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Les armes pour contrer le gel dans les vignes


Le Luxembourg est loin d'avoir été le seul pays touché par le récent coup de gel. Tous les vignobles d'Europe, même du sud, y sont confrontés. (photos AFP)

Le gros coup de gel de la semaine dernière a été suivi de plusieurs répliques. Et le Luxembourg est loin d’avoir été le seul pays touché. Petit tour d’horizon des moyens de protection qu’ont trouvés les vignerons à travers le monde.

Dossier réalisé par Erwan Nonet

Les chaufferettes

On retrouve ces systèmes en Champagne, notamment. Les chaufferettes sont alimentées au fioul ou au gaz. Perfectionnées, elles peuvent s’allumer automatiquement, lorsque les températures s’abaissent. Pas simples à installer, polluantes, elles sont de moins en moins utilisées.

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Les bougies

Elles ont souvent remplacé les chaufferettes. On voit ces gros blocs de paraffine qui remplissent des boîtes métalliques lors des nuits froides de printemps en Bourgogne. Ce système simple est efficace jusqu’à -4°C. Il nécessite toutefois une mise en place laborieuse et beaucoup de main-d’œuvre. Parfois, ce sont des braseros qui sont plutôt installés.

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Les feux de paille

La solution a été utilisée en Bourgogne dans la nuit de jeudi à vendredi et pourrait l’être encore, si besoin. La méthode est très encadrée : chaque opération de brûlage doit obtenir une autorisation du maire et des sapeurs-pompiers. Elle ne peut être obtenue en cas de pollution de l’air aux particules fines ou en cas de vent supérieur à 20 km/h. Les feux, qui ne pourront être placés à moins de 200 m d’une lisière de forêt, ne pourront être allumés que si le gel est avéré, qu’une surveillance humaine constante est opérée et que des moyens d’extinction proportionnés sont directement sur place.

Les frostbusters

Ces brûleurs à gaz sont fixés à l’arrière d’un tracteur et celui-ci circule entre les rangs pour réchauffer l’air. La méthode offre une certaine souplesse, mais son efficacité est relative, surtout si le circuit est long… Un frostbuster coûte 4 000 euros.

L’aspersion

Cette fois, le gel n’est pas combattu par le feu… mais par la glace ! Le principe d’aspersion demande un dispositif lourd, puisque des gicleurs doivent être installés au milieu des vignes. Ceux-ci se mettent en marche lorsque les températures deviennent négatives. L’eau qui entoure les raisins gèle, ce qui garantit à la grappe de garder une température constante de 0°C. Il ne s’agit ni plus ni moins que de créer un effet igloo. La technique est très efficace, mais nécessite des contraintes importantes. Pas moins de 50 m3 d’eau par hectare et par heure sont nécessaires. L’appareillage est coûteux (entre 5 000 et 10 000 euros l’hectare) et demande un entretien sans faille. Si le système tombe en panne en pleine utilisation, la vigne gèle à coup sûr.

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Les éoliennes

Les pales de ces tours à vent de 11 mètres de haut permettent de brasser l’air. En mélangeant les couches d’air froid aux couches d’air chaud, la température moyenne s’élève de quelques degrés, ce qui permet parfois d’éviter le pire. Elles se mettent en marche automatiquement lorsque le froid tombe. Efficaces lors des gelées blanches (jusqu’à -4°C), il faut les équiper d’un brûleur lors des gelées noires (en dessous de -4°C) pour augmenter leur efficacité. Une tour à vent coûte de 30 000 à 40 000 euros et couvre 5 hectares. Cependant, si le froid n’arrive pas par les vents dominants, ces tours perdent de leur utilité. Des tours à vent mobiles fonctionnant au diesel, sortes de grands ventilateurs, permettent de parer à cette éventualité. Le bruit émis rend leur utilisation difficile à proximité des habitations. Elles sont déjà utilisées en France, en Allemagne ou en Nouvelle-Zélande.

