Le 21 juillet 2010, les Suédois de l’AIK Stockholm avaient fait le déplacement jusqu’à Esch-sur-Alzette. Non sans toucher à un symbole trop cher aux Eschois pour l’abandonner ! Un bout de maillot de la Jeunesse, chargé d’histoire…
C’est un cadeau chargé de symbole que l’intrépide moustachu Guy Van Hulle a offert à la rédaction du Quotidien. «Le plus français des Luxembourgeois», comme il se définit lui-même, est un fan invétéré de la Jeunesse d’Esch, club le plus à la frontière, en témoigne le nom du stade.
Découper dans un maillot juste pour le blason, c’est un peu fort… «Non, attendez, ce bout de tissu a une histoire !», s’est empressé de répondre l’ancien professeur, bien connu du monde sportif et culturel luxembourgeois.
Ce bout de tissu Bianconero a en fait été récupéré dans les travées du stade de la Frontière. C’était un 21 juillet 2010, lors d’une rencontre préliminaire de deuxième tour de Champion’s league, la plus prestigieuse des coupes d’Europe de foot. «La Jeunesse affrontait les Suédois de l’AIK Solna (Stockholm), se remémore Guy Van Hulle. Il y avait une grosse attente sur le club, et du monde dans le stade.»
«Notre maillot, notre club»
À l’aller, chez eux, les Suédois n’avaient gagné que 1-0. Tout était encore possible. «Du coup, les supporters suédois attendaient eux aussi beaucoup de la rencontre.» Un dispositif policier avait même encadré les cafés aux abords du stade, dans le quartier de Hiel, vu la nervosité ambiante. Vient l’entrée des joueurs. Du côté des supporters de la Jeunesse, un tifo noir et blanc est déployé. Du côté des supporters de l’AIK, les ultras veulent prouver qu’ils n’ont pas fait 1 600 km pour rien. «Ils avaient acheté un maillot de la Jeunesse qu’ils ont littéralement déchiqueté face aux joueurs luxembourgeois pour leur faire peur !», se souvient Guy Van Hulle. Le bout de tissu porte encore les stigmates de cet acharnement, certaines déchirures ressemblent à des morsures de dents…
«Ça m’avait choqué ! C’est quand même notre maillot, notre club.» Et quel club… «Celui des anciens de la sidérurgie et des mines, fondé sur les Terres Rouges et porté par des générations d’immigrés», rappelle Guy Van Hulle, très attaché à l’héritage de l’acier. En 2010, le maillot de la Jeunesse portait d’ailleurs encore le sponsor d’ArcelorMittal… «L’histoire du fer, c’est quelque chose que l’on a en nous, que l’on ait travaillé dans les usines ou non. C’est comme Joe Coker, il a grandi à Sheffield, dans le nord ouvrier de l’Angleterre, il était très ému de venir jouer à Esch à chaque fois !»
À la fin du match, hélas trop terne pour se qualifier (0-0), Guy Van Hulle était parti furax dans la tribune adverse récupérer, au moins symboliquement, un bout du maillot. Vu sa moustache, on imagine la scène comme un drôle de remake d’Astérix chez les Vikings… Messieurs, on ne marche pas sur plus de 100 ans d’histoire comme ça !
Hubert Gamelon