Rendez-vous estival depuis 2006, Konscht am Gronn, galerie à ciel ouvert, convie flâneurs et artistes sur le pont du Grund qui surplombe l’Alzette. Un moment de détente et d’échanges partagé.
Chaque premier dimanche du mois, de mai à octobre, c’est le même rituel, et ce, depuis treize ans : une petite trentaine d’artistes de différents pays se font une place, côte à côte, dans l’étroite rue pavé de Münster, sur le pont du Grund qui surplombe l’Alzette. Une tranquille réunion qui scrute, sans l’interpeller ni l’aguicher, la vague de badauds plus ou moins pressés. Ici, les rencontres se font en effet dans le calme et le respect de chacun. Seuls quelques coups de vent, faisant chahuter les stands et déséquilibrant les œuvres, arrivent à rompre l’ambiance bucolique.
«On se croirait en vacances !, lâche ainsi, pétillante, Marie-Christine, qui préfère qu’on l’appelle Norman, son surnom en tant que collagiste. Si son mari semble accablé par le soleil de plomb, elle garde sa fraîcheur, malgré une journée passée sur la route. C’est qu’Orléans, ce n’est pas la porte à côté… «J’aime bien voyager, tranche-t-elle. Et puis, on se laisse vivre. On prend notre temps, on se fait un bon petit restaurant…». Elle est d’ailleurs déjà passée par Konscht am Gronn trois fois en 2017, reconnaissant y apprécier les autres exposants et le public… bigarré. «C’est sûr qu’ici on entend toutes les langues !», soutient-elle, expliquant toutefois qu’en termes de ventes, c’est surtout l’autochtone qui sait mettre la main à la poche.
«Mais j’ai vendu des créations à des Écossais, à des Canadiens…», précise-t-elle, lâchant dans un rire : «De toute façon, je dis seulement les prix en anglais !». Plus loin, un couple semble apprécier les toiles de Morag Paul, que l’artiste peint sur place, sûrement, aussi, pour faire passer le temps. «On aime bien l’atmosphère ici, résument-ils d’une seule voix. On n’est pas des spécialistes de l’art, mais on sait apprécier les belles choses !»
Même écho du côté du natur musée, gratuit pour l’occasion, qui accueille des curieux perdus, probablement attirés par le doux ronronnement de la climatisation… «Durant le Konscht am Gronn, on observe un va-et-vient régulier», témoigne la seule vendeuse de la boutique de souvenirs, aux prises avec des peluches et une famille russe. Bien sûr, l’établissement n’est pas le seul à ouvrir ses portes, certains cafés lui emboîtant le pas, avec succès. Il suffit de voir leurs terrasses, totalement combles, pour s’en convaincre…
«Éventail, bouteille et brumisateur»
La peintre franco-luxembourgeoise Andrée Schwabe, de son côté, dévoile ses solutions pour éviter de déserter l’endroit et finir devant un verre bien frais : «Mon petit éventail, ma bouteille d’eau et mon brumisateur!», sans oublier ce petit coin à l’ombre où elle discute avec ses copines. Elle qui reconnaît venir à Konscht am Gronn depuis le début, à une époque où la manifestation avait plus d’envergure – «on se posait dans toutes les rues» – apprécie toujours le rassemblement (elle y revient d’ailleurs le mois prochain).
«C’est souvent une journée délicieuse : on bavarde avec les amis et on rencontre des gens très sympathiques.» Que dire, alors, de ce cadre pastoral où «il fait bon vivre». Côté clientèle, ses attentes semblent, elles aussi, être comblées : «Quand on est attachée à une galerie, les contraintes, financières comme artistiques, peuvent être compliquées. Là, par ce biais, on garde une certaine indépendance et quand on arrive à se faire une clientèle fidèle, c’est plutôt pas mal…» Un de ses camarades, Yves Géraud, avec ses toiles «numériques», va même plus loin : «L’important, ça reste quand même la création», martèle-t-il.
Pour l’histoire, ce résident du Grand-Duché qui, à l’époque, s’était spécialisé dans l’infiniment petit, cumule pas moins de neuf records au Guinness World Records – dont ceux de la plus petite crèche et de la plus petite Joconde. Question de taille aussi, avec Norman, encore elle, qui se souvient de ce petit garçon âgé de 7-8 ans qui, devant ses sculptures-collages d’animaux, a dit à sa mère : «Non, je n’aime pas, c’est trop moderne !»
C’est aussi ça, Konscht am Gronn : que l’on apprécie ou pas les œuvres, que l’on ait un peu d’argent à investir, et, parallèlement, que l’on arrive à «susciter l’intérêt» des passants, on n’est jamais à l’abri d’une bonne rigolade. Et c’est bien là qu’est l’essentiel.
Grégory Cimatti