L’épicerie Osada est un petit village qui voit passer beaucoup de monde. Le couple de propriétaires a su créer du lien social autour de ce commerce de quartier unique au Grand-Duché.
Une file d’attente sans cesse renouvelée à faire pâlir d’envie beaucoup de magasins du centre-ville. Des clients qui viennent d’Allemagne, de Belgique et de France. L’épicerie Osada ne désemplit pas depuis son ouverture en 2017. Un succès qui a encouragé ses propriétaires à ouvrir un restaurant l’année dernière et tout récemment une deuxième épicerie. C’est l’histoire d’un retour aux sources réussi pour Chico et son épouse Ewelina, d’origine polonaise.
Nous sommes au Pfaffenthal, quartier historique de la capitale anciennement quartier populaire jugé mal famé et aujourd’hui en proie à la gentrification, et pourtant dans la rue Laurent-Ménager on parle, on mange, on boit et on vit polonais. C’est là que le couple a ouvert la première épicerie polonaise du Luxembourg. Après vingt ans passés dans le secteur de la restauration, Chico décide de ralentir le rythme. «J’ai repris l’épicerie en 2017 à la suite de Pierrot Lanners qui me connaît depuis que je suis enfant, comme la plupart des anciens du quartier», raconte Chico. Et pour cause : arrivé à l’âge de deux ans du Portugal avec sa famille, il passe son enfance au pied de la tour Vauban et vit dans sa chair l’explosion du 30 mai 1976 qui dévaste une partie du quartier. L’âge adulte l’éloigne du faubourg, mais son parcours professionnel l’en rapproche de plus en plus : Blow up au Limpertsberg, Cuba Libre à la place des Bains, restaurant à Neudorf…
Depuis quatre ans, son épicerie anime ce que les natifs du quartier considèrent comme le cœur de leur village. Avant la pandémie, une bonne partie de la vie sociale du quartier se jouait devant sa boutique très justement baptisée Osada qui veut dire petit village en polonais. Les retraités prenaient leur café sur les tables dressées sur les pavés à côté de touristes ou de promeneurs. Les gens s’arrêtaient pour papoter, échanger, prendre des nouvelles. Chico et Ewelina ont su, par leur sympathie et leur bonne humeur, rassembler les habitants comme le faisaient déjà leurs prédécesseurs. «J’aime ce quartier et mon épouse aussi. Elle ne le quitterait pour rien au monde», confie Chico.
Les clients viennent de loin
Aujourd’hui, plus de tables. On papote toujours, mais on ne s’attarde plus. Pourtant, l’épicerie ne désemplit pas. Les clients sont plus nombreux que jamais. «La communauté polonaise au Luxembourg est importante. Ils sont plus de 6 000 et il n’existait pas d’épicerie qui vende des produits polonais au pays avant celle-ci. Ici, on trouve tous les produits qui viennent de Pologne. Ils ne figurent pas dans les rayons des supermarchés», explique le commerçant.
On vient de loin pour acheter des produits polonais. «Les clients issus de la Grande Région aiment aussi venir jusqu’ici pour visiter le quartier. La pandémie a clairement contribué au succès du magasin. Les Polonais ont l’habitude de retourner dans leurs familles à Noël et à Pâques. Cela n’a pas été le cas cette année. Ils ont voulu fêter comme s’ils étaient là-bas avec leurs traditions, poursuit l’épicier. Ils apprécient aussi le contact avec notre personnel, pouvoir parler dans leur langue maternelle. C’est d’autant plus important que nous sommes tous confinés et que les contacts sont limités.»
Le succès de leur commerce est tel qu’après avoir ouvert un restaurant pour «travailler les produits que nous vendons à l’épicerie » (lire ci-dessous), Chico et Ewelina ont ouvert une deuxième épicerie polonaise au centre de Hesperange il y a deux semaines. Le petit local du Pfaffenthal déborde de produits, conserves, légumes, charcuteries, pâtisseries, spécialités polonaises en tout genre que l’épicier n’hésite pas à faire goûter à ses clients. L’épicerie est ouverte du mardi au dimanche. «Les produits frais sont livrés le jeudi et le vendredi, note Chico. Idem dans notre nouvelle épicerie à Hesperange. Toutes les informations sont disponibles sur Facebook.»
Régulièrement, les clients s’agglutinent de la rue Laurent-Ménager jusque dans la rue du Pont et attendent patiemment leur tour. Ils viennent en voiture et à vélo ou empruntent l’ascenseur et le funiculaire qui ont désenclavé le quartier et l’ont placé sur les cartes touristiques. De nouveaux clients s’ajoutent au fil de la journée, tandis que les camions de livraison sont déchargés.
Sophie Kieffer
«L’ouverture est mal tombée»
Deux mois, c’est le temps durant lequel le restaurant Osada a accueilli des clients depuis son ouverture en septembre dernier.
Il suffit de traverser la ruelle pavée pour arriver au restaurant polonais de Chico et Ewelina. Un local qui sent encore le neuf puisqu’il n’a été ouvert que deux mois depuis son ouverture au mois de septembre dernier. «L’ouverture est mal tombée», reconnaît Chico. Il s’est lancé dans cette aventure avec son épouse «parce qu’il se trouve en face de l’épicerie et que nous avions le personnel. La plupart nous accompagnent depuis 2009».
C’était compter sans le Covid qui est venu jouer les trouble-fêtes. «En novembre 2019, quand nous avons décidé de reprendre le local, il n’était pas encore question du virus, se souvient Chico. Les précédents occupants devaient fermer en mars 2020 et nous devions reprendre le local. Le moment était très mal choisi.» La pandémie a retardé les procédures administratives. «Nous avons signé le bail fin juillet et nous n’avons pas pu ouvrir avant septembre. Nous avons travaillé deux mois. Pour occuper l’équipe, nous avons commencé la vente à emporter depuis un mois, mais cela ne suffit pas pour couvrir les frais», explique le commerçant.
«Je n’ai de place que pour deux tables»
Comme beaucoup, il a choisi de ne pas sauter dans la brèche de l’ouverture des terrasses. «Je n’ai de place que pour deux tables devant la porte. J’attends qu’il fasse meilleur. Cela ne nous apportera pas grand-chose, mais cela donnera une opportunité aux passants de s’arrêter manger un bout, boire un café…», indique-t-il, espérant que la situation change pour pouvoir ouvrir son établissement. «Si ce n’est pas le cas, il arrivera un moment où je devrai prendre la décision d’arrêter. Rien ne sert de continuer quelque chose qui ne fonctionne pas, avoue-t-il. J’ai une famille, je ne peux pas me permettre de prendre trop de risques. Ou de mettre les épiceries en danger pour sauver le restaurant.» Le restaurateurs et son équipe ne demandent qu’à travailler, même avec des restrictions que ne pas travailler du tout.
À la carte du restaurant, une majorité de spécialités polonaises. Parmi les plats les plus demandés, les pierogi, des sortes de raviolis, le chou farci, la choucroute polonaise ou encore la soupe zurek et le bortsch, un consommé de betteraves.
S.K