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Ehlange-sur-Mess : les juges disent « oui » aux poulets


Laurent Raus espère que voir les premiers poulets arriver dans un an. (photo archives LQ)

C’est une victoire importante que vient de remporter l’agriculteur Laurent Raus, à Ehlange-sur-Mess. La Cour administrative vient de juger que son appel était fondé. Il pourra construire ses poulaillers.

Laurent Raus est soulagé. La Cour administrative a réfuté les arguments de la Biergerinitiativ Gemeng Reckeng et jugé que les règles du PAG de la commune ne respectaient pas les critères de la loi sur la protection de la nature et des ressources naturelles.

Toute l’affaire est née d’une bourde dans l’écriture du PAG. Dans la commune, en dehors du village proprement dit, les terrains sont tous classés en zone verte. Et une phrase indique que l’on ne peut y construire de bâtiment de «plus de 14  mètres de profondeur». Pour tout le monde, cette note visait à interdire la construction de maisons et de résidences sur les bonnes terres arables, pas à interdire la construction de bâtiments à usage agricole. Mais la véhémente Biergerinitiativ y a vu un angle d’attaque pour empêcher la construction des deux poulaillers. Un combat qu’elle mène depuis deux ans.

Le recours porté par l’agriculteur devant la Cour administrative a donc débloqué la situation. L’application à la lettre des règlements communaux est même jugée comme une absurdité par les magistrats. La combinaison des articles, selon eux, va contre les principes de la loi du 19 janvier 2004 sur la protection de la nature et des ressources naturelles. Selon la Cour, la limitation de la profondeur des constructions à 14  mètres ne permet aucune activité agricole en zone verte, alors que celle-ci est précisément autorisée par la loi.

« Le juge a bien interprété le texte, se félicite le bourgmestre de Reckange, Carlo Muller. Il a fait ce que moi, en tant que bourgmestre, je ne pouvais pas faire. C’est une décision sage. » S’il souffle, c’est que cette affaire a largement débordé du seul cas des poulaillers. En effet, plusieurs dossiers sont en attente sur son bureau. Ils concernent la construction d’une étable, d’un manège pour chevaux… Pour ces dossiers aussi, une issue positive est désormais envisageable. « Cette décision constitue un grand pas pour la survie des agriculteurs de la commune », n’hésite-t-il pas à affirmer.

Car Reckange, et particulièrement la localité d’Ehlange, est incluse dans la zone verte qui sépare Luxembourg et Esch-sur-Alzette. La crainte de Carlo Muller était de voir ce statut comme une chape de plomb sur le territoire. « Une zone verte n’est pas une jungle!, lance-t-il. Il faut bien des gens pour s’en occuper et ces personnes, ce sont les agriculteurs .»

«Pourquoi importer des poulets de Pologne?»

Il soutient d’autant plus l’initiative de Laurent Raus que celle-ci ne tombe pas du ciel. « La construction des poulaillers répond à une demande de Cactus et de La Provençale, car le marché d’une volaille de qualité existe. Pourquoi importer des poulets de Pologne, alors que nous pouvons les produire ici? Les transports seront grandement réduits et nous aurons la garantie que les contrôles sanitaires sont transparents. »

Ce n’est pourtant pas l’avis de la Biergerinitiativ, qui préfère placer la campagne sous cloche. Cette association, qui bloque le projet depuis deux ans, n’est pourtant pas portée par la foule. Elle représente moins de 3  % des habitants de la commune. Sur son site internet, elle s’offusque aujourd’hui que «les juges renversent la première décision du tribunal administratif à l’heure où la grippe aviaire se répand dans toute l’Europe». Un brin populiste.

La crainte du bourgmestre, désormais, est de voir le commodo qu’il compte accorder à Laurent Raus, après un examen juridique soigné, dénoncé par la Biergerinitiativ, avec le risque de voir de nouveau l’affaire portée au tribunal. « Pourtant, il est prêt à faire de nombreux efforts, comme ne pas stocker le fumier sur son terrain et l’amener directement vers une centrale biogaz dans un camion fermé. »

L’agriculteur, lui, est confiant  : « Ils ne pourront rien attaquer. » Dans l’absolu, il espère que les travaux pourront débuter en juin ou juillet et que les premiers poulets arriveront pour le début de l’automne. « Et là, je pourrais faire une belle fête! », promet-il.

Car ce projet revêt une importance économique majeure pour lui. L’essentiel de sa ferme tourne autour de la production d’un lait qui rapporte toujours aussi peu, « 28  centimes le litre en ce moment… ». Quant au froment qu’il a vendu 160  euros la tonne cette année, « cela ne rapporte pratiquement rien ». Se diversifier n’est donc rien de moins qu’assurer la pérennité de son entreprise.

Erwan Nonet

Des poulets type Label Rouge

Dans le but d’offrir à leurs clients une volaille de qualité locale, Cactus et La Provençale ont demandé à des agriculteurs de se lancer dans la production de poulets selon un cahier des charges précis. À Schouweiler et Bastendorf, deux collègues de Laurent Raus sont déjà prêts à se lancer. Chaque infrastructure sera identique et composée de deux poulaillers de 44  m de long et 550  m², chacune ayant un pré de 65  ares.

Chaque structure sera occupée par 6  500  poulets, ce qui représente un poulet par m². Il ne s’agit donc pas d’un élevage de masse, au contraire, les normes sont équivalentes à celle du Label Rouge. Les poulets seront nourris avec du froment et de l’orge luxembourgeois préparés par un moulin du pays. Le colza et le maïs seront garantis sans OGM. Après 56 jours, les poulets pèseront 1,3  kg et seront envoyés à l’abattoir de Bertrix, en Belgique, puisqu’il n’en existe pas au Luxembourg.