Entre les deux villes principales du pays, la situation n’est déjà plus tenable et il faut attendre 55% de trafic en plus d’ici 2035. Pour François Bausch, la seule solution réaliste est la construction d’un tram rapide.
La problématique
Aujourd’hui, l’offre bus/car est très importante sur l’A4 (dix lignes RGTR, un bus toutes les 3 minutes en heure de pointe, 5 500 voyageurs/jour). Le train, lui, transporte 10 000 passagers par jour entre Esch et Luxembourg (via Bettembourg), mais il ne dessert pas le nord d’Esch.
Le scénario moyen du Statec prévoit un accroissement de la demande en mobilité de 55 % sur le corridor A4 d’ici 2035. Aujourd’hui, cela ne passe déjà presque plus, il est évident qu’il faut donc d’urgence trouver des solutions pour permettre à davantage de personnes de circuler sans augmenter les nuisances et la durée des trajets. Une gageure.
Le ministre du Développement durable et des Infrastructures part du principe qu’élargir les routes ne ferait rien d’autre qu’engorger les goulots d’étranglement. Le trafic routier ne saurait donc être la seule solution, c’est l’esprit du plan MoDu 2.0 qu’il a présenté le 29 mai dernier. «Plutôt que de tenter de rattraper notre retard, il faut mettre en place une planification préventive», a-t-il défendu.
Le ministère a donc missionné le cabinet de conseil spécialisé franco-allemand TTK (Transport Technologie Consult Karlsruhe) qui a étudié les différentes alternatives. L’entreprise a notamment travaillé sur le Rhônexpress qui relie Lyon à l’aéroport Saint-Exupéry grâce à un tram rapide, justement.
La solution tram rapide
Même si elle est récente, l’idée n’est pas neuve. François Bausch l’avait déjà présentée le 28 mars dernier. Elle est celle, en tout cas, que TTK juge la plus appropriée. «Il s’agirait d’un tram ayant la même coque que ceux qui circulent actuellement sur le Kirchberg, mais ils seraient plus puissants et leurs freins seraient plus efficaces» explique Marc Perez, qui a mené l’étude. Ces trams rapides seraient capables d’atteindre les 100 km/h hors agglomération. Dans le cas qui nous concerne, cette vitesse serait maintenue entre Hollerich et Schifflange, soit une quinzaine de kilomètres.
Les terrains nécessaires à sa construction pourraient être assez facilement obtenus. «Le tram rapide longerait l’autoroute et son emprise se situe dans la zone réservée aux infrastructures de mobilité. Ce qui veut dire que les propriétaires des terrains ont une servitude et qu’ils ne pourront rien faire d’autre que nous les vendre», avance François Bausch.
Des temps de trajet attrayants
Le futur tram permettrait de raccourcir les temps de trajets, déjà bien assez longs. Voici quelques exemples : 20 minutes pour un Schifflange – Hollerich, 35 minutes pour un Foetz – Place de l’Europe (Pont rouge/Kirchberg) ou 37 minutes pour un place Benelux (Esch) – Place de l’Étoile (Luxembourg). En heure de pointe, cela fait rêver!
À l’intérieur d’un réseau
Le tram rapide a le gros avantage de se connecter directement sur le réseau Luxtram. Depuis Esch ou Belval, on pourrait donc rejoindre directement la Cloche d’or, Hollerich, la gare, le boulevard Royal, le Kirchberg ou le Findel, sans changer de moyen de locomotion. Ce qui serait impossible en construisant une nouvelle voie ferrée classique, par exemple.
Le concept de tram rapide est coordonné à la construction d’un nouveau grand pôle d’échange à Foetz, qui deviendrait le terminus de la première phase (2028). Un park & ride, qui pourrait éventuellement servir aux commerces, serait créé pour accueillir les automobilistes qui changeront de mode de déplacement. Foetz deviendrait également une gare essentielle pour les réseaux de bus à haut niveau de service (BHNS). La liaison est-ouest (Differdange-Bettembourg) est en cours d’étude par ProSud et la nord-sud (Foetz-France) est à l’état… de simple idée. «Nous pensons qu’une telle ligne serait très profitable, souligne Marc Perez. Mais tout reste à faire avec les autorités françaises.»
La deuxième phase du projet permettrait de rejoindre le futur quartier né des friches d’Esch-Schifflange d’ici 2030, puis Belval (voire Belvaux) d’ici 2035.
Où en est le projet?
François Bausch estime qu’il en est à la 3e étape. La première était l’étude de la demande de mobilité : elle est réglée. La deuxième était l’étude permettant de choisir le meilleur système : elle vient d’être présentée. Nous voici donc au lancement de la troisième étape qui aboutira à l’avant-projet détaillé. Le ministre va rencontrer dans les prochains jours les bourgmestres de Mondercange, Esch et Schifflange pour en discuter.
Quoi qu’il en soit, rien ne sera signé d’ici la fin de la législature, «ce sera au prochain gouvernement de valider le projet et à la prochaine Chambre de le voter», avance François Bausch qui va toutefois inscrire le tram rapide dans la liste des projets à étudier qui sera déposée à la Chambre des députés en juillet. «Pour moi, ce serait une grosse erreur que de ne pas suivre cette voie-là, assène-t-il. Il s’agit de la solution qui dispose du plus grand potentiel.»
Combien coûte une telle opération?
Tout le monde se pose la question du coût d’un tel équipement, et c’est bien légitime, même si François Bausch répète qu’il est impossible de le déterminer et qu’il ne sert à rien d’en livrer un à la louche. Marc Perez donne toutefois une fourchette : «Il faut compter environ entre 20 et 30 millions d’euros le kilomètre.»
Le ministre prévient toutefois : «Écrire que le tram rapide coûterait 30 millions x 20 km (NDLR : soit 600 millions) serait une grosse bêtise tant cela dépend de facteurs que nous n’avons pas encore étudiés.» Par exemple, passer par Leudelange nécessiterait de franchir deux fois l’autoroute, ce qui alourdirait la facture, mais qui serait bien pratique pour tous les employés de la zone d’activité Poudrerie.
Erwan Nonet