Vendredi, le vigneron Henri Ruppert (Schengen) a entreposé 14 000 bouteilles d’une série limitée de crémant dans une ancienne galerie minière du Minett Park, à Lasauvage. Dès qu’ils pourront réembarquer, les visiteurs qui emprunteront la Minièresbunn passeront devant.
Henri Ruppert a eu une idée. Dans la vallée de la Moselle, il y a à peu près tout pour faire du bon vin : un sol idoine, du soleil et le savoir-faire des vignerons pour coordonner le tout. La seule chose qui pourrait manquer, finalement, ce sont des caves enterrées comme en Champagne ou dans la vallée de la Loire, par exemple. Seules les caves Saint-Martin (Remich) en sont équipées. Il existe bien d’autres galeries creusées lors de l’exploitation du calcaire dans le passé (dans le Stromberg à Schengen ou le Fels à Grevenmacher, notamment), mais elles sont toutes impraticables depuis longtemps.
Pourtant, des couloirs enterrés, ce n’est pas ce qui manque au Grand-Duché, particulièrement dans la Minett, une région où l’on a extrait le fer pendant plus de 2 000 ans.
Le vigneron de Schengen, donc, a eu l’intuition de faire le rapprochement entre le vin qu’il produisait sur les coteaux de la Moselle et ces galeries du sud du pays. Après tout, les vignes et la mine ne sont distantes que de 45 km, une paille à l’échelle d’une région viticole classique. Si, en soi, le concept est simple, sa mise en place a été une épopée! «Il y a eu un nombre infini de problèmes à résoudre», en sourit-il aujourd’hui.
La première question était celle de l’emplacement. Des galeries, il y en a un paquet, mais des galeries suffisamment accessibles (et sûres) pour y faire rentrer 14 000 bouteilles, il y en a beaucoup moins. Le choix s’est porté sur le Minett Park et particulièrement un boyau emprunté par la Minièresbunn, cet ancien train minier restauré qui emmène les visiteurs du Fond-de-Gras à Saulnes (en France), en passant par Lasauvage.
Mais avant de faire entrer les flacons, il a fallu préparer le terrain, puisque 14 000 bouteilles de crémant, ça pèse lourd. Une dalle de béton assurant la stabilité du socle a été coulée, une tâche accomplie par les bétons Feidt et la société Bonaria Frères.
«J’en suis très content,
il promet»
Toutefois, si la mise en place du projet est capitale, c’est bien le vin qui est la star de cette affaire! «J’ai voulu marquer l’évènement et créer une cuvée spéciale, explique Henri Ruppert. Nous avons beaucoup réfléchi sur la composition de ce crémant, en essayant beaucoup d’assemblages différents. Nous avons finalement choisi d’associer du pinot blanc, du pinot gris, de l’auxerrois et du pinot noir.»
Bien que ce vin ne soit pas encore adulte, puisqu’il ne sera pas mis en vente avant janvier 2022, Henri Ruppert a la conviction qu’il a tapé dans le mille. «Je surveille attentivement son évolution et j’en suis très content, il promet !» L’idée est de s’orienter sur un crémant complexe, doté d’une structure suffisamment solide pour porter des arômes à l’influence champanisante.
Il y a le contenu, mais le contenant doit aussi être à la hauteur. Henri Ruppert a fait appel au marketeur et designer Will Kreutz (qui a toujours un pied dans la Moselle) pour imaginer l’écrin de ses bulles. La bouteille sera habillée d’une sleeve, une fine pellicule qui portera les couleurs élégantes et très reconnaissables de la Gëlle Fra.
Il n’aura échappé à personne qu’en 2022, la Minett sera à la fête, alors qu’Esch-sur-Alzette sera la capitale européenne de la culture. Ce n’est donc pas exactement un hasard si ce crémant sortira à ce moment, même si, à l’heure actuelle, il n’existe aucune connexion officielle entre les organisateurs d’Esch 2022 et le domaine.
Reste que si, à l’origine, l’idée était conçue comme l’histoire d’un coup, il n’est pas exclu non plus qu’elle se pérennise. «On peut imaginer que les visiteurs qui seront passés devant les bouteilles à bord du train minier aient envie d’en rapporter une chez eux. Un crémant de la Moselle qui s’est développé dans une ancienne galerie du Sud minier, je trouve que ça fait une belle idée de souvenir et un beau cadeau !»
Alors que des réflexions sont régulièrement menées par les opérateurs touristiques pour développer une gamme de souvenirs touristiques de qualité du Luxembourg, on tient peut-être là une idée en or !
Erwan Nonet
La Moselle et la Minett : une vraie histoire commune
Cette connexion entre la Moselle et la sidérurgie du sud du Luxembourg n’est pas née avec l’idée d’Henri Ruppert, elle est bien plus ancienne que cela. La rivière était une voie de transport indispensable tant pour la fabrication du métal (pour faire venir la matière première et la houille qui alimentaient les hauts-fourneaux) que pour distribuer les produits finis.
Et puis, à cette époque, mineurs et ouvriers consommaient beaucoup de vins, y compris sur le lieu de travail. Le jus de la treille, alors bien plus léger en alcool qu’aujourd’hui, aidaient à tenir les rythmes soutenus d’un travail physiquement pénible.