La crise sanitaire du coronavirus pourrait-elle favoriser la mobilité douce ? Cette question de prime abord incongrue était au cœur du webinar organisé par la section déi gréng Stad Lëtzebuerg mercredi soir.
Respecter les gestes barrières et les mesures élémentaires de protection contre le coronavirus, sur des trottoirs étroits et dans des transports publics bondés aux heures de pointe voilà qui paraît être une injonction paradoxale. La solution de prendre sa voiture individuelle pour se déplacer pourrait ainsi sembler, en ces temps de déconfinement, le moyen le plus sûr de ne pas contracter le virus. Embouteillages et pollution assurés.
Dans de nombreuses villes européennes, les pouvoirs publics ont pris conscience de ce risque et ont redéfini temporairement l’espace urbain, favorisant les cyclistes et piétons. Pour parler de ces actions, les conseillers communaux déi gréng François Benoy et Linda Gaasch ont invité, mercredi soir, Elke Van den Brandt. Cette dernière, membre de Groen, est la ministre de la Mobilité, des Travaux publics et de la Sécurité routière pour la région Bruxelles-Capitale où une véritable révolution du vélo est en cours.
La mobilité à Bruxelles au temps du Covid
Avant la crise du Covid-19, Bruxelles s’était déjà montrée ambitieuse sur le sujet de la mobilité douce. Depuis trois ans, rappelle la ministre à la soixantaine de personnes connectées au webinar mercredi, des concertations entre les décideurs politiques avaient eu lieu. Elles avaient permis d’ériger un plan de mobilité constitué de six mesures propices à des modes de transport plus écoresponsables (lire l’encadré). Ce sont ces ambitions qui ont facilité les conditions d’un déconfinement plus agréable pour les Bruxellois.
À chaque nouvelle phase du déconfinement, souligne la ministre, de nouvelles réflexions sur les déplacements ont été élaborées. L’objectif principal étant d’assurer la sécurité des piétons. Ainsi, des «zones de rencontre» ont été créées au cœur de Bruxelles sur plus de 100 km; dans ces zones, les piétons ont la priorité absolue, ils peuvent marcher sur la route, les voitures doivent rouler à 20 km/h. Autres mesures : les feux de signalisation ont été modifiés pour laisser un laps de temps plus long aux piétons, les parcs ont été fermés aux voitures et 40 km de pistes cyclables ont été tracés sur les itinéraires importants, avec des blocs de béton et des marquages au sol. Un effort particulier a été réalisé sur les grands axes et des «bikequartiers» sans voiture ont été instaurés.
L’important, en plus d’assurer la sécurité des piétons et des cyclistes, est aussi de soulager les transports publics, qui doivent éviter de se retrouver surchargés. Toutes ces mesures ont été relayées par des campagnes de promotion, afin que le maximum de Bruxellois en bénéficie. Cette situation temporaire pourrait-elle être maintenue sur le long terme ? Un groupe de travail s’est constitué pour l’envisager, car c’est un enjeu de taille.
Elke Van den Brandt se montre assez confiante sur le fait que certaines de ces initiatives temporaires puissent devenir pérennes. Notamment celles prévues dans le plan de mobilité, pour lesquelles des demandes de permis avaient déjà été déposées. Les autres, pour lesquelles il faut créer des plans définitifs vont demander plus de temps. «Dans 5 ans, la vie sera changée», assure-t-elle.
Et à Luxembourg-Ville ?
Ce modèle bruxellois est-il transposable à Luxembourg ? Depuis 2005, rappelle François Benoy, la volonté de tendre vers une mobilité plus douce est apparue dans la capitale : avec la prolongation du réseau de pistes cyclables de 68 à 160 km, l’installation de stations de vélo en libre-service Vel’oh! et l’instauration d’une zone 30 dans les quartiers. Sans oublier la construction de nouvelles infrastructures telles que l’ascenseur du Pfaffenthal pour relier Ville-Haute et ville basse et celle de la piste cyclable en site propre tout le long du parcours du tram finalisée à la fin de l’année. Cette dernière piste cyclable, qualifiée de «colonne vertébrale pour le cycliste à Luxembourg» par François Benoy devrait, dans l’idéal, être connectée à chaque quartier de la ville.
Le combat est le même qu’à Bruxelles et les ambitions de déi gréng pour Luxembourg-Ville ne manquent pas : créer plus de «zones de rencontre», réformer le stationnement, limiter la vitesse, construire des pistes sécurisées pour piétons et cyclistes, mettre en place des feux orange clignotants… Avec l’arrivée du tram, le député vert envisage même que « la voiture (puisse) sortir du centre-ville ».
Dès ce 18 mai, les verts vont proposer au conseil communal de la Ville de profiter du déconfinement pour envisager une « extension de l’espace pour piétons et cyclistes ».
Le déconfinement pourrait être un test grandeur nature d’une ville donnant toute leur place aux piétons et cyclistes, une véritable « révolution ».
Isabelle Simon
Six ambitions pour une mobilité douce à Bruxelles
– création de « 50 quartiers apaisés »,
– réduction des déplacements grâce au télétravail par exemple,
– diminution de l’usage de la voiture individuelle,
– développement d’un ensemble de services intégrés pour l’usager,
– réorganisation du trafic en le rationalisant (des axes pour les poids lourds, piétons…)
– optimisation de la logistique urbaine et du stationnement.