Samedi, l’ascenseur panoramique fêtera son premier anniversaire. Depuis son ouverture au public, il a déjà effectué plus de 450 000 courses. Tous les mois, il transporte plus de 33 000 personnes. Derrière ces chiffres qui donnent le vertige se cache le signe manifeste que le pays et la Ville se sont rapprochés du Pfaffenthal.
« C’est une nouvelle bouffée d’oxygène pour le quartier », se réjouissait le président du Syndicat d’intérêts locaux Pfaffenthal-Siechenhof (SILPS), Jean-André Stammet, quelques semaines après l’ouverture de l’ascenseur panoramique. Depuis son lancement le 22 juillet 2016, l’ascenseur a effectué plus de 450 000 courses (monter ou descendre correspond à un trajet). En moyenne, il transporte tous les mois plus de 33 000 personnes. Il y a quelques jours, Jean-André Stammet, qui habite depuis 22 ans au Pfaffenthal, nous confirmait : «Le nombre de touristes qu’on voit tous les jours est impressionnant. Mais je pense que pour l’instant plus d’étrangers que de Luxembourgeois ont pris le nouvel ascenseur.»
Aucun doute que tous ces passages ne restent pas sans conséquences sur l’économie du quartier. Le Pfaffenthal a longtemps été un faubourg vivant avec ses petites industries, ses artisans, ses commerces, ses bistrots… Avant le démantèlement de la forteresse au XIXe siècle, il comptait ainsi 2 500 habitants. Le faubourg a perdu son caractère de porte d’entrée de la Ville à la suite de l’ouverture de la nouvelle voie d’accès à la Ville-Haute, la côte d’Eich.
«Aujourd’hui, on se rapproche un peu de la situation de l’époque de la fortification. Le Pfaffenthal était alors un point qui reliait la capitale au reste du pays. Les gens de l’Est et du Nord devaient tous passer par ici, puis traverser sept portes avant d’arriver au Marché-aux-poissons, relève Jean-André Stammet. Grâce à l’ascenseur panoramique, le quartier draine plus de gens. Et en décembre doit ouvrir l’arrêt Pfaffenthal-Kirchberg situé en dessous du pont rouge.» Bref, c’est une nouvelle ère qu’a entamée le quartier du Pfaffenthal, encaissé entre les plateaux de la Ville-Haute et du Kirchberg.
«Le pays et la Ville se sont rapprochés du Pfaffenthal. Ils découvrent ce quartier qui pendant des décennies était l’enfant pauvre, délaissé. D’un seul coup, ils découvrent le charme et la qualité de vie ici en bas», remarque Jean-André Stammet.
«Avant, c’était une ville morte»
En sortant de l’ascenseur, on tombe sur la Madeira Stuff. «Avant c’était une ville morte. C’est complètement différent aujourd’hui. Je reçois plus de clients. Le midi, ce sont surtout des gens qui travaillent dans la Ville-Haute, car ils ont la possibilité de descendre», nous raconte Armando Rei, le gérant de l’établissement. Quelques mètres plus loin, il y a le restaurant Bei de Bouwen, qui propose une cuisine traditionnelle luxembourgeoise et régionale. Et depuis peu, une nouvelle épicerie (lire ci-dessous) agrémente le quartier.
«Il y a 30 ans, le quartier comptait 16 bistrots. Ceux qui ont essayé de s’établir ces dernières années ont dû fermer, car il n’y avait plus de passage», reprend Jean-André Stammet. Avec l’arrivée de l’ascenseur, la vie des commerces reprend. «On a des avocats, des kinésithérapeutes, des ostéopathes, quatre bureaux d’architectes et d’urbanistes», récapitule-t-il. C’est une localisation stratégique entre le centre-ville et le plateau du Kirchberg. «Mais attention, cela ne veut pas dire qu’un boom attend le quartier. Ici on avait très peu de commerces, donc on en aura très peu», prévient notre interlocuteur. Il cite l’exemple d’une galerie d’art qui n’a pas eu l’autorisation de s’établir, car à l’adresse il n’y avait jamais eu de commerce dans le passé.
«Le Pfaffenthal, une zone protégée»
Aujourd’hui, le Pfaffenthal compte un peu plus de 1 200 habitants. En ce qui concerne les terrains, les possibilités de construction sont, là aussi, limitées : «Nous sommes dans une zone protégée de la vallée de l’Alzette et du plateau du Rham.» Beaucoup d’habitations sont des logements sociaux. Il y a, par ailleurs, une série de bâtiments vides qui appartiennent à la commune.
L’ancienne moutarderie du Pfaffenthal, la fameuse Muerbelsmillen, est en cours de transformation. Elle ouvrira mi-septembre avec une quinzaine de logements pour étudiants et doctorants et une salle pédagogique où seront mis en valeur d’anciens éléments du moulin.
Quel impact aura le funiculaire ?
«Les quelques maisons de particuliers qui se retrouveront sur le marché immobilier seront certainement plus chères qu’à Belair et au Limpertsberg. Ici on vit dans la nature, et on est à 100 mètres à vol d’oiseau de la Ville-Haute», conclut Jean-André Stammet.
L’essor du quartier est loin d’être terminé. L’ouverture de l’arrêt ferroviaire Pfaffenthal-Kirchberg situé en dessous du pont rouge est programmée pour décembre 2017. Il permettra de monter au Kirchberg en funiculaire. Mais le président du Syndicat d’intérêts locaux Pfaffenthal-Siechenhof ne pense pas que cela aura une grande incidence sur la vie dans le quartier : «L’afflux vers le bas ne devrait pas être si grand, car il n’y a pas de pôle d’échange au Pfaffenthal. Le pôle d’échange sera le Kirchberg, en haut.» Il poursuit : «La population active ne va pas traverser le Pfaffenthal, elle empruntera directement le pont rouge. Le funiculaire sera surtout une facilité pour les habitants et les cyclistes.»
