Cet été, Le Quotidien va se balader au fil de la Moselle en suivant les propositions de Via mosel’, une nouvelle offre touristique transfrontalière qui répertorie les lieux qui réunissent le vin à l’architecture. On commence au plus près de sa source : dans le Toulois.
L’âme du Toulois
Une bonne centaine de kilomètres après sa source, c’est dans le vignoble des Côtes de Toul (à une trentaine de kilomètres de Nancy) que la Moselle baigne ses premiers ceps. Comme tout au long du fleuve, les premières vignes ont été plantées dès l’antiquité. Les racines des huit communes de l’appellation plongent donc loin dans le temps. On retrouve mêmes parfois les traces de cette ancienneté dans l’origine de leurs noms, à l’image de Blénod-les-Toul (qui vient du dieu celte Belenus) ou de Lucey (de Luciacus).
L’histoire des Côtes de Toul est fortement marquée par l’église, puisqu’associés à ceux de Metz et de Verdun, l’évêché de Toul faisait partie du XIe de la province des Trois-Évêchés, enclave autonome et francophone au beau milieu de terres germaniques. Ce n’est que sous Louis XIV que le territoire fut soumis à la France. Comme en Bourgogne, l’influence des religieux a été prépondérante dans le développement du vignoble.
Si la vigne est inscrite dans le temps long, elle était pourtant à deux doigts de périclité dans la première moitié du XXe siècle. Décimée par le phylloxéra, marquée par les guerres (1870, Première et Seconde Guerre mondiales), délaissée par les travailleurs qui se tournaient vers l’industrie alors en plein essor et plus rémunératrice, elle est devenue une activité auxiliaire presque oubliée. Le classement en Vins délimités de qualité supérieur (VDQS, 1951) alors que seuls 30 hectares étaient encore plantés a sans doute permis de la sauver, tandis que l’obtention de l’AOP (Appellation d’origine protégée, 1998) signait son véritable renouveau.
Les vignes sont plantées dans un sol argilo-calcaire sur les pentes d’une cuesta, un paysage lorrain classique offrant à la fois une belle exposition au soleil et une protection contre les vents humides venus de l’ouest. Aujourd’hui, 110 hectares sont cultivés sur une vingtaine de kilomètres de long, au nord de Toul, entre le canal de la Marne au Rhin et la Moselle. En pied de coteaux, on retrouve les mirabelliers typiques de la région alors que les sommets sont coiffés par des forêts. Entre 300 000 et 400 000 bouteilles y sont produits chaque année.
La grande spécialité de la région, c’est le Gris de Toul. Il s’agit d’un rosé de couleur claire, saumonée, obtenu à partir du pressurage rapide de cépages rouges. Le gamay est toujours largement majoritaire, il peut être associé au pinot noir. À eux deux, ces cépages doivent représenter au moins 85% de l’assemblage (on peut aussi y ajouter du pinot meunier, de l’auxerrois ou de l’aubin). Le Gris de Toul représente 80% de la production, tandis que les blancs d’auxerrois et les rouges de pinot noir se partagent le reste à parts égales.
Les incontournables
Impossible, bien sûr, de ne pas passer un moment à Toul, une place forte à l’histoire dense. Évêché puissant, Toul se distingue par son patrimoine religieux et particulièrement par sa cathédrale Saint-Étienne dont on fête en ce moment le 800e anniversaire (de nombreuses manifestations sont prévues jusqu’à l’année prochaine). Son style est éclectique puisqu’elle allie une façade gothique flamboyante et une conception romane, plus sobre. Son cloître est l’un des plus grands de France.
De part sa position géographique, à cheval entre les mondes francs et germains, Toul avait une importance stratégique évidente qui lui a légué un héritage militaire important. C’est simple : depuis le IIIe siècle, la ville a toujours été fortifiée. Aujourd’hui, Toul est d’ailleurs la seule ville de Lorraine à conserver une enceinte de ville. Comme à Luxembourg, Vauban s’est chargé de la modernisation de son système de défense au tournant des XVIIe et XVIIIe siècles. Derrière les imposants remparts, subsistent au cœur de la vieille ville de Toul de beaux témoignages architecturaux du XVe au XVIIIe siècle.
