Parenthèse de paix pour les uns et tunnel de l’horreur pour les autres, le confinement cache et exacerbe les situations perturbantes dans la vie des enfants et des adolescents. Le Kanner-Jugendtelefon, qui «offre aux enfants et aux jeunes écoute et soutien», est en première ligne pour le constater.
Le confinement a, pour certains jeunes, été un épisode traumatisant. Il a également permis à d’autres d’échapper à des situations mortifères. La reprise des cours inverse la donne. Dans un cas comme dans l’autre, les intervenants du Kanner-Jugendtelefon les aident à porter leurs angoisses et leur mal-être. «Les appels à nos services ont beaucoup augmenté ces deux derniers mois», indique Barbara Gorges-Wagner, chargée de direction du service d’écoute et d’aide.
«Nous avons eu peu d’appels lors des deux premières semaines de confinement, puis ils ont augmenté en intensité. Des jeunes désespérés nous ont contactés, se souvient-elle. Ils disaient avoir des difficultés à supporter l’atmosphère familiale pesante dans laquelle ils vivent ou des conflits permanents avec un de leurs parents. Ils disaient aussi avoir du mal à étudier à la maison et se sentir débordés par les devoirs.»
Les appels concernant le suicide ont presque doublé
Plus la crise avançait, plus la nature des appels a changé. «Ces dernières semaines avant la reprise des cours, ce sont des jeunes qui avaient peur de retourner en cours qui nous ont appelés, explique Barbara Gorges-Wagner. Ils craignaient de retrouver des jeunes qui ont l’habitude de les harceler ou de ne pas être dans le même groupe d’études que leurs amis. Cette rentrée des classes a été le vecteur d’un énorme sentiment d’insécurité. Certains jeunes pleuraient au téléphone. Ces pleurs et ces peurs doivent être pris au sérieux.»
Face à ces situations, les intervenants du service doivent rester vigilants, et ce, d’autant plus que ces dernières années le nombre d’appels au Kanner-Jugendtelefon concernant le suicide ne cesse d’augmenter. Il a même presque doublé en une année. En 2019, le service a accompagné 61 enfants, jeunes ou familles à ce sujet contre 35 l’année précédente.
«Il n’y a pas d’explication claire pour expliquer cette augmentation des appels. Notre visibilité a considérablement augmenté ces dernières années grâce à notre travail de sensibilisation. Cela peut expliquer cette hausse. De même que le travail de nos ambassadeurs dans les écoles qui libèrent la parole», précise la chargée de direction.
Anonymat et confidentialité
Mais pas uniquement : le cyberharcèlement, de plus en plus pratiqué dans les cours de récréation, serait également un pourvoyeur d’idées noires. «Ces jeunes ont souvent l’impression d’être un poids. Ils se sentent seuls, pas respectés. Ils n’ont plus d’espoir et la vie leur paraît n’avoir aucun sens, glisse la chargée de direction. Les violences subies et les idées ou envies suicidaires pèsent sur les psychismes et perturbent le bien-être et l’équilibre psychique des enfants. Les jeunes victimes ne voient plus d’issue à leur situation. Nous préférons qu’ils nous contactent, car entendre les bonnes paroles au bon moment peut les dissuader de commettre un acte irréversible, poursuit Barbara Gorges-Wagner. Un appel seul ne règle pas le problème, mais c’est le début de quelque chose de nouveau pour l’appelant, d’un changement de vie.» La directrice rappelle que les appels et les e-mails sont traités de manière anonyme et sont confidentiels.
872 appels en 2019
Globalement, l’année dernière, «tous les appels étaient en hausse, Kanner-Jugendtelefon et Bee Secure confondus, sauf l’Elterentelefon» et «les raisons de ces appels se croisent. Les jeunes peuvent appeler Bee Secure pour signaler des actes de cyberharcèlement et en être également les victimes». Le Kanner-Jugendtelefon a été contacté 872 fois par téléphone et 237 fois par e-mail l’an dernier. Les thèmes les plus abordés concernaient la santé mentale (164 appels), la solitude, la dépression, le stress ou le manque de confiance en soi, entre autres. Cent quatorze appels concernaient des abus et des actes de violences, dont 68 cas de harcèlement en ligne ou pas. Soixante-quatorze appels concernaient des conflits familiaux et 65 des conflits dans le cercle amical.
L’Elterentelefon a, quant à lui, recensé 180 appels de parents en quête de conseils. «Ils constatent en général des changements de comportement de leurs enfants tels qu’un retrait social, un comportement dépressif ou autodestructeur», indique la chargée de direction.
La Helpline de Bee Secure qui surveille les comportements déviants sur le net a enregistré 511 appels en 2019. La Stopline a également bien travaillé : 2 521 des 3 039 pages qui lui avaient été signalées comme étant à contenu pédopornographique ont été jugées illégales et signalées aux autorités compétentes, de même que 152 des 219 signalements effectués pour racisme et incitation à la haine raciale.
Sophie Kieffer
Kanner-Jugendtelefon (tél. : 116 111)
Helpline Bee Secure (tél. : 8002 1234)
Elterentelefon (tél. : 26 64 05 55)