Les hélicoptères

Le principe est similaire à celui des tours à vent. Le brassage de l’air dû à la rotation des pales permet de mélanger les différentes couches d’air. L’appellation Montlouis, dans la Loire, a été la première à faire appel aux hélicoptères le 18 avril dernier. Depuis, des vignerons du Bade-Wurtemberg, du Bordelais et de Touraine (Bourgueil, Vouvray, Azay-le-Rideau) ont repris l’idée. Le recours aux hélicoptères est facturé entre 170 et 250 euros par hectare. Il nécessite l’établissement d’un plan de vol détaillé pour que toute la surface en reçoive le bénéfice. Le bruit peut compliquer leur utilisation à proximité des zones habitées. Puisqu’il s’agit d’une grande première, il faudra attendre quelques semaines pour évaluer son efficacité.

La pulvérisation d’éliciteur

Un éliciteur est une molécule qui provoque une réaction de défense de la plante. Il existe des produits naturels, non toxiques et biodégradables qui entraînent le pied de vigne à émettre des molécules qui vont lui donner davantage de résistance au froid. Le coût n’est pas très élevé (60 euros par hectare, or application), mais il ne faut pas en attendre de miracle. Il faut l’appliquer entre 12 et 48 heures avant l’épisode gélif.

Les vignerons en biodynamie pulvérisent de la valériane, censée produire un effet similaire.

Les hélicoptères ? «Nous sommes sceptiques»

Les températures ont été si basses que Serge Fischer, chef du service viticulture de l’Institut viti-vinicole, estime qu’il n’y avait pas grand-chose à faire cette année.

Il y a une cinquantaine d’années, certaines vignes luxembourgeoises étaient protégées contre le gel. Pourquoi n’est-ce plus le cas ?

Serge Fischer : Entre les années 50 et 70, il y avait deux coopératives à Remerschen et Stadtbredimus qui entretenaient des systèmes d’aspersion. Mais nous sommes ensuite entrés dans une période longue et calme où les épisodes de gel étaient beaucoup plus rares et très localisés. Ces systèmes ont été abandonnés simplement parce que l’on n’en avait plus besoin.

À l’étranger, on voit que des techniques novatrices sont mises en place. Ont-elles été essayées ici ?

On en parle, mais rien n’a encore été tenté. Il y a des discussions sur les hélicoptères ou les ventilateurs, par exemple, mais est-ce vraiment efficace ? Nous sommes sceptiques. À Grevenmacher, mardi dernier, nous avions des températures de -4°C à 2 mètres du sol et de -7,5°C à 20 centimètres. Est-ce qu’un brassage de l’air n’aurait pas remonté le froid pour causer des dégâts pire encore ? Nous nous posons la question…

Est-il tout de même envisagé de tester ces méthodes ?

Ce serait très intéressant, mais difficile à mettre en place. Pour faire des essais, il faut des témoins afin de comparer les effets de l’utilisation des techniques et il sera difficile de trouver deux grandes surfaces plantées du même cépage dans des endroits où établir des comparaisons aurait du sens. C’est pour cela que je regarde de très près les expériences qui sont menées à l’étranger en ce moment.

Y a-t-il, à votre avis, une solution miracle ?

Contre les froids comme celui du mardi 18 avril, non : il n’y a rien à faire. Les techniques pour lutter contre le gel peuvent être efficaces lorsque tout se joue à un degré près, mais au-delà, c’est compliqué. L’hélicoptère est sans doute bénéfique lorsque la température est de 1°C à 3 mètres et -3°C au sol, mais pas plus. Ceci dit, souvent, cela se joue à pas grand-chose. Nous avons remarqué que les vignerons qui ont bien travaillé leurs sols sont ceux qui ont eu le moins de chance : la rugosité de la terre a retenu l’écoulement de l’air froid. Ils ne sont vraiment pas vernis, parce que, pourtant, c’était à ce moment-là qu’il fallait le faire…