Ces derniers n’ont pas fini d’apprécier le nouvel ascenseur. Au point que lors des beaux jours, il faut même des fois attendre son tour avant de pouvoir embarquer en direction de la Ville-Haute.
Dossier réalisé par Fabienne Armborst
La nouvelle épicerie, un lieu de rencontres
L’épicerie Langers-Weis aura longtemps marqué le centre du Pfaffenthal. Pendant près de 30 ans, le couple a tenu l’épicerie avant de partir à la retraite début juillet 2016, soit quelques semaines avant l’ouverture de l’ascenseur. «Il aurait fallu le construire dix ans plus tôt, plaisante Pierrot Langers attablé avec sa femme à la terrasse de la nouvelle épicerie. Depuis la fin des années 50, l’épicier désormais à la retraite vient au Pfaffenthal. Il constate : «Aujourd’hui, le Pfaffenthal est plus animé. L’ascenseur est une plus-value pour le quartier. Beaucoup de monde veut venir habiter ici.»
Après sa fermeture, l’épicerie n’est pas longtemps restée vide. Le 1er avril dernier, Ewelina Cardoso a ouvert l’ «Épicerie fine Osada» (photo). «En polonais, cela veut dire, hameau, petit village», nous explique la patronne originaire de Pologne. Depuis 15 ans, elle habite au Grand-Duché. Gâteaux faits maison, quiches lorraines, sandwichs, petits snacks, jus d’orange et pamplemousse pressés… et toute une série de produits polonais attendent les clients. «On essaie tout doucement de s’organiser. Je compte compléter avec des produits luxembourgeois», explique Ewelina Cardoso.
Pendant qu’on discute, un ouvrier d’un chantier avoisinant vient chercher son café. «Les touristes aiment bien l’épicerie en bois. Ils entrent et font des photos», poursuit-elle. Quelques minutes plus tard, c’est Juliette qui arrive avec son Guide vert sous le bras. Elle n’a pas encore pris l’ascenseur «Je suis en train de faire le circuit Vauban. Je profite de la terrasse pour boire mon café tranquille», raconte la touriste qui vient de Nice. Le sujet de conversation est tout trouvé. «Roby Langers jouait au foot à l’OGC Nice. Je suis de sa famille», lui lance l’ancien patron de l’épicerie. – «J’en parlerai à mon fils !»
«La vue sur le Bock a toujours existé, mais personne ne la voyait. Cela a changé»
Un an après l’inauguration de son œuvre, l’architecte Nico Steinmetz nous livre ses impressions. Il revient aussi sur l’arrêt de quelques jours de l’ascenseur au printemps.
On voulait que cela devienne une expérience pour les utilisateurs. C’était un de nos arguments il y a dix ans quand on a lancé le projet. Je suis content que cela ait apporté ce qu’on espérait.» Un an après l’ouverture de l’ascenseur panoramique, l’architecte Nico Steinmetz nous a livré ses impressions. «C’est important que la Ville, en tant qu’institution, mais aussi les habitants du quartier puissent s’identifier. Car de tels équipements peuvent aussi mal passer. Très souvent, ils apportent une métamorphose du quartier. Certes, il y en a eu une dans le Pfaffenthal, mais une bonne partie du quartier restera ce qu’il est. Il y a beaucoup de logements sociaux locatifs. Ils resteront. Ce qui engendre une certaine constance dans la population.»
L’architecte enchaîne sur le grand nombre de visiteurs qui traversent désormais le Pfaffenthal. «Le quartier, autrefois enclavé, appartient désormais à la Ville. En traversant le parc Odendall, on a la vue sur le Bock. Cette vue a toujours existé, mais personne ne la voyait. Cela a changé.» À Clausen également, il note du changement. «Il y a tout simplement plus de gens qui traversent le quartier. Grâce aux ascenseurs du Grund et du Pfaffenthal, les trois faubourgs (NDLR : Pfaffenthal, Clausen et Grund) font désormais beaucoup plus partie de la Ville.»
Pas d’accrocs particuliers, sauf le wifi
Retour à l’ascenseur : «À côté de la fonction, il y a le côté émotionnel.» Il se replonge un instant dans le passé : «On avait le patrimoine, le pont rouge, le Kirchberg. Tous les ingrédients étaient là lors de l’élaboration du projet. Mais un instant, la question a été posée : ‘Est-ce qu’on ne ferait pas un puits dans le parc Pescatore avec un tunnel au bout ?’ Mais cela n’aurait pas donné la même expérience. Cela aurait été un exploit moins important.»
Nico Steinmetz se réjouit que la construction vieillisse très bien en ce qui concerne la patine. Au printemps, l’ascenseur était pour quelques jours hors service en raison d’un problème technique lié à la transmission de données avec le centre de contrôle. L’ascenseur avait en effet la particularité d’avoir un téléphone de secours sans câble. Il était relié à une Fritz!Box.
«Je n’ai pas eu plus d’informations, hormis le fait que le wifi ne fonctionne pas et que maintenant on a quand même un câble qui, heureusement, est gris et pas noir, nous explique l’architecte. Le câble a été inséré, car un ascenseur sans téléphone ne peut pas fonctionner.» «Si un câble pend, ce n’est pas un outrage à l’ouvrage. Mais je serais content si le wifi fonctionnait, comme on l’avait étudié.» Il précise : «Le câble était déjà prévu en cas de panne du wifi. Mais je ne pensais pas qu’il allait servir aussi longtemps.»