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Millésime 2020 : le dieu Bacchus a béni la Moselle


Xavier Bettel avait troqué son traditionnel costume-cravate pour une tenue de vigneron, mardi à Schengen. Une future vocation pour le Premier ministre ? (Photo : Julien Garroy)

Xavier Bettel et Romain Schneider ont rencontré mardi à Schengen des vignerons et des représentants du secteur lors des vendanges au Markustuerm. Ils ont tous deux salué la qualité du millésime 2020.

Bénis des dieux et ayant pu jouir d’un climat ensoleillé à souhait, les raisins des vignobles mosellans s’annoncent très prometteurs en ce début de vendanges. Tel est le constat que tous, politiques y compris, ont pu tirer, mardi matin, du côté du Markusberg (ou «colline de Marc», saint Marc étant le patron des vignerons), situé sur les hauteurs de Schengen. Pour ce début de vendanges 2020, l’attente était de taille : si le climat a été plutôt favorable aux vignobles, le Covid a forcément handicapé le marché du vin.

Le discours sur l’état de la Nation passe par les vignes

En visite à la tour de Saint-Marc, sur laquelle est érigée une statue du saint patron des vignerons due à Claus Cito (par ailleurs le sculpteur luxembourgeois de la Gëlle Fra), le Premier ministre, Xavier Bettel, s’est montré pragmatique : «Il y a deux choses à retenir de ce début de vendanges. La première est que la crise a frappé tout le monde, car il s’agit d’une crise aveugle qui a frappé tous les secteurs économiques et personne n’en est sorti indemne. Je fais actuellement le tour des acteurs professionnels et économiques pour prendre leur pouls, car je prépare aussi mon discours sur l’état de la Nation (NDLR : le 13 octobre à la Chambre des députés). De ce fait, j’estime qu’il est important d’écouter tout le monde. Ici, avec les vignerons, le temps a fait que la qualité des raisins est très bonne, mais j’ai également vu de nombreuses vignes brûlées… il y aura donc peut-être une quantité moins importante en termes de récolte. Ce phénomène est quelque chose qui existe depuis quelques années au Luxembourg et qui constitue un changement de paradigme par rapport à il y a une vingtaine d’années, lorsque la qualité était moyenne et alors que l’on trouvait des bouteilles de vin qui étaient les moins chères au supermarché. Aujourd’hui, nous avons des vins de qualité et c’est donc une étape importante qui a été franchie. En effet, depuis une vingtaine d’années, le vin luxembourgeois est un vin dont on peut être fier, par rapport à la concurrence des vins étrangers», a estimé le chef du gouvernement, après avoir participé de manière active aux vendanges.

«Fort sucré et d’excellente qualité !»

De son côté, le ministre de l’Agriculture et de la Viticulture, Romain Schneider (l’unique ministre de la Viticulture dans l’Union européenne, fait assez marquant pour être signalé), a également mis la main à la pâte, ou plutôt la main à la pince, en coupant quelques grappes de raisin, avant de déguster un bon verre de Fiederwäissen. Alors, comment l’a-t-il trouvé? «Il était très bon, fort sucré et j’ai pu ressentir que le raisin qui a servi à sa fabrication était gorgé de soleil. En bref, je l’ai trouvé d’excellente qualité et je pense qu’il pourra servir de très bonne base pour avoir une excellente récolte!», a jugé le ministre. Avant pour lui, d’ajouter que «finalement, le vin restera certainement un des meilleurs souvenirs de cette année compliquée. Car si la consommation de vin a augmenté en privé, de grands événements ont été annulés. En matière d’événements de la vie sociale, ce début de vendanges est un moment fort pour les vignerons jusqu’à maintenant, car ils se montrent largement satisfaits», juge Romain Schneider.

Pour le reste, le ministre est d’avis que si les vignerons nationaux avaient pu se vanter d’avoir un tel cru il y a 40 ans, ils auraient inévitablement évoqué «un vin du siècle». Par ailleurs, le ministre originaire de Wiltz a également prédit qu’«avec le changement climatique, on aura certainement, à l’avenir, davantage de sucre et de maturité dans nos vins. Car finalement, l’essentiel pour un vigneron reste le soleil !»

Cela étant, tout n’est pas parfait, comme le montrent les vignes détruites par la chaleur. Le ministre a donc insisté sur le fait qu’il faut «continuer à travailler avec les instituts de recherche, pour retrouver des vignes plus résistantes à la chaleur et à la sécheresse».

Claude Damiani

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Après l’effort, le réconfort. Xavier Bettel et Romain Schneider ont trinqué avec les vignerons et dégusté un verre de Fiederwäissen bien mérité, avant de retourner dans leurs ministères. (Photo : Julien Garroy)

«Une année paradoxale»

Un connaisseur nous livre son éclairage sur ces vendanges un peu particulières.

Il est le rédacteur en chef du magazine Vinorama et collaborateur du Quotidien. À l’occasion de ces vendanges, Erwan Nonet a accepté de donner son avis sur le millésime qui s’annonce : «L’année, marquée par le Covid, a été très compliquée et paradoxale. Concernant les ventes, le confinement n’a pas facilité les choses, même si beaucoup de vignerons s’en sont sortis en étant réactifs, en proposant de nouvelles offres et de nouveaux services qui ont attiré la clientèle particulière. Mais tous les producteurs ont pris de plein fouet l’absence de commandes de la gastronomie et l’annulation de toutes les festivités, très nombreuses au printemps et en été. Le côté positif, c’est les vignes : grâce au beau temps, les raisins sont très sains, il n’y pas eu de maladies ni de pourriture. Le seul problème qui s’est présenté, c’est la canicule au mois d’août. Elle a engendré un arrêt de la croissance des baies qui n’ont donc pas énormément gonflé. Mais il y a quand même beaucoup de grappes, donc du jus. Les quantités ne seront pas folles, mais il n’y aura rien de dramatique non plus. Ceci dit, nous ne sommes qu’à un peu plus de la moitié des vendanges. Si les orages prévus par la météo se concrétisent dans les prochains jours, il ne faudrait pas qu’ils soient trop violents… Cela pourrait nuire à la fin de la croissance des grappes qui sont encore dans la vigne, notamment le riesling, qui est le cépage le plus tardif sur la Moselle et donc celui qui est vendangé en dernier. En effet, les vendanges sont étalées dans le temps, car tous les cépages ne mûrissent pas au même moment. La récolte débute par le rivaner et les raisins qui serviront à produire le crémant, dont l’auxerrois et le pinot blanc. Elles se poursuivent avec les autres (pinot gris, pinot noir, chardonnay…), en fonction de l’avancée des maturations. Il n’y a pas de planning définitif déterminé au début des vendanges, les vignerons doivent s’adapter tous les jours pour récolter chacune de leurs parcelles au meilleur moment. Ce n’est qu’à ce prix que l’on peut obtenir les meilleurs vins. Pour les producteurs, il n’y a pas de routine pendant les vendanges !»