Avec 122 nationalités, la Métropole du fer brasse toutes les cultures. En cette période de fêtes, quatre Eschois racontent les Noëls dans leur pays d’enfance. Rencontre ici avec Rosa-Marie, immigrée portugaise arrivée au Luxembourg il y a vingt-deux ans.
Quand Rosa-Marie parle des Noëls de son enfance, elle nous plonge dans une époque qui semble lointaine. Pourtant, cette mémoire vive est celle de nombreux immigrés portugais d’Esch-sur-Alzette. La pauvreté lusitanienne des années 50, la solidarité d’une fratrie autour de sa maman, le peu de choses avec lesquelles il fallait composer pour que Noël soit une fête.
« Mon papa est parti très tôt au Brésil, je ne l’ai jamais connu , explique cette chaleureuse grand-mère eschoise. Je n’ai pas connu non plus mes grands-parents. Les Noëls à Amarante, mon village du nord du Portugal, c’était vraiment maman, mon frère et ma sœur .»
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Arrivée au Luxembourg en 1993, Rosa-Marie Souza Couhna conserve des souvenirs intacts de sa « vie d’avant ». « Amarante est une ville de 50 000 habitants aujourd’hui. Mais après-guerre, c’était une bourgade. Je garde en mémoire une commune paysanne, loin de la mer, coupée de tout. Les voix de circulation étaient mal tracées, les gens n’avaient pas toujours des chaussures aux pieds. »
Dans ce contexte difficile, Rosa-Marie raconte Noël comme un temps pour aider sa maman. « Elle faisait des ménages chez les riches, nous restions à la maison en attendant son retour. On aimait bien se rendre utile, faire en sorte que tout soit propre à son retour .» Le soir de Noël était empreint de chrétienté, dans ce pays très catholique.
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« J’aimais la messe de minuit, car je pouvais mettre des vraies chaussures, que je ne sortais qu’à de rares occasions. Il y avait du monde dans l’église, beaucoup de monde, et les gens s’observaient. Mes souliers étaient noirs, comme des sabots hollandais. Ça me changeait des sandalettes .» Rosa-Marie se souvient de la statue de Nouveau-né qui passait de bras en bras dans l’église, sur lequel il fallait déposer un baiser.
Des élastiques colorés, des petits cadeaux
Puis venait le repas de fête concocté par sa maman. « Une grande casserole avec de la viande où tout le monde se servait. Et les desserts surtout : des beignets sucrés à la cannelle et au citron! » Quand nous lui demandons (maladroitement) une photo des Noëls de l’époque, Rosa-Marie sourit : « Mais nous n’avions pas d’appareil photo! Comme cadeau, maman déposait quelques marrons grillés sur le feu. Avec ma sœur, nous avions le droit à un objet de coquetterie. Ce n’était pas grand-chose, des élastiques de couleurs pour les cheveux. Je me souviens avoir passé des soirées entières à me faire des couettes… »
Adolescente, Rosa-Marie rejoint Porto au sein d’une famille qui s’élargit : sept frères et sœurs au total. « Je débarquais dans la « grande ville », le niveau de vie était déjà meilleur. Beaucoup de Portugais de la campagne émigraient vers la capitale. C’était le choc pour eux, les autorités leur mettaient des amendes s’ils continuaient à marcher pieds nus! »
Elle quittera le Portugal pour le Luxembourg tardivement, à 45 ans. Elle est aujourd’hui à la retraite, après avoir exercé différents emplois dans la restauration et l’entretien. « Ma vie est plus aisée aujourd’hui. Je fête Noël avec mes enfants et mes petits-enfants, nous sommes une dizaine autour de la table. J’ai une fille qui est dans la restauration mais à Noël, c’est moi qui cuisine! »
Tant pis pour Carla, qui excelle pourtant derrière les fourneaux du Conga Grill, à Esch-sur-Alzette. Certainement Rosa-Marie se souvient des efforts que faisait sa maman, à Amarante. Et c’est à elle aujourd’hui de se dévouer, un cadeau secret pour ses enfants.
Hubert Gamelon