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En plein renouveau, le Lëtzebuergesch veut être reconnu par l’UE


Le luxembourgeois est parlé par pas moins de 400 000 personnes dans le monde (Photo archives LQ)

Il est parlé par moins de 400 000 personnes dans le monde et l’Unesco le considère comme une langue « vulnérable ». Pourtant, l’apprentissage du Lëtzebuergesch, la langue nationale du Luxembourg, est en plein essor, au point que les autorités du Grand-Duché songent à la faire reconnaître par l’UE.

« En 1976, j’ai fondé les cours de luxembourgeois généraux pour les +étrangers+. Aujourd’hui, on doit même refuser des demandes d’admission! », explique Lex Roth, un enseignant de 84 ans, connu pour ses traductions en luxembourgeois des Fables de La Fontaine, de contes pour enfants, d’Astérix et Tintin.

Pour encourager la promotion du Lëtzebuergesch, à l’intérieur et au-delà des frontières de ce petit pays de 590 000 habitants, un projet de loi a été déposé début janvier à la Chambre des députés.

« Il a été décidé d’entreprendre des négociations avec les institutions européennes pour trouver un accord sur un +arrangement administratif+ », a précisé le ministère luxembourgeois de l’Education nationale, de l’Enfance et de la Jeunesse.

« Concrètement, cela signifierait que chaque citoyen aurait le droit de s’adresser aux institutions européennes en luxembourgeois et de recevoir une réponse dans cette langue », a précisé le ministère.

« Vulnérable »

Le Lëtzebuergesch est un dialecte francique-mosellan qui est parlé par 390 000 locuteurs selon l’Unesco. Cette dernière le qualifie de « vulnérable » dans son Atlas des langues en danger dans le monde.

Selon l’Institut national de statistiques luxembourgeois (Statec), cet idiome est la première langue parlée par les 590.000 résidents (55,8%) devant le portugais (15,7%) et le français (12,1%).

Par nationalité, le luxembourgeois est parlé par près de neuf Luxembourgeois sur dix mais par seulement 5% des résidents étrangers. Ceux-ci représentent près de la moitié de la population.

S’il est reconnu depuis 1984 comme langue nationale, il figure aussi parmi les langues administrative et judiciaire avec le français et l’allemand.

Le Lëtzebuergesch est également considéré comme une porte d’entrée sur le marché de l’emploi au Grand-Duché. Mais avec près d’un salarié sur deux habitant à l’étranger, nombreux sont les transfrontaliers à ne pas être familiers avec ce dialecte.

« La puissance commerciale du luxembourgeois est due à une conjonction de phénomènes: politique avec une promotion de la langue mais aussi la nécessité pour les salariés de maîtriser cette langue dans des situations du quotidien », observe Nicolas Ragonneau, le directeur marketing de l’éditeur Assimil.

Raz-de-marée

En 2012, Assimil a publié un guide de conversation qui s’est écoulé à plus de 10 000 exemplaires en un an.

« On a été très surpris par les ventes, un véritable raz-de-marée à l’aune du nombre de locuteurs, qui plus est pour une langue qui était menacée de disparition », assure M. Ragonneau.

Assimil a publié deux autres ouvrages. Un quatrième est envisagé.

De quelques références d’éditeurs locaux, le nombre de manuels d’apprentissage du luxembourgeois est passé à une vingtaine chez Ernster, une chaîne implantée au Grand-Duché.

« On peut dire qu’il y a une demande croissante des méthodes de langue donc, une grande volonté des personnes qui ne parlent pas le Lëtzebuergesch de l’apprendre », souligne Gabi Bisenius, spécialiste des contenus en luxembourgeois.

Un constat visible à l’Institut National des Langues (INL), un centre d’apprentissage public. « Les cours de luxembourgeois, surtout les cours pour débutants, sont pris d’assaut dès le début des inscriptions », témoigne sa directrice, Karin Pundel.

Pour répondre à la demande, l’INL a gonflé de près de 30% son offre de cours en luxembourgeois entre 2016 et 2017.

« Avec l’arrivée de la nouvelle loi sur la nationalité, cela a probablement eu une répercussion sur le nombre de nos inscrits », avance la directrice.

Cette loi entrée en vigueur en 2017 permet une naturalisation moyennant un séjour d’au moins cinq ans au Grand-Duché et une connaissance de la langue luxembourgeoise.

L’INL organise les tests officiels d’évaluation de la langue luxembourgeoise. « Pour l’instant, on est complet jusqu’en juillet », précise Karin Pundel.

Si le nombre de Britanniques inscrits aux cours augmente, reflétant un possible « effet Brexit », leur part reste minime, de l’ordre de 5%.

« Je pense qu’il y a simplement de plus en plus de gens qui viennent vivre au Luxembourg et qui veulent s’y intégrer et se sentir chez eux », conclut-elle.

Le Quotidien/ AFP