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Grande Région : l’Agape veut penser au-delà des frontières


Jean-Marc Duriez, le président de l'Agape, et Aurélien Biscaut, son directeur, veulent que la structure gagne un réel caractère transfrontalier. (photo Erwan Nonet)

L’Agape, l’Agence d’urbanisme et de développement durable Lorraine Nord, basée à Longlaville, vient de mettre un premier pied au Grand-Duché. Avec une foule d’idées intéressantes.

Avec l’attractivité économique du Luxembourg qui agit comme un aimant sur les alentours, les élus auraient bénéfice à se pencher davantage sur les affaires transfrontalières. Car les enjeux et les problèmes ne s’arrêtent pas aux limites des territoires nationaux. Loin de là.

Et pourtant, les outils pour mieux appréhender ce territoire complexe existent. L’Agape est là pour ça. « Nous sommes une agence d’urbanisme dont la mission est d’intérêt collectif , explique son directeur, Aurélien Biscaut. Nous traitons d’urbanisme, d’aménagement du territoire, de mobilité, d’habitat ou d’environnement. » L’État français, vingt communes, huit intercommunalités, le département de la Meurthe-et-Moselle ou la région Lorraine sont, par exemple, membres de la structure.

« L’Agape est un outil d’ingénierie apolitique d’aide à la décision pour les élus, explique-t-il. Pour nous, il y a une continuité entre les différents territoires de la Grande Région et les questions transfrontalières sont au cœur de nos travaux. » (lire ci-dessous)

Une volonté française et luxembourgeoise

Les treize employés de l’association œuvrent pour réunir les informations provenant des différents pays, les traitent pour les comparer, puis les traduisent en infographies riches et faciles à lire. « Outre l’observation et l’analyse, notre mission est de partager au maximum nos résultats. Nous disposons donc d’un grand réseau que nous cherchons toujours à développer », avance Aurélien Biscaut.

Transfrontalière dans ses études, l’agence ne l’était jusque-là toutefois pas complètement, puisque jusqu’au mois dernier, tous ses membres étaient français. Mais ces derniers temps, elle cherche de nouveaux appuis côté luxembourgeois. « L’État français y est favorable », soutient le jeune directeur.

C’est dans ce contexte que l’Agape a approché ProSud, le syndicat qui rassemble onze communes du sud du pays. Lors de sa dernière assemblée, le bureau a validé son entrée dans l’agence d’urbanisme au titre de membre associé. Ce statut ne lui donne pas le droit de vote, mais lui permettra de profiter de l’expertise de l’Agape. La cotisation est de 1  000 euros l’année, le ministère du Développement durable et des Infrastructures en prenant 50  % à sa charge. « Cela nous donne un an pour voir comment ils travaillent, avant de nous engager plus en avant si nous estimons que cela nous sera profitable », avait alors soutenu Dan Biancalana, bourgmestre de Dudelange et président de ProSud, qui avait été suivi par tous les membres du bureau présents (Pétange et Käerjeng n’étaient pas représentés).

«ProSud va nous apporter beaucoup»

« Pour nous, l’arrivée de ProSud est une première pierre symbolique, une étape décisive », assure Aurélien Biscaut. Jusque-là, l’Agape regroupait environ 200  000 habitants sur un territoire de 1  000  km². L’adhésion des Luxembourgeois apportent 164  000 habitants et 200  km² supplémentaires. Autant dire un vrai changement d’échelle, surtout si le statut de ProSud évolue.

Le président de l’Agape et maire de Longlaville, Jean-Marc Duriez, en est persuadé  : « ProSud va nous apporter beaucoup, c’est de toute façon une volonté du conseil d’administration que de devenir une agence réellement transfrontalière. » De là à s’implanter matériellement au Grand-Duché? « Ce n’est pas une fin en soi, puisque ce qui compte, c’est de mener à bien nos missions, relativise Aurélien Biscaut. Mais si c’est nécessaire, nous pourrions éventuellement ouvrir une deuxième agence au Luxembourg. Nous prendrons sûrement cette décision d’ici la fin de l’année. »

Sûr que dans le cas où d’autres communes déjà approchées répondraient à l’invitation, on entendra souvent parler de l’Agape par ici. Cela n’a rien d’impossible  : l’association détient déjà des compétences susceptibles d’être directement mises à profit au Luxembourg, notamment pour l’élaboration des plans d’aménagement particuliers (PAP) et généraux (PAG), une affaire qui coûte beaucoup d’efforts aux communes depuis plusieurs années.

Erwan Nonet

La logistique, chacun de son côté

Les études de l’Agape s’ancrent dans le concret. En développant ses propres outils et forte d’une totale indépendance, ses résultats sont parfois iconoclastes mais toujours pertinents. Ils mettent bien souvent en évidence les incohérences du développement des infrastructures dues presque systématiquement au manque de concertation entre les différents pays pourtant complètement interconnectés.

Pour illustrer ce constat, le directeur de l’Agape, Aurélien Biscaut, donne un exemple. « Il y a une course effrénée pour la création de surfaces commerciales. Dans la Grande Région, nous en sommes à 675  000  mètres carrés. Et il y en a encore environ 280  000 en projet, soit une augmentation de 40  %. »

Or pour alimenter les rayons, il faut approvisionner les rayons. D’où l’accroissement des plateformes logistiques qui permettront de faire venir les marchandises. Le hic, c’est que chaque pays se démène dans son coin pour agrandir les siennes  : à Bettembourg mais aussi à Athus (Belgique), à l’Europôle d’Illange et au port lorrain, à Metz. « Une fois que tous ces projets seront terminés, la capacité augmentera de 600  000  conteneurs par an, soit une hausse de 400  %! », alerte Aurélien Biscaut qui estime que cette activité générera la circulation de 2  500  poids lourds supplémentaires chaque jour.

S’il s’agit peut-être d’une bonne nouvelle sur le plan économique, le constat sera certainement différent sur le plan de la mobilité. Les routes et autoroutes sont déjà saturées et ce n’est pas le vague projet d’A31 bis qui changera les choses. « Le manque de concertation entre les pays est flagrant et risque de poser de très gros problèmes dans un futur proche », regrette le président de l’Agape.

L'Agape, jusqu'ici basée dans le nord de la Lorraine, travaille à son implantation au Luxembourg, afin de sensibiliser les collectivités locales aux besoins de la Grande Région.

L’Agape, jusqu’ici basée dans le nord de la Lorraine, travaille à son implantation au Luxembourg, afin de sensibiliser les collectivités locales aux besoins de la Grande Région.