Ce voyage l’a «marqué à vie». L’Eschois Maxime Nunes, employé à Creos et bien connu des tables de baby-foot de la Métropole du fer, raconte ses trois semaines en Haïti au profit d’Objectif tiers monde (OTM).
Maxime Nunes, installateur chez l’électricien Creos, est typiquement l’un de ces gaillards d’Esch-sur-Alzette. Les épaules carrées, toujours prêt à rendre service, à payer une bière après le boulot, ou à ramener sa «dream team» du Patrimonio pour montrer «comment ça joue au kicker (baby-foot) à Esch». Il vient de vivre une expérience «inoubliable». Les habitants de Café-Lompré, bourgade de l’ouest d’Haïti, garderont un souvenir impérissable aussi.
Grâce à Creos, son entreprise, l’association OTM Haïti et la générosité du patron du Patrimonio, il vient de passer trois semaines sur l’île. Objectif : poursuivre la mise en place de l’éclairage public et préparer l’arrivée de deux baby-foots, en décembre. Un challenge assez insolite ! C’est que l’Eschois ne conçoit pas une journée de travail sans une partie de kicker à la clef. Et du boulot, il en a eu là-bas. «Avec Joël et Henri, deux collègues de chez Creos, nous avons installé 600 mètres de câble électrique. On a bossé douze heures par jour. Les Haïtiens sur place sont des sacrés bosseurs aussi, franchement.» Au retour, il est donc tombé par terre quand une touriste française lui a raconté ses quinze jours de farniente. «Je lui ai dit : je n’ai pas vu tout ça moi en Haïti ! Ce n’est pas grave, j’y retournerai.»
«Ils se rassemblent le soir, à la lumière»
En récompense de son travail, Maxime a vécu une aventure humaine incomparable. Une anecdote résume son séjour. «Quand nous avons installé le premier lampadaire, les Haïtiens m’ont dit : C’est super, on va pouvoir se réunir ici le soir. J’ai réalisé à quel point les habitants sont sociables, à un niveau qu’on n’imagine même pas ici.» Quand un Haïtien lui a confié son envie de travailler au Luxembourg pour «gagner beaucoup d’argent», Maxime a répondu par l’humour : «Tu ne tiendrais pas quinze jours ! Si tu te mets sur un banc le soir pour discuter avec les passants, personne ne va te répondre, tu comprends ? Haïti te manquerait trop.» Touché par cette humanité, Maxime n’en reste pas moins lucide. «Les gens savent qu’ils sont pauvres et ça les frustre. Ils s’interrogent : pourquoi la planète avance et pas notre pays ? Ils bossent, ils sont solidaires… ce n’est pas normal.»
L’île porte les séquelles du terrible tremblement de terre de 2010, qui avait fait plus de 200 000 morts. «Quand nous sommes allés à Port-au-Prince, pour décharger les conteneurs, on ne s’est pas éternisés… La capitale est dangereuse, certaines rues appartiennent à des clans. Si tu es blanc, c’est marqué sur ton visage que tu vaux de l’argent.» Pour rejoindre Café-Lompré, l’équipe avait mis 2h30. Le village se situe pourtant à moins de 100 km de la capitale. «Mais les quinze derniers kilomètres sont très compliqués. On grimpait par des chemins impossibles, je me disais : c’est foutu, on ne passera jamais. Les types de Turbo (NDLR : émission de télé auto) devraient tester les 4×4 ici, au lieu de faire les malins sur nos routes (il rit).»
L’équipe de Creos a été accueillie chez les Petits Frères Sainte-Thérèse de l’Enfant Jésus, une communauté catholique qui fait office de havre de paix. Autour, l’île est gangrenée par la corruption, le manque de moyens, les sectes américaines aussi. Chacun attend un sauveur ici. «Ça se sent dans la façon dont on a été remercié, conclut Maxime. Nous avons essayé de leur rendre tout ce respect, c’était trop.» L’Eschois reviendra l’an prochain, pour installer les baby-foots cette fois. Ça sera une autre partie, de belles rencontres autour de ce jeu très apprécié au Luxembourg… Peut-être parce que dans les cafés du Sud, on se réunit comme les Haïtiens autour des rares lumières de Café-Lompré.
Hubert Gamelon