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Fermeture de la librairie Alinéa : une avalanche de témoignages d’affection


Edmond Donnersbach a annoncé la fermeture de sa librairie avec fracas. Alinéa? Plus qu'une enseigne. (photo I.Finzi)

La librairie Alinéa, à Luxembourg, est submergée par les témoignages d’affection, depuis l’annonce de sa fermeture, la semaine dernière, après vingt-deux ans d’existence. Retour sur l’histoire d’une institution, avec le fondateur Edmond Donnersbach.

Chamboulé. Derrière ses lunettes, Edmond Donnersbach ne sait plus quoi penser. Depuis qu’il a annoncé la fermeture de sa librairie, qu’il tient depuis 22  ans au 5 rue Beaumont en Ville, c’est l’avalanche. « Des lecteurs s’indignent, d’autres sont tristes, certains veulent m’aider… Hier, une grand-mère m’a dit  : « il faut signer où? » Elle me parlait d’une pétition. »

Finalement si, un mot lui vient à l’esprit  : « Je suis touché ». Tout comme les cinq salariés de la boîte, qui ont peur de perdre « plus qu’un métier, une passion ». Nous ne reviendrons pas sur les raisons d’une fermeture. Internet, le manque de clients, l’augmentation des coûts de gestion commerciaux… comme un bon livre, il faut reprendre les premières pages pour apprécier ce que l’on est en train de perdre.

Une vie dans les bouquins

Edmond Donnersbach a toujours « aimé les livres .» Le natif de Luxembourg a bougé dans sa vie. Il passe ses années 60 à Amiens, en fréquentant le collège jésuite qui formera Emmanuel Macron quelques décennies plus tard. Mais son plus beau voyage, c’est au fil des pages qu’il le réalise.

« Le papier, j’ai besoin de sentir les choses, même pour un journal », lâche-t-il. Résistant (réticent…) à toute modernité? « Non. D’ailleurs je n’idéalise pas le livre. Quand j’ai un bouquin moyen en rayon, je le dis au client. En revanche, j’aime ce petit effort de concentration, qui consiste à entamer les premières lignes pour s’y plonger complètement après. » Ne pas picorer, ne pas zapper comme sur une tablette. Lire les yeux grands ouverts, sans œillères ni a priori.

C’est cette qualité que repèrent les responsables des imprimeries Saint-Paul, au début des années 80. La direction lui confie la gestion d’une librairie rue Bourbon. « Voilà l’argent, choisis ce que tu veux », se souvient Edmond. En 1984, finie la vie trépidante d’intellectuel, le libraire entre dans le secteur bancaire. «Realpolitik», comme on dit. Mais la passion brûle toujours. En 1995, Edmond reprend l’autoroute de la vie en sens inverse. Il fonde la librairie Alinéa rue Beaumont, dans un petit local. L’aventure dure deux ans.

« J’ai tout fait pour comprendre intégralement le monde de l’édition , raconte Edmond.Et donc, pour proposer autre chose que les éternels « hits » et autres prix fluos barrés. Pas forcément des trucs pointus. De la qualité, des livres pour tout le monde .» C’est ce qui plaît. La clientèle afflue, il est temps de s’agrandir. « Quand j’ai vu ce grand espace se dégager à deux pas de ma librairie, j’ai sauté sur l’occasion. » En 1997, la librairie Alinéa s’installe définitivement au 5  rue de Beaumont. Deux étages, des dizaines de rayons marqués avec des étiquettes à la main, des coups de cœur, une table et des chaises dans le coin philosophie.

La suite de l’histoire, les Luxembourgeois la connaissent  : ce sont eux qui l’ont écrite avec Edmond et son équipe. « Je ne m’attendais pas à voir ma librairie occuper cette « petite place » dans la vie des gens », glisse-t-il, fatigué malgré tout.

Hubert Gamelon

Et maintenant ?

Fermera, fermera pas? Différents médias, dont la radio  100,7, ont assuré que la librairie Alinéa, devant l’ampleur des marques d’affection (même des poèmes!) resterait ouverte. « Non, non… », élude le propriétaire. C’est le syndrome du fleuriste  : tout le monde en veut, mais personne ne leur achète des fleurs! « Que les gens achètent en librairie, s’ils aiment les libraires .»