Le Corps grand-ducal d’incendie et de secours (CGDIS) a répondu plus que présent depuis le début de la crise sanitaire en étant en permanence au front. Aperçu des actions menées, avec Cédric Gantzer, de la direction générale du CGDIS.
Face à la pandémie, Le CGDIS s’est positionné comme le quatrième corps du pays (à côté de la police, de l’armée et des douanes). Le tout grâce à la mobilisation de volontaires qui restent le pilier des services de secours pour le futur. Le point.
Depuis la mi-mars et l’instauration du confinement, quelles ont été les mesures et les actions entreprises par la direction du CGDIS?
Cédric Gantzer : Déjà, début février, donc avant que la crise sanitaire ne frappe le Luxembourg, le CGDIS est passé en mode « gestion de crise », afin de se projeter dans la durée et de planifier les actions à mener en vue de garantir la sécurité de son personnel volontaire et professionnel, ainsi que pour remplir les missions qui lui incombent.
Par ailleurs, notre Centre de gestion des opérations a été activé rapidement et est resté actif plusieurs semaines, pour suivre l’évolution de la situation, « monitorer » les capacités d’accueil hospitalières et nos propres moyens. Notre stock initial d’EPI (équipement de protections individuelles) a été recensé et étoffé… Nous avons également mis en place un système de recyclage des flacons de solution hydroalcoolique, et cela constitue juste une partie des actions que nous avons menées.
Quel rôle le CGDIS a-t-il joué au niveau de la communication vers la population?
Notre direction médicale et de la santé a par ailleurs rapidement et régulièrement communiqué vers le terrain à propos des gestes barrières classiques mais également sur la façon de se protéger et de protéger les patients avec les tenues Tyvek, masques FPP2, etc. De plus, les mesures ont été régulièrement adaptées et communiquées. Ceci en respect des lignes directrices de l’OMS, notamment.
Le CGDIS est passé en mode « gestion de crise » dès février
Que peut-on dire concernant le roulement des équipes du CGDIS et la fatigue qu’elles ont accumulée?
Le roulement classique des équipes, sur 2 ou 3 postes, a permis à la base de garantir une séparation des effectifs. Les stagiaires en formation, qui sont déjà en mesure de partir en intervention, ont vu leurs stages suspendus pour que nous ayons une réserve opérationnelle en cas de besoin : si un pompier d’une équipe ou d’un centre tombe malade, ce sont plusieurs pompiers qui sont placés en auto-quarantaine, testés et remplacés sur le terrain, jusqu’à la levée de doute.
Par rapport à votre personnel, quelles ont été les mesures de précaution et de prévention prises?
Nous avons, au plus fort de la crise, limité le nombre de pompiers par ambulance à deux au lieu de trois. Seuls les parents d’enfants sont actuellement encore autorisés à accompagner le patient dans l’ambulance. De plus, du matériel spécifique (tenues de protection Tyvek et masques), déjà utilisé pour d’autres maladies infectieuses, a été rajouté à l’armement des véhicules. Sans omettre que notre service first responders (premiers répondants) qui a un temps été suspendu, pour raisons de sécurité, a repris le service avec des procédures spécifiques, ainsi qu’avec les mêmes tenues de protection que dans les ambulances (pour les cas suspects ou avérés).
Par ailleurs, la décontamination des ambulances s’est faite un temps dans cinq Centres d’incendie et de secours (« CIS », qui sont actuellement au nombre de trois) où, après chaque intervention Covid, le véhicule est désinfecté suivant une procédure définie, et par du personnel spécifiquement formé (par voie de gazage ou de nettoyage). De plus, l’équipage prend une douche dans le centre et repart avec des uniformes propres.
Quelles ont été les mesures sanitaires prises vis-à-vis de votre personnel administratif?
Au niveau du personnel administratif, le télétravail a été mis en place. Entretemps, nous avons pourvu nos bureaux de séparations en verre, mais voulons évidemment pérenniser cette méthode de travail à distance. Nous avons aussi séparé certaines équipes pour assurer une continuité, au cas où. L’accès aux bâtiments (CIS; 112) a fortement été limité. Par extension, les voyages à l’étranger de nos collègues ont été suspendus et sont dorénavant réduits au strict minimum. Pour finir, chaque membre du CGDIS reçoit un masque réutilisable du CGDIS. Les jeunes pompiers ont aussi reçu un masque enfant et un « buff » pour les sensibiliser.
