Des colorants versés dans les sources d’eau de la ville… Oui, mais pour la bonne cause. Ils permettront de tracer le parcours de l’eau pour identifier les nouvelles zones de protection.
Le colorant reste intact durant son parcours souterrain avant de se désintégrer en surface. (Photo : Le Quotidien)
Le scandale de pollution de l’eau au pesticide dans différentes parties du pays a sensibilisé la population et les responsables politiques à la protection de ce trésor liquide. Mais si ces données restent à l’esprit du service des eaux d’Esch-sur-Alzette, ce n’est pas cela qui a poussé la commune à lancer un programme de délimitation des zones de captage. Il est engagé depuis 2011 et suit depuis un long processus.
Il a été mis en place en raison de l’instauration de « la loi relative à la délimitation de zones de protection (de l’eau servant à la consommation humaine) qui date du 19 décembre 2008 », explique Fernand Reiter, responsable des études et projets pour la régie des services d’approvisionnement. Une délimitation existait déjà, « mais elle était basée sur des cartes ». Il s’agissait donc davantage d’une protection définie sur une base théorique que sur la base d’une observation concrète. Désormais, la délimitation des trois différentes zones se fondera sur des analyses concrètes précises. Le tout devrait être mis en place d’ici mai ou juin. « Nous, nous ne faisons que des propositions, c’est ensuite l’administration de la Gestion de l’eau qui prendra les décisions. »
C’est donc l’administration qui risque de s’attaquer à un épineux problème en confrontant le cadastre aux nouvelles zones de délimitation. En effet, certains terrains concernés par l’interdiction, notamment, de toute forme de construction, pourraient appartenir à des particuliers. Si les habitations déjà existantes ne risquent pas grand-chose, les terrains vides pourraient, eux, perdre toute valeur.
Les habitants ont été informés du début de l’opération de traçage la semaine dernière, par un communiqué de la commune qui indiquait que les citoyens risquaient de voir leur eau du robinet légèrement colorée.
> Le Galgenberg, un très bon filtre
Et pour cause, c’est en versant sept colorants différents en divers points que la société de géologues Schroeder et associés, employée par la Ville, peut voir d’où vient exactement l’eau qui alimente les sources. Bien sûr, ces colorants n’ont aucun impact sur la santé ou l’environnement. « Il s’agit de colorants biologiques qui se dégradent à la lumière et avec les activités biologiques, explique Olivier Boillod, géologue. Ils restent donc intacts dans le sous-sol et disparaissent une fois revenus à la surface. De plus, nous avons versé l’équivalent d’un gramme de colorant pour un mètre cube. »
Un travail complexe, car le chemin de l’eau n’a rien d’évident. Surtout lorsque l’on sait qu’une faille géologique qui s’est formée en même temps que les Ardennes, longe la voie ferrée. Du coup, un dénivelé de 50 mètres se situe entre les deux côtés, séparés par un espace par lequel l’eau peut amplement s’écouler.
Les résultats de ces traçages ne seront connus que dans quelques semaines, mais certaines choses apparaissent déjà. Le colorant injecté près de la route qui mène à Schifflange s’est quasiment intégralement retrouvé dans les étangs Schlassgoart en moins d’une heure. Ce qui signifie que l’eau de pluie de ce secteur n’alimente en rien la source. Un élément qui a surpris le géologue.
Autre surprise, les colorants versés dans des trous sur le Galgenberg ont mis plus de temps que prévu à rejoindre la source. Ce qui est une bonne nouvelle, car cela indique qu’elle est davantage filtrée et arrive déjà assez pure à la station de traitement d’eau. C’est bien sûr la minette qui constitue la roche principale qu’on trouve sur le Galgenberg. Celle-ci, en se dégradant, forme une sorte de « pâte sableuse, argileuse et un peu rougeâtre » que l’on retrouve en surface.
Ce sont des capteurs placés avant le pompage de l’eau qui ont permis d’obtenir ces premières informations. Maintenant, des échantillons d’eau vont être analysés en laboratoire et révèleront des informations cent fois plus précises.
De notre journaliste Audrey Libiez