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L’épicerie sans emballage OUNI se bat pour ne pas disparaître


Anne-Claire Delval (à g.), bénévole OUNI, et Lisa Kehli, responsable de la boutique de Dudelange, espèrent voir davantage de clients. Si dans la capitale il y a plus de passage, dans le Sud, le panier moyen est plus élevé. (photo Alain Rischard)

L’épicerie sans emballage, OUNI, subit de plein fouet la crise sanitaire. Un seul remède existe sur le long terme : faire revenir les clients.

Après un véritable engouement, c’est la douche froide : la vente en vrac ne fait plus recette. La pandémie a rebattu les cartes et modifié les habitudes. C’est un constat partagé par les commerces de ce secteur à travers les différents pays d’Europe. Le Luxembourg ne fait pas exception et OUNI accuse le coup.

OUNI, acronyme pour «Organic Unpackaged Natural Ingredients», signifie «sans» en luxembourgeois. Elle est la première épicerie bio sans emballage au Luxembourg. Une belle histoire démarrée au quartier Gare en 2016 qui fonctionnait si bien qu’une deuxième boutique avait ouvert ses portes, portée par la volonté farouche d’une communauté désireuse de consommer autrement. Car OUNI est une société coopérative, gérée par ses membres.

Nous étions là pour l’ouverture du magasin aux 14 et 16 de la rue de la Libération à Dudelange. L’euphorie était alors de mise. C’était à la mi-mars 2020, et la suite de l’histoire, on la connaît. Seulement quelques jours plus tard, le couperet est tombé : confinement. «À l’époque, nous avions peur et ne connaissions pas bien les moyens de transmission de la maladie», se souvient Anne-Claire Delval, communicante bénévole pour l’enseigne. «Nous avons alors pris la décision de fermer les portes au profit des livraisons à domicile. De cette manière, nous pouvions garantir l’hygiène des contenants utilisés.» Un choix bien accueilli et les clients étaient au rendez-vous.

Quand, en juin, le magasin rouvre ses portes, les passages en caisse se font rares. Les habitudes de consommation ont bel et bien changé en quelques mois, mais pas au profit du vrac qui, en cette période de covid, fait peur. Dans les supermarchés, les rayons destinés au vrac ont longtemps été barrés par des rubans rouge et blanc. S’il y a eu un sursaut pour la consommation locale, il n’a pas pesé lourd face à la facilité : les drives, les commandes en ligne et la possibilité de faire tous ses achats dans un seul et même lieu. C’est dans ce contexte qu’une autre enseigne, française cette fois, a tenté sa chance à Strassen, Mlle Vrac. L’aventure ne durera que quelques mois. Sur sa page Facebook, la fermeture était annoncée pour décembre dernier, «faute de fréquentation»

Un rebond de l’engouement

Pour ne pas subir le même sort, OUNI mobilise toute son énergie. À l’automne dernier, un appel à l’aide est lancé dans la presse. «Cela nous a permis de sortir un peu la tête de l’eau et de respirer un moment, notamment en sensibilisant les fournisseurs et les partenaires. Les échéances ont été retardées, nous avons pu récolter des fonds. Cela nous a permis de survivre à 2021, ce qui n’était pas gagné, mais maintenant nous avons replongé», annonce la porte-parole. «Surtout que nous sommes une société anonyme et non une société à impact sociétal. Nous ne pouvons donc pas recevoir d’aides.» En outre, pour mener des campagnes promotionnelles et gagner en visibilité, OUNI se heurte parfois aux ingrédients qui font aussi sa force : ses valeurs et ses membres. Car un coopérateur égale une voix. Pour prendre une décision, il faut que tout le monde soit d’accord, ce qui pose problème quand on sait que faire des soldes ou toute autre action commerciale est mal perçu par la communauté, qui revendique une alternative à la société de consommation.

La coopérative va pourtant devoir trouver des solutions pour ne pas disparaître, même si certains signes sont positifs. Le magasin de Dudelange fermé le 18 mars n’avait pas eu le temps de profiter de la vague d’engouement créée par son ouverture. Il semblerait que petit à petit cette dynamique reprenne chez les membres, mais de façon plus laborieuse. En ce jeudi après-midi, l’atmosphère est on ne peut plus calme. Un père, Claude Keup, et son fils de 8 ans, Boris, viennent chercher les ingrédients qui leur manquent pour faire un gâteau. «Avec trois enfants, c’est plus simple de venir ici», explique le riverain, qui n’est venu que quelques fois, mais pas par conviction. C’est tout l’inverse pour Marc Parrasch, membre OUNI. Ce Dudelangeois allait déjà jusqu’à Luxembourg-Gare pour faire ses courses selon ses principes de vie. «Je viens toutes les deux semaines faire mes courses ici et je trouverais ça bien dommage s’il devait fermer.»

D’autres difficultés pèsent sur OUNI. À côté du magasin de Dudelange, des travaux encombrants et bruyants rebutent un peu les passants. À Luxembourg-Gare, le télétravail a considérablement réduit la masse de clients potentiels, en particulier ceux qui récupéraient leur courses sur le chemin du retour. «Désormais il y a aussi les manifestations contre le pass sanitaire qui partent souvent de la gare le week-end et une atmosphère d’insécurité», regrette Anne-Claire Delval. Une option livraison est cependant disponible à la boutique du quartier Gare. «Les livraisons sont effectuées à vélo pour respecter nos valeurs.»

La communicante tient à le souligner : «OUNI, c’est bien plus qu’une épicerie. Nous faisons un important travail de sensibilisation sur la réduction de nos déchets, mais aussi sur l’alimentation. Peut-être que certains de nos produits sont un peu plus chers que le marché, mais ils sont de très bonne qualité. Si les gens achetaient moins, mais mieux, tout le monde pourrait venir chez nous. OUNI, c’est aussi un lieu de lien social, notamment avec l’espace café et jeu pour les enfants.»

Audrey Libiez

Un commentaire

  1. Bonjour,
    C’est tout à fait triste pour ce pionnier du vrac au Grand-Duché et lui souhaitons de connaître très vite une tendance plus favorable.
    Je me permets de rappeler que nous avons ouvert en juin dernier une épicerie 100% vrac sous notre enseigne day by day (daybyday-shop.com) à Bertrange au sein du Cora City-Concorde. Nous y proposons dans un espace dédié plus de 7450 références en vrac avec accueil et conseils de notre propre équipe.
    Vive le vrac !
    David, co-fondateur day by day