Une «kermesse d’antan» a investi le parc Kinnekswiss depuis vendredi. L’occasion d’évoquer l’origine des manèges forains avec l’historien Steve Kayser.
Pour l’historien Steve Kayser, expert des fêtes foraines, de l’industrie du loisir, des arts populaires, et avant tout professeur à l’Athénée, toute initiative qui met en avant les arts forains et la culture des fêtes foraines est bonne. L’œil de l’expert sur la «kermesse d’antan», qui remplace la Schueberfouer, pour cause de pandémie.
Il n’aurait manqué cela pour rien au monde, et il était bien sûr de l’ouverture officielle de l’évènement «Kiermes wéi fréier», organisé par la Ville de Luxembourg dans le cadre de ses animations estivales regroupées sous l’intitulé «D’Stad lieft».
Incollable sur le sujet, il explique pourquoi cette alternative possède une dimension aussi bien historique qu’éducative ou encore sociologique : «Il s’agit d’une initiative qui me réchauffe le cœur et qui valorise ce patrimoine forain tellement important. Un patrimoine qui a d’ailleurs enclenché un dossier de candidature à l’Unesco, qui a été déposé en début d’année par la France et la Belgique. J’ai d’ailleurs fait partie du comité de pilotage en étant expert-consultant pour l’Union européenne des forains, l’UFE/ESU. On attend désormais la procédure de validation, mais je suis très optimiste pour que les patrimoines forains et des fêtes foraines, soient inscrits sur la liste du patrimoine culturel immatériel de l’Unesco en 2022.»
Pour revenir à la «kermesse d’antan», inaugurée vendredi, Steve Kayser salue ce «clin d’œil de la Ville», car le monde forain est comme une petite famille pour lui, qu’il suit 365 jours sur 365. «Même durant la pandémie, on s’est téléphoné en privé», relate-t-il, et cette initiative, il la défend depuis 15 ans. Sa patience aura finalement payé pour cette kermesse qui se tient «dans un cadre charmant», à savoir celui du parc Kinnekwiss.
«En Allemagne, c’est monnaie courante»
Concernant les forains présents à cette «kermesse d’antan», Steve Kayser explique qu’«à la base, il y a une équipe allemande, qui entretient aussi un petit musée privé et qui collectionne et restaure des manèges, lesquels participent depuis des années à des fêtes foraines nostalgiques.»
Il poursuit : «En Allemagne, c’est monnaie courante d’organiser sur une fête foraine traditionnelle un coin réservé à une fête nostalgique et historique ou d’organiser des fêtes purement historiques. La philosophie est néanmoins de faire de l’authentique! Un collègue français est également de la kermesse, avec son voltigeur. Ce sont tous des forains de souche de la 6e, voire de la 7e génération et des forains qui savent tout faire.»
De plus, l’historien insiste sur le fait que tous les manèges présents sur la Kinnekswiss proviennent de la deuxième moitié du XIXe siècle et vers la fin du XIXe siècle, dans le cadre de l’industrialisation. «Nous sommes en fait avec le type même des manèges d’un champ de foire de 1900, dans l’esprit des années Belle Époque, à part deux ou trois manèges plus récents. On retrouve ici la genèse des manèges. Le salon carrousel est de 1886, l’antécédent de la grande roue, « les balançoires russes » sont de 1902, ou encore les balançoires pour enfants qui sont de 1921, la chenille de 1946 et le voltigeur de 1948.»
Du bois à l’acier
La plupart des manèges sont de construction allemande, «notamment parce que les ateliers se trouvaient avant tout en Allemagne de l’Est ou dans la Forêt-Noire, dans des régions boisées où il y avait de l’eau. Le bois, ainsi que les miroirs se retrouvent partout sur les manèges d’antan, tandis que la machine à vapeur apparaît dans les manèges à partir de 1863 en Angleterre et à partir de 1870 sur le continent (européen).»
«Il faudra attendre le XXe siècle et même l’après-Première Guerre mondiale pour l’électrification totale des manèges, continue l’intarissable spécialiste. Quant aux manèges créés à la suite de la Seconde Guerre mondiale et que l’on retrouvera sur la Schueberfouer, par exemple, ils seront fabriqués après l’introduction de l’acier, qui va définitivement remplacer le bois, tandis que la mobilité des fêtes sera poussée par l’introduction des camions pour transporter les manèges.»
La suite de l’histoire? Rendez-vous au parc Kinnekswiss jusqu’au 15 août!
Claude Damiani