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Kockelscheuer : hiver doux, la faune chamboulée


Les oiseaux sont perturbés par ces hivers doux, en particulier cette année. Comme la mésange bleue qui niche plus tôt et fait de la concurrence au gobemouche. (Photo Roland Feltgen)

Des insectes qui viennent vous titiller en plein hiver, des oiseaux qui chantent bien trop tôt, des migrateurs qui reviennent en janvier… Les températures clémentes perturbent tout l’écosystème.

Pour peu que l’on observe la nature ces dernières semaines, il était facile de voir des nuées de moucherons, des moustiques et même des guêpes se poser sur notre verre de soda. Un ballet bien étonnant pour la période : fin janvier-début février qui s’explique par des températures élevées pour la saison, du moins en référence aux moyennes que l’on connaissait jusque-là.

«Ce n’est pas normal, toute cette activité commence vraiment très tôt dans l’année. On entend déjà plein d’oiseaux qui chantent pour marquer leur territoire, les premiers amphibiens qui commencent leur migration et des insectes qui sont de sortie», constate Elisabeth Kirsch, conseillère nature pour natur&ëmwelt.

Les migrations se raccourcissent

Ces changements climatiques ont de nombreuses conséquences. Du côté des oiseaux, certains migrateurs de courtes distances ne déménagent plus en hiver. «Par exemple le rougequeue noir reste de plus en plus souvent ici pendant tout la saison froide», illustre la spécialiste nature. Les migrateurs de moyenne distance ne prennent plus la peine d’aller jusque dans le sud de l’Europe et s’arrêtent par exemple en France, au lac du Der. De cette façon, ils épargnent de l’énergie et peuvent retourner plus tôt dans leur habitat de nidification.

Les curieux auront d’ailleurs pu admirer leur vol en forme de V, ou du moins entendre les cris caractéristiques des grues cendrées ces derniers jours. Habituellement ces oiseaux reviennent en mars, même si «la date peut changer d’une année à l’autre selon le temps, mais fin janvier c’est vraiment très tôt, concède Elisabeth Kirsch. Si maintenant le temps se refroidit de nouveau, elles devront repartir. Peut-être pas jusqu’au sud de l’Espagne mais un peu plus bas et ça, cela engendrerait une perte d’énergie. Le problème n’est pas le froid en soi que les grues supportent assez bien, mais le manque de nourriture qui est lié».

Concurrence déloyale

Les migrateurs de longues distances sont «un peu moins affectés par le phénomène du changement de température, car leur système de migration est davantage contrôlé par des facteurs génétiques. Ces oiseaux migrent généralement au sud du Sahara ou même en Afrique du Sud».

Par contre, d’autres problèmes se posent pour ces espèces qui sont indirectement touchées par le réchauffement climatique. Le gobemouche, par exemple, partage les mêmes lieux de nidification que la mésange bleue. «Or si les mésanges commencent à nidifier plus tôt à cause des changements climatiques et que les gobemouches reviennent seulement en avril voire commencent leur nidification en mai, tous les sites pourraient déjà être occupés», prévient la conseillère nature. Le gobemouche partira donc avec un désavantage dans la concurrence entre les espèces.

La faim et l’humidité ennemies des insectes

«Pour les insectes c’est un peu différent, ils deviennent actifs dès que les températures sont assez élevées. Certains insectes hibernent aussi sous forme d’œufs, de larves ou de pupes (stade intermédiaire entre l’état de larve et celui d’imago) et doivent donc immédiatement chercher de la nourriture car cela leur demande beaucoup d’énergie, mais celle-ci n’est pas encore disponible», ce qui entraîne souvent leur mort. L’autre risque en se réveillant tôt dans l’année, c’est que les températures chutent à nouveau. S’ils ne trouvent pas d’abri, le gel aura raison d’eux.

Contrairement à ce qu’on pourrait penser, le froid en hiver ne limite pas les populations d’insectes pour le reste de l’année. Des températures douces l’hiver ne signifient donc pas davantage d’insectes l’été. Lorsqu’ils hibernent, ils sont protégés des intempéries, du gel, de l’humidité. S’ils sont réveillés, ils deviennent d’autant plus vulnérables. «Par exemple, avec l’humidité que nous avons eue ces derniers temps, les insectes risquent d’être emportés par des masses d’eau ou d’être victimes de champignons.» C’est un risque qui concerne notamment les guêpes.

Un équilibre détruit en une décennie

Si les conséquences des températures douces hivernales ne semblent pas dramatiques pour la faune luxembourgeoise, pour le moment, c’est un important défi à relever. Le réchauffement climatique change «les interactions entre les espèces, souligne la représentante de natur&ëmwelt.

Ces dernières se sont adaptées les unes aux autres sur plusieurs centaines d’années, voire milliers d’années et tout est bouleversé en une décennie. Tout est déséquilibré. Il peut aussi y a avoir des problèmes dans les interactions entre insectes et plantes». Les pollinisateurs peuvent se réveiller avant que leurs plantes nourricières ne soient en fleurs, ou à l’inverse une fois que celles-ci sont déjà fanées. Dans tous les cas, l’insecte risque de mourir de faim et la fleur n’est pas pollinisée. C’est notamment le cas des arbres fruitiers qui fleurissent plus tôt. Ils sont ensuite eux aussi plus vulnérables au gel et dans ce cas, ce problème a également un impact économique puisqu’il y aura moins de fruits.

Il ne reste plus qu’à espérer que le gel ne glacera plus le Grand-Duché jusqu’au printemps, mais ce n’est pas gagné. Avec ces hivers doux, on assiste de plus en plus souvent à des épisodes de gel plus tardifs, notamment en avril, remarque Elisabeth Kirsch. «Cela semble être une tendance liée au changement climatique et cela représente vraiment un risque pour beaucoup d’espèces.»

Audrey Libiez

La tempête n’a pas mis en danger les animaux

La tempête, c’est quelque chose qui ne perturbe pas outre mesure la faune, à condition qu’elle ne soit pas de grande envergure «Normalement les insectes, lors d’une tempête, essayent de se cacher sous les feuilles, de s’attacher à un support, mais ils peuvent être transportés sur de longues distances», note Elisabeth Kirsch. Cela peut être dangereux, mais peut aussi représenter une opportunité de coloniser un nouvel habitat. «Les oiseaux diminuent leur activité, ils cessent de chanter et essayent de rester à l’abri, cela peut être dans les trous, des murs de bâtiments, des vieux troncs d’arbres, des nichoirs, des haies ou encore des bosquets. C’est pareil pour les mammifères qui restent dans des endroits protégés, leur terrier ou également des haies.»

Les mammifères et amphibiens un peu moins exposés

Pour sortir de leur hibernation, les mammifères et amphibiens sont sensibles à la météo, mais aussi à la durée du jour, cela les empêche de rentrer en activité aussi rapidement que les insectes quand l’hiver et doux. «Nous avons tout de même pu observer des amphibiens en activité, dont certains ont déjà commencé leur migration. Or si la température baisse, ils n’auront pas le temps de repartir, ni de se protéger et ne pourront pas échapper au froid», prévient Elisabeth Kirsch, conseillère nature pour natur&ëmwelt. C’est le cas notamment du crapaud.

 

 

Un commentaire

  1. Drouhard Zélie

    Merci pour cette ressource passionnante pour mon cours de Es SVT 🫶😻😋