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Esch-sur-Alzette : les Keeseminnen, vestiges en péril ?


Les Keeseminnen ne feront sans doute pas partie du projet Rout Lëns dans leur intégralité. (photo Julien Garroy)

Une poignée d’irréductibles se bat pour conserver les Keeseminnen sur la friche des Terres Rouges. Pourtant, il semblerait que le sort du bâtiment soit déjà scellé.

La colère gronde dans les rangs des protecteurs du patrimoine industriel du Bassin minier : la démolition des accumulateurs à minerai, dits Keeseminnen, sur la friche «Lentille Terres Rouges» à Esch-sur-Alzette a débuté il y a une semaine. Ce bâtiment considéré par certains comme un des derniers témoins du passé sidérurgique de la Métropole du fer doit disparaître pour faire place à un tout nouveau quartier déjà baptisé «Rout Lëns».

Cette décision n’est pas du goût de tous. L’association Industriekultur – CNCI (Centre national de la culture industrielle) veut faire reculer les engins de démolition. La semaine passée, sous la pluie et malgré le danger du coronavirus, une quinzaine de personnes s’étaient rendues sur les lieux pour marquer leur désaccord.

Le bâtiment des Keeseminnen date de 1907 et n’est plus en fonction depuis 40 ans. «Il s’agit des derniers vestiges de l’usine à fonte des Terres Rouges, connue sous le nom de Brasseur-Schmelz, construite à partir des années 1870», indique l’association pour qui cette démolition est inconcevable. Une demande de classement pour sauver le bâtiment ainsi que d’entrevue d’urgence ont été introduites auprès du ministère de la Culture et de l’administration des Sites et Monuments.

Une tentative restée lettre morte pour le moment puisque les engins de démolition ne se sont pas fait prier. «La demande étant en cours d’examen, le ministère n’a pas encore la possibilité de réagir ou d’intervenir sur le site afin de prendre les mesures nécessaires à une protection nationale», indique l’association qui s’étonne que les travaux de démolition n’aient pas été interrompus en attendant «l’analyse du dossier par le Service de sites et monuments nationaux».

Les raisons d’une démolition

La démolition semble inéluctable. Les preuves s’accumulent. Quatre bâtiments du site ont été classés par le Service des sites et monuments nationaux et seront intégrés au nouveau quartier en souvenir du passé industriel du lieu. Le long mur qui court jusqu’à Audun-le-Tiche sera aussi préservé. Les Keeseminnen n’ont, elles, pas été retenues. Seuls leurs portails devraient être sauvés et intégrés dans de nouveaux éléments d’architecture.

Leur délabrement joue clairement contre toute forme de récupération des silos. Leur emplacement serait également un handicap sérieux à leur maintien. Il ne permettrait pas de relier correctement le nouveau quartier au centre-ville et bousculerait les plans de l’entreprise Iko Real Estate en charge de ce nouveau projet. Mais pas seulement. La pollution à l’amiante est évoquée.

«Si tel est le cas et qu’aucune mesure de désamiantage ne l’a précédée, la démolition actuelle est totalement illégale et une calamité sanitaire pour les habitants du quartier voisin de la Hiehl», relève l’association. Elle «exige l’arrêt immédiat des travaux de démolition jusqu’à ce que le Service des sites et monuments nationaux se soit prononcé sur la demande de protection».

Le sort des Keeseminnen semble pourtant scellé depuis un certain temps déjà. L’autorisation de les détruire aurait été signée par la commune en août dernier et le précédent collège échevinal n’était déjà à l’époque pas favorable au maintien du bâtiment.

Sophie Kieffer

 

Georges Mischo réagit : «C’est de la polémique !»

Le bourgmestre d’Esch-sur-Alzette a tenu à répondre à l’association dans ce dossier.

Georges Mischo se défend des accusations de manque de transparence de son administration et justifie les décisions prises dans le cadre de la construction du nouveau quartier. «Je signe plus de 12 000 permis par an. Tous ne sont pas transmis à la commission des bâtiments. Ce n’est pas obligatoire», indique-t-il.

«Cela me surprend que l’association réagisse maintenant. Un permis de construire peut être contesté pendant trois mois après sa délivrance et pendant trois mois, il n’a intéressé personne. Idem lors des discussions autour du PAG du projet Rout Lëns. C’est de la polémique!»

Il explique également que «le Service des sites et monuments et la commune d’Esch n’ont pas souhaité classer le bâtiment parce qu’il n’en vaut pas la peine». Et s’étonne de l’engouement soudain autour de cette démolition : «Lors des discussions publiques autour du projet, personne n’a réagi quand il en a été question. Même les habitants du quartier Hiel trouvent que le bâtiment gâche la vue.»

La Ville, le promoteur et le Service des sites et monuments ont préféré «conserver d’autres bâtiments qui présentaient un intérêt pour les intégrer au projet. Comme la ruelle des artisans en direction d’Audun qui a été sauvée parce qu’elle est jolie et qu’on peut en faire quelque chose.»

Quant à la présence d’amiante sur le site, le bourgmestre ne la conteste pas. Mais il précise que «le promoteur a évité que de l’amiante ne se propage dans l’air grâce à des machines spécialisées de désamiantage. Il ne prendrait pas le risque de démolir les Keeseminnen comme c’est le cas actuellement s’il y avait encore de l’amiante à l’intérieur.»