Après le questionnaire sur internet, le débat. Le plan local d’intégration d’Esch-sur-Alzette entre dans sa phase concrète. L’échevin Dan Codello est le président de la commission Intégration depuis dix ans. Avec son équipe, il entend mener un travail de fond. Il décrypte les enjeux.
Le Quotidien : Le plan local d’intégration entre dans sa phase concrète : la première table ronde s’est tenue samedi à Esch-sur-Alzette. Quel premier bilan faites-vous?
Dan Codello : Quarante habitants se sont retrouvés autour des tables. Des Eschois de divers horizons, venus débattre après le questionnaire que nous avons largement distribué durant l’année 2015. Si je devais retenir un mot pour qualifier ce temps fort : dialogue sincère. Les gens se parlent, disent ce qu’ils pensent de l’intégration, ne restent pas dans leur coin. Et tout cela, en bonne intelligence.
Ce n’est pas évident de se déplacer un samedi matin pour un thème politique comme l’intégration. Beaucoup disent : « j’ai autre chose à faire. » Mais les Eschois qui aiment leur ville savent que cette démarche citoyenne compte.
Quels thèmes sont ressortis?
Pour le moment, nous affinons encore. Allez, je vais citer les préoccupations qui reviennent souvent : la ville d’Esch pourrait mieux valoriser la mixité religieuse; les Luxembourgeois participent plus à la vie associative que les autres résidents; la fréquentation des structures culturelles est plus élevée chez les Luxembourgeois que chez les Portugais et, encore une fois, que chez les autres résidents européens; les étrangers hors UE ne s’intéressent pas ou peu à la politique locale, etc.
Les Portugais sont dissociés à chaque fois. Pourquoi?
Les Portugais représentent plus d’un tiers de la population eschoise (11 421 sur 33 784 habitants). Il faut prendre cette donnée en compte, de façon constructive. Par exemple, les structures culturelles sont peut-être trop germanophones, ce qui pénalise les Portugais. Vous voyez, on peut obtenir ce genre d’analyse.
La démocratie participative est une belle notion, encore faut-il qu’elle serve à quelque chose. Combien d’habitants ont répondu au questionnaire?
Je vais vous dire franchement, pas assez à mon goût. Nous voulions 1 000 réponses, nous en avons eu 550. Pour autant, nous sommes satisfaits, à double titre : c’est la première fois qu’une telle consultation est lancée (NDR : questionnaire sur papier ou sur internet), les habitants n’ont donc pas l’habitude.
Deuxièmement, l’institut d’analyses partenaire nous a assuré que 550 réponses de qualité, avec des gens qui prennent le temps de réfléchir, sont suffisantes pour avoir une vision représentative.
En réalité, notre motif d’insatisfaction, s’il fallait vraiment en donner un, est ailleurs : 66 % des habitants qui ont répondu au questionnaire sont luxembourgeois. Quant à la moyenne d’âge lors de la première réunion… nous n’avons pas vu beaucoup de jeunes.
Ce travail sur l’intégration est assez nouveau…
( Il corrige ) Nous travaillons sur l’intégration depuis 1981 à Esch-sur-Alzette, nous sommes des précurseurs! Notre ville a toujours été riche de son immigration et la question de l’intégration a toujours été à la fois sensible et fondamentale. L’intégration c’est quoi, quand on y réfléchit? L’expression concrète du fameux « vivre ensemble » dont on nous parle toujours. Cette cohésion citoyenne, basée sur une cohésion sociale équilibrée, a toujours fait partie de l’ADN d’Esch-sur-Alzette. Toujours.
Je reformule : cette façon de travailler en profondeur sur le sujet est nouvelle. Comme si avant, on se contentait de quelques repas folkloriques avec les associations et qu’aujourd’hui, il y a l’envie d’aller plus loin.
Moi, je ne prends pas la présidence d’une commission pour faire des repas. J’aime les bons plats, mais ça ne peut pas être la finalité d’un tel dossier! ( Rire. ) Sérieusement, quel est le danger qui nous guette? Que chacun rumine dans son coin ses peurs ou ses préjugés, et que l’intolérance s’immisce dans notre cohésion sociale. Avec notre travail de fond, qui suit donc son cours, qui fait son chemin, nous voulons couper l’herbe sous le pied des replis identitaires ou communautaires.
Les défis posés par l’intégration actuelle sont-ils plus forts que les défis d’hier? Avant, nous avions une immigration directement en lien avec le travail. Ça n’est plus forcément le cas.
Oui le défi est plus fort. Car nous sommes dans un contexte mondialisé, et que les communes assument les conséquences de décisions qu’elles ne maîtrisent pas. Esch va accueillir 300 réfugiés d’ici 2017. Il faut s’en féliciter, ces gens fuient la guerre! D’un autre côté, il faut anticiper l’intégration, au niveau scolaire, au niveau familial, social, etc. Et il faut prendre en compte les attentes des citoyens. En donnant la parole aux habitants, nous évitons ce piège du : « Regardez, les hommes politiques font leurs lois entre eux… »
Vous comprenez certaines peurs? Vous êtes confiants quant à l’avenir?
Je comprends certaines peurs, mais il faut apporter des réponses claires et avoir confiance en nous. Depuis plus d’un siècle, Esch est un creuset dans lequel des vagues d’immigration successives se sont implantées avec succès. Moi je vivais rue Jean-Pierre-Bausch (Terres rouges) quand j’étais petit. Il n’y avait que des Italiens.
Aujourd’hui, je suis luxembourgeois avec un O à la fin, c’est tout ( il sourit ). Nous dénombrons 124 nationalités différentes dans notre commune à l’heure actuelle. Notre identité est le fruit de notre esprit d’ouverture, clairement. Persévérons!
Hubert Gamelon
Prochaine réunion le 20 février
La dernière réunion sur le thème de l’intégration se tiendra le samedi 20 février, à 10h, à l’hôtel de ville d’Esch-sur-Alzette. Élus et organisateurs n’interviendront qu’au minimum. Les réunions se dérouleront par petits groupes de réflexion, modulables selon différents paramètres pour cerner tous les enjeux : association, femme, quartier…
Courriels : marc.limpach@villeesch.lu ou nicole.jemming@villeesch.lu