Y a-t-il eu des cas positifs au Covid au sein de votre personnel? Si oui, quelles ont été les mesures prises?
Les mesures mises en place ont fait leurs preuves. Aucun cas de contamination, à la suite d’une intervention, n’a été relevé depuis le début de la crise. Nous avons, certes, eu parmi nos milliers de membres, quelques cas isolés Covid positifs, mais ils ont tous été dus à une contamination externe sans propagation en nos rangs; ceci a permis de balayer les craintes éventuelles du départ. Nous avons, par ailleurs, relevé une mobilisation tout à fait exceptionnelle de nos membres volontaires et professionnels! De plus, un strict suivi des absences, aussi bien au niveau des professionnels que des volontaires, a été instauré. Et nous sommes allés encore plus loin avec la mise ne place d’un suivi personnalisé en cas de maladie par notre personnel médical, pour nos membres, soit une sorte de « cabinet médical virtuel ».
Enfin, un sondage spécifique à ce sujet a été lancé à l’adresse de nos pompiers; les retours ont été positifs et ont indiqué, outre une grande motivation, une connaissance des mesures décidées et une confiance envers celles-ci.
Le CGDIS a distribué 30,5 millions de masques au total
De manière générale, avez-vous constaté plus de nervosité et d’angoisse du côté des personnes en détresse que vous avez dû prendre en charge? Y a-t-il eu des suicides, voire tentatives de suicide?
Ceci est très subjectif, mais il est clair qu’au début de la crise la méconnaissance de la maladie a fait que toute la population a été inquiète. Les mesures prises par le gouvernement, comme le renforcement des structures d’accueil ou la distribution de masques, que le CGDIS a soutenues ont contribué à apaiser les craintes. La communication a pour moi été une clef essentiel pour maîtriser ces craintes. En interne, notre directeur général s’est adressé par vidéo à plusieurs reprises aux pompiers à des moments clés de la crise.
Est-ce que les membres du CGDIS ont dû faire face durant leurs interventions à des personnes peu coopératives, voire agressives du fait du stress et de l’anxiété causés par le Covid? Y a-t-il eu des agressions de quelque nature que ce soit contre vos agents?
Le port du masque, que nous avons imposé à tous nos patients pris en charge a, à ma connaissance, toujours bien été accepté. Entretemps, le port du masque s’est imposé à toute la population, comme une évidence. Je ne pense donc pas que les personnes prises en charge étaient moins coopératives. De manière générale, le gouvernement a clairement indiqué que, durant la crise, la population s’est moins rendue dans les structures hospitalières… Ceci dit, de manière globale, je suis d’avis que le dialogue d’un pompier avec son patient, et les explications qu’il lui fournit, suffisent à ce que la personne prise en charge comprenne ce qui se passe. Ceci fait partie du quotidien des pompiers, mais aussi du personnel de soins en général.
Dans votre mission de secours et d’assistance, vous avez notamment fourni un total de 30,5 millions masques – nombre remarquable – à la population. De quelle manière s’est déroulée cette distribution?
En effet, le CGDIS gère, par ailleurs, depuis le début de la crise, le stock national gouvernemental d’équipements de protection individuels et de matériel médical. Gardé sur plusieurs sites pour des raisons de sécurité, le matériel est destiné non seulement aux professionnels de santé mais également à d’autres bénéficiaires. Le CGDIS a également effectué un contrôle de qualité, afin de vérifier que le matériel correspondait bien aux différentes normes en vigueur. À la suite de la décision du gouvernement d’imposer le port de masque à toute la population, les pompiers luxembourgeois se sont vu confier la mission spécifique de livrer 3,5 millions de masques aux 102 communes du pays. Cette mission a été réalisé en moins de 48 heures et a permis ensuite aux communes, avec le soutien de leur CIS local, d’organiser la distribution de 5 masques par habitant. Lors d’une deuxième vague, le Corps grand-ducal d’incendie et de secours a encore une fois été chargé de l’organisation et de la distribution de 27 millions de masques, mettant 50 masques chirurgicaux à la disposition de chaque habitant du pays âgé de plus de 16 ans.
Entretien avec Claude Damiani