Protéger l’eau du lac, tout en valorisant le travail des agriculteurs, tel est le but d’une nouvelle coopérative de céréaliers lancée au parc naturel de la Haute-Sûre, «Käre vum Séi».
Dans la série des produits «vum Séi», le Naturpark Uewersauer présente «Käre vum Séi», les céréales du lac. Ce projet régional allie protection de l’environnement et valorisation du travail des agriculteurs céréaliers. Dix-neuf producteurs se sont réunis au sein de la coopérative céréalière «Käre vum Séi», le 9 février dernier. Ils se sont engagés à cultiver du blé, de l’épeautre et du seigle de telle façon que l’eau du lac de la Haute-Sûre et les sols ne soient pas pollués.
L’idée émane du parc naturel : en échange de leur implication en matière de protection de l’eau, la production des agriculteurs participants sera achetée à un prix équitable par «Gebäck vum Séi», la boulangerie Jos & Jean-Marie, qui la transformera, entre autres, en un pain au levain entièrement réalisé avec de la farine d’épeautre, la Spelzkëscht ou boîte à épeautre. Cela implique un changement d’habitudes de la part des agriculteurs. Des conseillers agricoles du parc naturel sont à leurs côtés pour les aider. Un cahier des charges a été rédigé. «Il détermine la régionalité et la qualité des céréales cultivées et comprend les aspects de la protection des eaux dans la région du réservoir», indique un communiqué de presse émanant du parc naturel. Il s’agit notamment de réduire les quantités d’engrais azotés et de n’utiliser que très exceptionnellement – en fonction de conditions météorologiques précises et en concertation avec les conseillers du parc – des produits phytosanitaires. Il s’agit de produits chimiques utilisés pour soigner, protéger, aider à la croissance des végétaux, pour en prévenir les maladies ou éliminer certains végétaux ou insectes.
180 hectares ensemencés
Les produits proposés par la boulangerie seront donc on ne peut plus régionaux. Les céréales seront cultivées dans les communes membres du parc naturel de la Haute-Sûre (Boulaide, Esch-sur-Sûre, la commune du lac de la Haute-Sûre, Wiltz et Winseler), Goesdorf qui est candidate à l’adhésion au parc naturel, et le bassin versant du lac. Le projet ne réunit que des acteurs de la région. Tous doivent sortir gagnants de ce projet de même que la nature environnante. Une philosophie qui correspond à celle de Jean-Marie Neuberg, un des directeurs de la boulangerie Gebäck vum Séi, dont un des objectifs est d’incorporer un maximum de produits régionaux à ses recettes pour les valoriser. La boulangerie avait déjà par le passé participé au projet «Spelz vum Séi» dans les années 1990, épeautre du lac, qui n’existe plus. Elle a tenu à acheter la farine aux agriculteurs à un prix qui leur permette de couvrir leurs frais. Le prix d’achat des céréales n’a pas évolué ces cinquante dernières années. En produire est très peu rentable.
«En utilisant moins d’engrais azotés et de produits phytosanitaires, les agriculteurs perdent 40% de rentrées financières», indique Frank Elsen, conseiller agricole auprès du parc naturel. Ce type de production est à risque pour les agriculteurs. «Il ne doit pas y avoir de toxines ni de champignons dans les céréales. Si c’est le cas, la récolte est bonne à jeter», poursuit-il. Le but est de montrer que la protection de l’eau et les cultures céréalières ne sont pas incompatibles si on sait comment s’y prendre. «Nous n’autorisons l’utilisation que d’un seul engrais. Il ne peut pas être répandu sur les cultures, mais doit être injecté dans le sol avec des machines spécifiques. Les quantités sont exactement calculées. Des monitorings seront réalisés sur les parcelles concernées , explique le conseiller. Nous pratiquons également une alternance des cultures pour être certains que des plants malades ne propagent pas la maladie d’une année à l’autre. La même culture ne peut être plantée au même endroit pendant trois ans. Nous voulons minimiser le risque de maladie au maximum» pour augmenter la rentabilité.
«Il y a 150 entreprises agricoles dans la région. Dix-neuf participent et d’autres peuvent encore rejoindre le projet , indique Frank Elsen, 180 hectares ont été ensemencés. Nous allons voir comment le projet va évoluer car les conditions sont plutôt sévères. J’étais surpris d’autant d’adhésions.» Tout est possible et le projet est appelé à évoluer tout comme le nombre de ses adhérents. Le conseiller imagine des possibilités de coopération avec la brasserie locale «vum Séi» et d’autres idées. «Pour le moment, il faut faire tourner le projet avant de le développer», note-t-il.
Les parties prenantes de ce projet soutenu par le ministère de l’Environnement et l’administration de la Gestion de l’eau, sont les parcs naturels, le Sebes (syndicat des eaux du barrage de Haute-Sûre) et la LAKU (Landwirtschaft Kooperatioun Uewersauer).
Sophie Kieffer
«Vum Séi», un label de qualité
Depuis des années, le parc naturel de la Haute-Sûre encourage les agriculteurs et les producteurs à produire au plus près de la nature et de manière aussi innovante que possible et à respecter les ressources naturelles telles que l’eau et l’énergie. Cette philosophie a donné naissance au label de produits «vum Séi», du lac. Les producteurs se sont fixé des lignes directrices en matière de protection de l’eau potable, d’élevage d’animaux adapté aux espèces et d’utilisation réduite de pesticides et d’engrais.
«Vum Séi» signifie également des produits fabriqués de manière durable tout en protégeant les ressources naturelles, à base de matières premières typiques de la région, soigneusement traités à la main afin d’obtenir la meilleure qualité possible et de préserver les caractéristiques spécifiques des matières premières, mais aussi produits et transformés de manière traçable et transparente, fabriqués dans le cadre d’un échange coopératif et équitable avec des partenaires à l’intérieur et à l’extérieur de la région.