Il y avait près de 500 personnes sur le parvis de l’abbaye de Neumünster pour observer l’éclipse à l’invitation du musée national d’Histoire naturelle. Télescopes et solarscopes étaient sur place.
Patiemment, les curieux font la file derrière les trois télescopes installés sur le parvis de l’abbaye. (Photos Isabella Finzi)
Les astronomes, professionnels et amateurs, sont arrivés tôt sur les bords de l’Alzette. Pas question de louper un rendez-vous aussi rare ! Avant 9h, leur matériel était déjà installé, prêt à capturer les images de la danse de la Lune et du Soleil. Jean Steinberg, que Le Quotidien a déjà rencontré cette semaine, a pris avec lui deux télescopes. « Ils sont spécialement dédiés à l’observation du soleil », explique-t-il.
À côté de lui, Éric Buttini peaufine les réglages d’un mastodonte dont l’optique est recouverte par un filtre solaire spécial. L’homme est un expert en la matière, puisqu’il est le conservateur de la section astrophysique et géophysique du musée national d’Histoire naturelle (MNHN). « Ce télescope appartient au musée, lorsque le soleil se lèvera, on le grossira 70 fois », prévient-il.
Une demi-douzaine de drôles de caisses en carton trônent sur des tables. « Ce sont des solarscopes, explique Patrick Michaely, qui gère la communication du MNHN. Ces appareils très simples permettent de projeter de manière indirecte le soleil et donc d’observer l’éclipse sans aucun danger. » Ces dispositifs avaient déjà servi en 2004, lorsque la course de Vénus était observable à l’intérieur du disque solaire.
À 9h, tout est installé et les premiers curieux arrivent déjà. Dans la fraîcheur de la matinée, tous n’espèrent qu’une chose : que la brume matinale se dissipera lorsque le soleil pointera au-dessus des toits de l’abbaye…
> « On voit même une tache solaire ! »
Mais alors que cela fait plusieurs jours que la météo prédit des nuages pour l’instant T, miracle, lorsque l’astre solaire se montre au-dessus des ardoises, le bleu du ciel remporte la bataille. « Ça fait plaisir, jubile Jean Steinberg. Le 11 août 1999, lors de l’éclipse totale, il y avait 15 000 personnes sur le plateau Saint-Esprit… mais tellement de nuages que l’on n’avait rien vu. Et en 2006, le ciel n’était pas clair non plus. »
Prévoyant, le musée a distribué quelques dizaines de paires de lunettes spéciales avec pour consigne de jouer collectif : « Il n’y en a pas pour tout le monde ! » De fait, chacun raconte ses efforts – infructueux, le plus souvent – pour dégoter les précieux binocles. Petit à petit, les personnes arrivent. Ça discute, la bonne humeur est de rigueur. Et, tout à coup, quelqu’un lance : « Ça commence ! » Les astronomes ont l’œil vissé sur leur télescope et les quidams dégainent les lunettes. Effectivement, la Lune mord le bord droit du Soleil.
Lâchant leurs appareils, les astronomes invitent le public à l’observation. « Dans le télescope, la lune arrive par la gauche… », s’étonne une dame. « Oui, avec les optiques, l’image est inversée », explique Jean Steinberg. La vision, en tout cas, est spectaculaire. Son télescope permet non seulement d’admirer le passage de la Lune entre la Terre et le Soleil, mais aussi d’observer les projections de matière de notre étoile.
« Regardez, lance Éric Buttini en invitant à se pencher sur son appareil. On voit même une tache solaire. C’est un endroit qui est moins chaud à la surface du Soleil. Il y fait environ 4 500°C au lieu de 6 000. » Épatant ! Vers 10h10, une vingtaine de minutes avant le climax de l’éclipse, la lumière change nettement. Ce n’est pas la grande obscurité d’une éclipse totale, mais l’athmosphère s’assombrit distinctement. Un petit vent froid fait frissonner les observateurs immobiles : on ne voit plus que 19% du soleil.
L’équipe du centre culturel de rencontre Neimënster sort à son tour. La directrice, Ainhoa Achutegui, prend des photos en collant des lunettes sur le capteur de son iPad. C’est le système D qui prévaut ! « C’est vraiment un beau spectacle, très impressionnant », glisse Michel, sourire XL en travers du visage, qui ne regrette pas de profiter de l’invitation du musée et d’avoir amené son jeune fils, littéralement scotché au télescope. « Il y a vraiment de la magie dans ce moment, lorsque la lumière tombe… C’est une drôle de sensation ! »
Les scientifiques, eux, se frottent les mains : ils ne s’attendaient pas à voir autant de monde. « Promouvoir les sciences naturelles, c’est aussi notre rôle, souligne le directeur du MNHN Alain Faber. C’est encourageant de voir que le public s’intéresse à ces évènements ! »
Erwan Nonet