Le vignoble, lui, est installé autour de huit communes : Lucey, Bruley, Pagney-derrière-Barine, Domgermain, Charmes-la-Côte, Mont-le-Vignoble, Blénod-lès-Toul et Bulligny. L’identité de Lucey, village-rue typique de la Moselle, est très vigneronne… bien qu’il ne compte aucune cave voûtée ! En effet, les raisins, propriétés de l’évêché de Toul, étaient envoyés dès la récolte pour être pressés à Toul, dans les caves du palais épiscopal.
Le coin à découvrir
Situé à 5 kilomètres de Toul, le village viticole de Bruley, dont les fondations datent (au moins) de l’antiquité, possède une longue tradition religieuse. Il s’est notamment développé autour de l’église (XIIe siècle) et une congrégation religieuse y est installée depuis le XVIIe siècle. En 1882, le prêtre de la paroisse a eu l’idée de bâtir une réplique de… la grotte de Lourdes! Dans la chapelle du Rosaire qui lui est accolée, on peut découvrir quinze panneaux de céramique provenant des faïenceries de Bellevue à Toul de Vitry-le-François qui illustrent la vie de la Vierge. Devant l’abondance de pèlerins, une nouvelle église fut construite dès 1895 sur le site. Si avec ça, les vignes alentours ne sont pas bien protégées !
De notre collaborateur Erwan Nonet
Fleuve riche coteaux que parfume Bacchus, fleuve tout verdoyant aux rives gazonneuses : navigable comme l’océan, entraînée sur une douce pente comme une rivière, transparente comme le cristal d’un lac, ton onde en son cours imite le frémissement des ruisseaux, et donne un breuvage préférable aux fraîches eaux des fontaines (…)
Dans le répertoire de Via mosel’
Les villages viticoles
Lucey (630 habitants) : le village (10 km de Toul) dépendait du chapitre de la cathédrale de Toul… et n’était pas toujours heureux de l’être! Les rébellions ont été fréquentes. Il s’agit d’un village-rue typique du secteur, dont le musée de la Polyculture est un point d’intérêt majeur. Celui-ci illustre les différentes activités qui animent la localité, la viticulture y tient bien sûr une bonne place!
Bruley (625 habitants) : situé à 5 kilomètres de Toul, Bruley est un village au passé lointain qui a subi le classique exode rural du début du XXe siècle qui a permis les embauches massives dans les secteurs naissant de l’industrie et des mines. Aujourd’hui, il s’agit d’un petit village relancé par des vignerons dynamiques. Le patrimoine religieux y est étonnant.
Toul (16 113 habitants) : la quatrième ville de Meurthe-et-Moselle est située à la confluence de la Moselle et du canal de la Marne au Rhin. Siège du puissant évêché de Toul, un grand centre de pouvoir, elle possède un riche patrimoine religieux et militaire. Son histoire (de la préhistoire à l’époque contemporaine) est retracée au sein du musée d’Art et d’Histoire, situé dans l’ancienne Maison Dieu (classée monument historique et dont les fondations dateraient du Xe siècle).
Les domaines viticoles
Domaine de l’Ambroisie, à Toul (45, impasse Victor-Hugo) : les vignerons Thomas Colson et Rémy Welter travaillent 7 hectares et proposent des vins (tranquilles et méthode traditionnelle) mais aussi une eau-de-vie de mirabelle bio, dans leur charmante cave placée au cœur de Toul.
Domaine Regina, à Bruley (350, avenue de la République) : Isabelle Mangeot et son défunt mari Jean-Michel ont créé ce domaine de toute pièce pour vinifier leur premier millésime en 1997. Isabelle pilote aujourd’hui avec talent 15 hectares depuis l’imposante maison vigneronne bâtie en 1822.
L’auteur remercie Julia Château (Le Pré de Nancy)
Via mosel’ sur le web
Créé par Terroir Moselle, Via mosel’ est un concept transfrontalier qui embrasse toute la rivière, de sa source dans les Vosges jusqu’à sa confluence avec le Rhin, à Coblence. L’objectif est double. Il vise à mettre en valeur le patrimoine sous le thème «vins et architecture». Plus de 60 domaines et 40 villages ont déjà intégré ce programme. Souligner l’intérêt touristique de la Moselle et de ses vins permettra aussi de développer le commerce des vins dans la Grande Région. Aider les vignerons à faciliter les ventes au-delà des frontières nationales en simplifiant les démarches administratives est le deuxième volet de Via mosel’, certainement pas le plus simple !
Grâce à une carte interactive disponible sur viamosel.com, tous les sites référencés peuvent être facilement repérés. Les informations pratiques et des descriptions de lieux y sont disponibles en français, anglais et allemand.