabitation et colocation entre non-apparentés chez eux». Selon le bourgmestre Georges Mischo, il ne s’agirait pas de les interdire, mais davantage de «les réglementer dans l’intérêt de chacun». La commune veut par ce biais mettre un terme aux meublés non conformes qui pullulent dans la Métropole du fer. «Les gens doivent pouvoir vivre dans des logements sains et sûrs, estime le bourgmestre. En outre, en tant que commune nous devons pouvoir savoir qui vit où à Esch-sur-Alzette en cas de problème.»
Des explications que le collectif aurait bien voulu obtenir plus tôt de la part de la commune. «À ma connaissance, il n’y a pas eu de véritable dialogue», indique Jean Laroque, propriétaire et membre du collectif. «Nous ne comprenons pas ce mélange des genres entre les préoccupations urbanistiques concernant la sécurité et la salubrité d’un côté et de l’autre, le fait de retirer le droit aux propriétaires d’organiser leur logement comme ils l’entendent», explique-t-il. Jusqu’à présent, la colocation n’est pas interdite sur le territoire d’Esch-sur-Alzette, mais, assure Jean Laroque, «des enquêtes extrêmement intrusives ont d’ores et déjà été réalisées pour demander aux personnes qui vivent sous le même toit si elles vivent bien maritalement. Il faut être marié ou pacsé et si ce n’est pas le cas, on devient suspect.»
«La jurisprudence est claire, une commune n’a pas le droit d’interdire les colocations ! Désormais notre initiative ira juridiquement et solidairement à l’encontre de tout acte administratif qui empêchera les citoyens d’Esch d’accéder à leur droit de disposer de leur logement, de faire habiter chez eux ceux qu’ils veulent, de s’enregistrer à leur adresse où ils ont loué…», indique le collectif Save Co-housing in Esch sur sa page Facebook. Le groupe est constitué d’étudiants, de jeunes salariés ou de propriétaires qui partagent leur logement. L’impulsion a principalement été donnée par les étudiants.
«Ils sont concernés au premier plan», indique le membre du collectif qui estime que la commune d’Esch-sur-Alzette est en marche vers la gentrification et souhaite «réserver les logements à des familles qui ont un certain revenu et renvoyer les étudiants et les personnes le moins favorisées je ne sais où, alors que l’université est à Belval. On ne peut pas avoir de vie estudiantine et pas de logements en conséquence». Il pointe également la vie en colocation comme un des seuls moyens pour bon nombre de jeunes salariés d’avoir un toit décent au-dessus de la tête au vu des prix de l’immobilier, quand ce n’est pas un choix de vie. «Il faudrait enfin résoudre le problème du logement. L’argumentation de la Ville de prétendre que louer des logements en colocation équivaut à soustraire des logements aux familles, n’a rien à voir. Il y a une pénurie de logements et les gens essayent de se débrouiller comme ils peuvent pour en avoir un.»
«Les colocations sous conditions»
L’incompréhension règne du côté du collectif, mais également de la section locale du LSAP pour laquelle «un PAG ne doit pas décider de qui vit avec qui. Il règlemente l’utilisation du sol, pas de la propriété». Elle votera en faveur du PAG une fois ce dernier expurgé de cette notion. Du côté de l’Hôtel de ville, on rappelle que des logements dans les nouveaux quartiers comme Esch-Schifflange ou Rout Lëns ont été pensés pour intégrer de nouvelles formes d’habitation et de colocation.
Le bourgmestre, face à la caméra de RTL, persiste : «Les colocations resteront possibles. Par exemple, un appartement avec trois chambre pourra accueillir trois fois deux personnes à condition qu’il existe des sorties de secours par les escaliers ou par une fenêtre accessible depuis la rue par les sapeurs-pompiers.» Ces derniers mois, les incendies dans des logements insalubres se sont multipliés. Et Georges Mischo de poursuivre : «La colocation sera possible dans les maisons également, à condition que les colocataires signent un bail commun, ce qui permettra d’éviter les sous-locations qui font grimper les prix des loyers et des maisons.» Un système d’évaluation va être mis en place pour déterminer si un logement peut convenir à une colocation et les étudiants pourront s’installer chez des particuliers disposant d’un logement d’une superficie supérieure à 100 mètres carrés.
«Le temps de discuter et de mobiliser»
Le collectif ironise : les étudiants qui désirent vivre en colocation vont devoir le faire dans des châteaux. La pilule ne passe pas. Même si le collectif est persuadé d’avoir «marqué des points avec nos actions (un groupe Facebook, une pétition qui a réuni plus de 600 signatures et une manifestation qui a réuni une cinquantaine de personnes devant l’hôtel de ville d’Esch-sur-Alzette mardi matin).
Le vote a été reporté et le bourgmestre n’est pas sorti par l’avant de l’hôtel de ville pour parler à la presse, mais à l’arrière. C’est une victoire. Reste à savoir comment nous allons nous remobiliser».
Si la question n’a pas été tranchée, «le pas en arrière du bourgmestre, nous laisse le temps de discuter et de mobiliser sur ce terrain-là». Une manifestation était prévue ce vendredi. Jean Laroque, au moment où je l’ai rencontré, n’était pas encore en mesure de me confirmer si elle serait maintenue ou non.
Du côté de l’Hôtel de ville, on explique ce report de vote à l’automne par le souhait de l’administration communale de procéder au vote d’un projet conforme aux dispositions de la future loi concernant le logement, dont le ministre Henri Kox devrait prochainement présenter le projet de loi. Elle devrait, entre autres, réglementer la colocation et la cohabitation. En attendant, des ateliers et des réunions d’information destinés aux citoyens vont être organisés par la commune.
Sophie Kieffer