Les clowns sont de retour en chair, en os et parés de leur nez rouge dans les hôpitaux et maisons de retraite du Luxembourg, pour le plus grand bonheur des petits et de leurs aînés.
Des drôles d’énergumènes circulent à nouveau dans les couloirs des hôpitaux et des foyers du pays : maquillage grotesque, perruques colorées et tenues improbables, guitare à la main et surtout nez rouge au milieu de la figure, les clowns hospitaliers de l’ASBL l’Île aux clowns sont bel et bien de retour, en chair et en os, enfin, pour le plus grand plaisir des personnes les plus fragilisées.
Ces amuseurs qui prennent très au sérieux leur rôle effectuaient en effet jusqu’à la fin 2019 pas moins de 500 visites par an auprès de 10 000 personnes, dans 26 établissements du pays (hôpitaux, Ehpad, foyers de jour, foyers pour réfugiés, etc.). Mais comme beaucoup, ils se sont vus couper l’herbe sous le pied par cette satanée crise sanitaire et à la mi-mars 2020, ils ont dû du jour au lendemain complètement cesser leur activité.
Qu’à cela ne tienne ! Très vite, ces artistes au grand cœur ont mis à profit leur générosité et leur créativité pour tenter de garder coûte que coûte ce lien si précieux avec toutes ces personnes vulnérables. À l’instar d’un grand nombre d’entre nous, ils sont d’abord passés par le télétravail : dans les locaux de l’ASBL, situés rue Vauban à Luxembourg, les clowns ont installé un petit studio d’enregistrement et se sont mis à filmer des sketchs. Des vidéos qui ont été mises en ligne sur la plateforme YouTube et envoyées directement aux différentes structures avec lesquelles ils collaborent.
Mais un écran plasma ne remplacera jamais la chaleur humaine. «Nous avons réfléchi à ce qu’on pouvait faire, dans le respect des règles sanitaires, et ce, d’autant plus que nous sommes confrontés à des personnes vulnérables», relate Éric Anselin, le directeur de l’Île aux clowns. Les clowns montent alors des spectacles musicaux, d’une quarantaine de minutes environ, qu’ils présentent tout l’été 2020 dans les parcs ou sur les terrasses des différentes structures partenaires, afin que les personnes puissent y assister à distance ou depuis leurs fenêtres.
Le contact humain, essentiel
Une initiative qu’il a fallu bien sûr abandonner à la fin des beaux jours. Et revoilà donc nos clowns qui passent à nouveau par la case vidéo : ils organisent tout l’hiver des visioconférences, parfois en groupe, parfois en tête-à-tête. Mais heureusement, grâce à leur partenariat avec le CHL, toute l’équipe peut rapidement se faire vacciner au début de l’année (à l’instar du personnel soignant) et reprendre ainsi progressivement les visites (dans le respect des consignes sanitaires bien sûr).
Aujourd’hui, les clowns ont enfin retrouvé leur rythme d’avant la pandémie, avec environ 50 visites par mois organisées dans divers établissements. «Il y avait une grosse attente de ce contact humain et nombreuses sont les personnes qui racontent aux clowns ce qu’elles ont vécu durant cette période», témoigne Éric Anselin.
Reconnue d’utilité publique depuis 2015, l’Île aux clowns se finance uniquement grâce à des dons privés provenant notamment de particuliers, d’entreprises, d’associations ou d’établissements scolaires.
Tatiana Salvan
Clown hospitalier, un métier exigeant
C’est avant tout pour leur personnalité empathique et leurs talents artistiques que les neuf clowns hospitaliers de l’ASBL L’ile aux clowns ont été recrutés : fibre sociale et créativité sont intimement liées dans ce métier profondément humain et exigeant. Il faut en effet beaucoup de courage, une sacrée dose d’énergie et une grande résistance au stress pour s’engager dans cette voie.
«Contrairement au clown de spectacle, qui prépare son numéro et joue plus ou moins la même chose devant son public, le clown hospitalier n’a pas de spectacle préparé et doit systématiquement s’adapter à la situation», rappelle Éric Anselin, le directeur de l’ASBL. «Un clown qui va voir un enfant hospitalisé pour un petit bobo sera beaucoup sollicité. À l’inverse, en soins palliatifs, il ne lui faudra pas déployer la même énergie, et cela s’apprend.»
Les clowns hospitaliers suivent donc de nombreuses formations – plusieurs par an – et participent régulièrement à des ateliers avec une psychologue. Ils échangent par ailleurs en amont de leurs interventions avec le personnel soignant, afin de discuter de l’état des personnes à qui ils vont rendre visite. «Savoir s’adapter est à la base de tout : s’adapter au patient, à la maladie, à l’état de conscience, de fatigue, etc.» résume Éric Anselin, qui précise : «Les interventions ne sont pas minutées, les clowns décident de la durée en fonction de ce qui se passe : parfois, une personne s’assoupit au bout de 5 minutes, d’autres fois, la visite peut durer une heure. Nous ne mettons pas en place des indicatifs de performance, nous sommes dans le qualitatif !»