Grâce au BENU Village, un projet circulaire socio-écologique, la commune a reçu le Climate Star Award, prix qui récompense les projets environnementaux.
Ce sont un engagement et une mobilisation sans compromission en faveur de l’environnement qui ont été récompensés mercredi à Esch-sur-Alzette : le projet BENU Village a en effet reçu le Climate Star Award, un prix international qui récompense tous les deux ans depuis 2002 les municipalités ou régions membres de l’Alliance pour le climat (Klimabündnis) qui s’engagent en matière de protection du climat.
C’est déjà la deuxième fois que la commune d’Esch se voit récompensée par ce prix, après une première en 2016 pour le projet «Den Escher Geméisgaart» mené par le CIGL et dont l’objectif était de produire des légumes biologiques fournis ensuite aux cantines des maisons relais.
«Lorsque le prix a été créé, les projets récompensés étaient essentiellement énergétiques : rénovation de bâtiments, projets sur les énergies renouvelables», rappelle Paul Polfer, coordinateur au Klimabündnis Lëtzebuerg, qui a défendu le BENU Village auprès du jury international chargé de décerner le Climate Star Award. «Mais depuis quelques années, les projets sont plus larges et essaient de réunir protection du climat et des ressources, efficience énergétique et intégration sociale. Le BENU Village est à cet égard exemplaire. Le prix est donc amplement mérité!»
Le BENU Village est en effet un projet insolite et «socio-écologique» : il repose sur une économie entièrement circulaire et comporte en plus une touche sociale, puisque du travail est fourni à des réfugiés et des personnes en difficulté. Tous les bâtiments sont construits avec une très grande majorité de matériaux récupérés ou des innovations écoresponsables, à l’instar du bâtiment situé sur le parking rue d’Audun. «Avec une surface utilisable de 1 100 m2, ce sera le premier village de ce type dans le pays», se félicite le fondateur du BENU Village, Georges Kieffer.
Un restaurant zéro déchet
Le village, qui devrait sortir de terre début 2022, espèrent les dirigeants du projet, sera surtout une place «professionnelle», même si une résidence-test sera installée en stage-pilote. L’un de ses principaux attraits sera un restaurant avec une cuisine ouverte qui proposera des aliments bios bien sûr, mais surtout des produits généralement boudés par les supermarchés car jugés trop moches. «Les produits nous seront livrés par le fournisseur professionnel Biogros qui nous offrira ses services, car aujourd’hui Biogros est obligé de payer pour méthaniser les invendus, qui constituent une aberration en termes de volume», explique Georges Kieffer.
Ce sera le premier restaurant zéro déchet du pays. Au-dessus du restaurant, un atelier social aura pour tâche de travailler les aliments, en pratiquant par exemple la fermentation par le biais de l’huile ou du sucre, à l’instar du célèbre restaurant Noma à Copenhague, classé meilleur restaurant du monde à plusieurs reprises. «Il ne faut rien jeter. Le zéro déchet est un impératif pour nous. Nous composterons aussi afin d’entretenir le jardin et maintenir ainsi la circularité.»
Même le mobilier sera entièrement fabriqué à partir de bois récupéré et devrait comporter un QR code qui permettra d’en connaître l’origine et la motivation de son créateur. D’ailleurs, 20 tonnes de bois ont déjà été utilisés pour construire une partie de ce village. «On détruit plus de 250 tonnes de bois par jour au Luxembourg!, s’insurge Georges Kieffer. Or, si on se donne la peine de le récupérer, on peut construire un village entier!»
Source d’inspiration
Au BENU Village, l’engagement ne souffre d’aucune concession. «Nous avons une vision très fondamentale, souligne son fondateur. Nous n’acceptons pas les compromis et cherchons des alternatives. Nous refusons par exemple le béton, le silicone, le plâtre. Notre ambition est d’amener le projet à une empreinte carbone proche de zéro. Nous avons besoin de matières pour la construction, mais nous préférons faire des recherches et revenir à des techniques anciennes qui sont très efficaces mais pas à la mode industrielle. Pour cela, nous faisons beaucoup de recherches et prenons les conseils d’experts membres du réseau. Du coup, on ne prend pas de décisions à la va-vite, on préfère toujours faire au mieux.»
Ainsi, à l’instar de la maison installée rue d’Audun, tous les bâtiments du BENU Village, situé de l’autre côté de la rue, seront isolés à l’extérieur avec un mélange de miscanthus et de chaux. «Certifié organique et biodégradable par l’université de Bohn, ce mélange constitue un engrais organique et peut être déversé dans les champs», précise Georges Kieffer. «La chaux provient de Grenoble, car c’est celle que les Romains ont utilisée pour construire le pont du Gard. Elle est très stable.» La seule capable d’assurer une stabilité et donc d’éviter le ciment, composé d’éléments chimiques irrécupérables.
Alors certes, tout n’est pas parfait, comme le concède Georges Kieffer. Ainsi, le bâtiment situé rue d’Audun n’est pas une construction passive et présente des fuites énergétiques. «Quoique cela puisse être une question d’épaisseur», nuance-t-il. Toutefois, «le bilan global au niveau de l’empreinte est sans doute positif, car nous n’avons pas besoin de matériaux spécifiques, fabriqués dans des pays loin de chez nous, dans des conditions sociales et écologiques douteuses.»
Bien sûr, tous ces partis pris ne sont pas forcément réalisables à une très grande échelle, mais ils peuvent servir de base. «Ici, nous allons à l’extrême (en termes de circularité). Mais il y a des valeurs sûres. On invite les experts à venir pour mieux copier.» Ce que confirme Jeannot Behm, chef du service écologie de la ville d’Esch : «Il y a des éléments qui peuvent être repris et transposés. Nos architectes étudient d’ailleurs actuellement comment reprendre dans de nouvelles constructions le type d’isolation utilisé au BENU Village.»
Au fond, Georges Kieffer propose une écologie intelligente et, à cet égard, prône l’information. «L’écologie, ce n’est pas faire n’importe quoi ou réutiliser jusqu’à la mort. Par exemple, des études ont montré qu’il vaut mieux remplacer certains vieux frigos. Il faut procéder de façon plus intelligente. Et dans le monde digitalisé, les données sont disponibles.»
Tatiana Salvan
Le public invité à participer
Au cours du mois, un projet intitulé «BENU Métamorphose» va être lancé. Des artistes seront invités à encadrer tous les intéressés qui le souhaitent («des jeunes, des vieux, des locaux, des étrangers, tout le monde!», précise Georges Kieffer) à se joindre à la transformation du BENU Village en pièce d’art, à l’instar de la maison BENU située sur le parking rue d’Audun.