Le Covid-19 a troublé la fête de la foire agricole d’Ettelbruck, obligeant ses organisateurs à l’organiser en ligne. Le virus n’est cependant pas venu à bout d’un secteur qui a gagné la confiance des consommateurs.
La foire agricole d’Ettelbruck existe depuis 1883. Son but est de présenter l’agriculture dans son ensemble au public et de rapprocher les professionnels. Chaque année, le hall du Deich et son parking sont transformés en champ de foire qui attire des milliers de visiteurs (39 000 en 2019). Cette année, ils se compteront en nombre de clics. La foire agricole a dû être annulée en raison de l’épidémie de Covid-19. Pour ne pas laisser tomber le secteur, les organisateurs ont décidé d’organiser une édition 2020 totalement digitale qui se concentre sur le site fae.lu.
«Nous essayons de donner toutes les informations que nous donnons habituellement en direct aux visiteurs par le biais de la technologie et de vidéos», indique Jeff Boonen, membre du comité d’organisation de la foire. «Nous avons eu très peu de temps pour nous préparer. La décision d’annuler la foire a été prise début avril. Nous avons eu deux mois pour préparer quelque chose de totalement nouveau pour nous.» La petite équipe de six personnes a travaillé d’arrache-pied avec ses partenaires notamment issus du monde agricole, comme la chambre de l’Agriculture ou les Lëtzebuerger Jonkbaueren. «D’habitude, ils nous aident à établir le programme au hall Deich à Ettelbruck et cette fois, ils se sont occupés de l’aspect digital en préparant pas mal de contenus vidéo qui sont diffusés sur différents canaux. Ce week-end, nous allons également accueillir 70 différents intervenants dans nos studios et quatre reporters sillonnent le pays pour réaliser des reportages en direct à l’aide de leur smartphone.» Les spectateurs peuvent poser des questions en direct et l’équipe essayera, dans la mesure du possible, d’y répondre rapidement.
Des pertes dans certains secteurs
L’aspect informatif de la foire a pu être conservé. La fête populaire, elle, a été labourée par le Covid-19. L’annulation de ce type de foires agricoles assène un coup au secteur de l’agriculture tout entier. Elles sont des lieux d’échange et de promotion pour les professionnels du secteur. «Nous les avons aidés à produire du matériel digital et à s’inscrire sur un magasin en ligne, mais cela n’a rien à voir avec le marché habituel de la foire où les producteurs pouvaient vendre leurs produits», explique Jeff Boonen. «Nous voulons profiter de la crise pour montrer l’étendue de la gamme de produits issus de l’agriculture que nous avons au Luxembourg. Les producteurs, habitués aux contacts directs, ont dû se mettre aux méthodes de ventes digitales. C’était un défi pour eux.»
L’annulation de la foire a également un impact sur «les dépositaires de boissons à des forains qui vendent de la nourriture… qui ne pourront pas en profiter cette année. C’est une perte pour ce secteur alors que la foire avait accueilli 39 000 visiteurs l’année passée.»
Certains secteurs de l’agriculture plus que d’autres ressentent les effets de la crise. «Les producteurs de produits bruts comme le lait devaient perdre énormément et pourtant les marchés ne se sont pas effondrés. Ils se sont maintenus. Le secteur de la vente au détail ou de la vente directe a profité de la crise, mais la tendance est à la baisse car les gens retournent dans les supermarchés», précise le jeune agriculteur pour qui, «l’agriculture a gagné en importance et en valeur grâce à la crise. Son image en a profité, ce qui est une bonne base pour construire l’avenir».
Le public a pris confiance en l’agriculture, mais a tout de même retrouvé ses bonnes vieilles habitudes d’avant la crise et retourne au supermarché tout en se plaignant des prix qui y sont pratiqués. Ce constat est valable dans toute l’Europe. Les coopératives et la vente directe louées au début de la pandémie ne semblent plus intéresser grand monde. «Nous nous interrogeons sur ce retournement de situation. Les agriculteurs n’ont pas augmenté leurs prix à la suite de la crise. Le supermarché est peut-être plus pratique au final une fois que la vie a repris son cours. À l’agriculture de réussir à bousculer ces habitudes», estime Jeff Boonen.
Privilégier les circuits courts
Quant à l’augmentation des prix dans le commerce, il l’explique ainsi : «De nombreux aspects sont à prendre en compte. Les professionnels comme La Provençale ont expliqué que le prix des fruits et légumes avait terriblement augmenté en raison des faibles quantités qui ont été transportées durant le confinement. La fermeture des restaurants aurait fait chuter leur consommation», explique-t-il. Pour la viande, ce serait le contraire. «Les prix ont chuté parce que les consommateurs étaient habitués à commander de bons morceaux au restaurant et à manger du haché et des pièces moins chères chez eux. Les pièces nobles comme les côtes à l’os par exemple ne se sont plus vendues. Ce sont ces pièces qui déterminent les prix», précise Jeff Boonen qui encourage les consommateurs à choisir les circuits d’achat les plus courts, pleins d’avantages pour les consommateurs, à commencer par la relation de confiance avec les agriculteurs.
Agriculteurs qui ont eu la chance de pouvoir continuer à travailler pendant le confinement en appliquant les mesures sanitaires. Cela ne signifie pas qu’ils n’en ont pas ressenti les effets et ne vont pas les ressentir. «Tout dépend du nombre de restaurants qui vont définitivement mettre la clé sous la porte. Cela représentera une baisse de marchandise consommée, plus particulièrement les marchandises haut de gamme comme le vin et la viande», ajoute le jeune homme. En outre, le manque de pluie a gâché les cultures de céréales, les rendant «irrécupérables». Heureusement, le fourrage, qui est très important au Luxembourg, est passé entre les gouttes et pousse normalement.
Pour découvrir toute l’étendue des activités agricoles au Luxembourg, il suffit de consulter le site internet et de ne pas hésiter à interagir. «Tous les contenus produits resteront en ligne durant les prochaines semaines», assure Jeff Boonen. «Nous avons réalisé des visites à 360° dans des entreprises agricoles. Les 300 exposants invités ont tous une page sur notre site internet, un stand virtuel qui leur permet de prendre contact avec des clients. Le livestream de nos interventions ainsi que nos reportages sont diffusés sur notre site mais aussi sur rtl.lu, Post, Kanal 99, entre autres. Le but était de pouvoir atteindre le plus de monde possible.» Direction la foire agricole en ligne.
Sophie Kieffer