Hubert Bonnier, directeur général de l’hôtel Le Place d’Armes, revient sur la gestion de l’établissement pendant cette période hors du commun.
Situé au cœur de la capitale, l’hôtel Le Place d’Armes a été frappé de plein fouet par la crise sanitaire puis économique. Cinq mois après le début du confinement, retour sur la gestion de cette crise inédite pour cet établissement prestigieux.
On rembobine jusqu’en mars et la décision du Premier ministre, Xavier Bettel, d’un confinement généralisé pour endiguer la circulation du Covid-19. «En 36 heures, nous avons tout fermé avec mes associés et toutes les équipes de l’hôtel», explique Hubert Bonnier, directeur général de l’établissement cinq étoiles, avant de continuer : «Avec cette annonce, cela voulait dire la fermeture des restaurants et des bars. Au sein de notre hôtel, nous avons trois restaurants et un bar. Avec mes associés, nous avons pu compter sur notre expérience dans les Antilles où l’on applique des procédures anticycloniques. Autrement dit, quand une alerte cyclone est déclenchée, nous devons tout fermer en 24 ou 48 heures.»
Dès lors, cette tempête sanitaire a également forcé l’hôtelier à se réorganiser avec intelligence. «On a fermé l’hôtel assez rapidement et nous avons mis, malheureusement, 80 à 85 % du personnel au chômage technique», concède Hubert Bonnier, tout en précisant «avoir gardé une petite équipe» de 7 à 10 personnes sur place. «Dans un hôtel, avec ou sans clients, il y a toujours quelque chose à faire. La personne en charge de l’entretien de l’hôtel, qui a toujours un programme très chargé, en a profité pour se mettre à jour. Même chose au niveau du nettoyage, avoir le shampouinage des moquettes dans les chambres et d’autres petits travaux. Nous avons aussi gardé une présence à l’accueil pour assurer la réception des diverses livraisons et répondre au téléphone. Il fallait également répondre aux annulations des clients, assurer la gestion administrative envers les autorités comme l’Adem et puis une personne en cuisine pour nourrir la petite équipe», expose Hubert Bonnier
Ne pas rester inactif.
Pendant ce confinement, la direction de l’hôtel a également dû garder le contact avec son personnel contraint de rester à la maison mais également avec la clientèle. «Pour cela, nous avons utilisé des newsletters afin d’informer nos clients et notre personnel mais également l’inverse. Notre personnel a aussi pu montrer ce qu’il faisait, comme par exemple notre chef sommelier qui en a profité pour approfondir ses connaissances. C’était important de garder ce contact. Nous en avons également profité pour faire des échanges en visioconférence avec nos chefs d’équipe. Il ne faut pas négliger l’impact psychologique d’une telle situation sur le personnel, c’est pour cela que l’on a tenu à garder le contact et à échanger» confie le directeur de l’établissement.
Le lundi 25 mai, Xavier Bettel annonce la réouverture des terrasses dès le mercredi. Là encore, l’établissement fait preuve de rapidité pour pouvoir accueillir les clients. «J’ai fait beaucoup d’ouvertures ou de réouvertures d’hôtels mais c’était la première fois que je redressais une terrasse avec un double mètre pour permettre la distanciation sociale», sourit Hubert Bonnier.
Peu à peu, les différentes parties de l’établissement rouvrent, les terrasses, l’hôtel, les trois restaurants et le bar. Mais avec cette réouverture, le casse-tête des mesures sanitaires commence et l’hôtel cinq étoiles s’équipe en conséquence. «Il y a un endroit dédié pour le linge propre et le linge sale et l’on a enlevé beaucoup de papier des chambres comme le menu ou le « room directory » car on ne peut pas désinfecter le papier. Nous avons plastifié ce qui était possible de l’être sauf le mot d’accueil du client que je signe personnellement. Nous avons également acheté un robot UV qui désinfecte les chambres ou encore toute une série de produits que nous ne connaissions pas avant, comme des sacs pour le linge sale qui se dissolvent dans la machine à laver. Nous avons acheté des masques en tissu pour les clients, des masques FFP2 pour le personnel, du gel hydroalcoolique, des lingettes désinfectantes pour les clients du restaurant, etc. Bref, nous nous sommes adaptés», explique encore le directeur de l’hôtel.
Cette adaptation a un coût
Mais cette adaptation a un coût. «Plusieurs milliers d’euros par mois», assure Hubert Bonnier, avant de situer la fourchette entre 3 000 et 5 000 euros par mois. À titre d’exemple, il faut débourser autour de 1 000 euros pour le robot UV. «Il faut rassurer le client tout en assurant la sécurité de notre personnel», indique encore le directeur de l’hôtel.
Toute la question est de savoir si la clientèle est de retour. Habituellement, du lundi au jeudi, l’établissement cinq étoiles accueille une clientèle d’affaires et un peu plus touristique sur le week-end. «Toute la clientèle n’est pas revenue, notamment la clientèle anglophone, les Anglais et les Américains qui représentent un tiers de nos clients. On espère revoir les Anglais en septembre», songe Hubert Bonnier.
Toujours au sein de la clientèle d’affaires, l’hôtel a des contrats avec des entreprises pour les chambres, les banquets d’affaires ou encore les conférences. «Là aussi, ils ne sont pas revenus non plus car il y a encore beaucoup de télétravail», souligne le directeur général de l’hôtel sans pour autant être fataliste : «Pour le moment, je ne peux pas dire que le télétravail a tué l’activité. C’est la période de vacances et la clientèle d’affaires n’est pas très présente sur les mois d’été. Pour y répondre, il faudra attendre fin septembre.»
L’établissement a fait un mois de juin plutôt difficile d’autant que les mois de juin, de septembre et d’octobre sont généralement de bons mois pour le secteur haut de gamme. «Sur le mois de juillet, nous avons bien fonctionné avec un taux d’occupation d’un peu plus de 50 %, ce qui est déjà très bien à la vue de la situation», assure Hubert Bonnier. En temps normal, l’hôtel enregistre un taux d’occupation autour des 80 %.
Un bon mois de juillet qui s’explique par de multiples actions de l’établissement comme des réductions sur les chambres ou un package «6 étoiles» combinant l’hôtel 5 étoiles et la Cristallerie, le restaurant avec 1 étoile Michelin.
Pour autant, Hubert Bonnier ne veut pas faire de plan sur la comète ni se montrer trop optimiste. «Nous avons fait appel à un prêt bancaire garanti par l’État. Mais ça reste un prêt, donc remboursable à partir du mai 2021. Il y a aussi le fonds de relance dédié à l’Horeca, une aide non remboursable qui va nous aider. Mais on va encore souffrir et il ne faut pas croire que cela va redémarrer comme ça», ne cache pas l’hôtelier qui affirme tout de même que «l’hôtel ne fermera pas ses portes. On se prépare à une rentrée difficile et le mois de septembre sera un bon révélateur de la situation».
Jeremy Zabatta