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Drogue au quartier Gare : un «immense ras-le-bol» des riverains


Seringues d'héroïne dans les entrées d'immeuble et sur les aires de jeux, figures peu rassurantes, agressions et vols, deals à la vue de tous, prostitution à tous les étages... Les problèmes s'accumulent entre les rues surveillées par des caméras et les chantiers. (illustration Alain Rischard)

Il fait de plus en plus chaud dans le quartier Gare à Luxembourg. Entre ses habitants, les dealers et les responsables politiques, les esprits s’échauffent.

Les réunions de riverains se suivent et se ressemblent. Rien ne change. Pire, cela s’aggrave. Que font la police et les autorités ? La population se le demande. En cause : le trafic de drogue, la prostitution et la clientèle qui les accompagne.

«Quand la police débarque, les voyous détalent. C’est le jeu !», plaisantait Ricardo, un retraité qui habite le quartier, jeudi matin. Pourtant, la situation ne fait plus rire personne. Seringues d’héroïne dans les entrées d’immeuble et sur les aires de jeux, figures peu rassurantes, agressions et vols, deals à la vue de tous, prostitution à tous les étages… Les problèmes s’accumulent entre les rues surveillées par des caméras et les chantiers.

Les chiffres présentés mercredi soir à l’occasion d’une énième réunion publique en témoignent. En sept mois, la criminalité liée au trafic de drogue a augmenté de 62,28% à Luxembourg, contre 13,5% dans le reste du Grand-Duché. La sécurité des habitants est menacée. «J’aime ce quartier de plus en plus coloré et populaire, mais si les prix du logement n’étaient pas aussi élevés au Luxembourg, j’aurais déjà déménagé», indique Pierre, un quinquagénaire, au détour de la rue du Commerce. «Dire que les gens de la génération de mes parents n’auraient jamais mis les pieds ici à cause des cabarets et des peep-shows, cela me fait rire quand je vois la situation actuelle.»

Délogés du triangle à la jonction de l’avenue de la Liberté et de la rue de la Gare, des sans-abris planent ou cuvent en bande sur le bout encore vierge de chantier du trottoir d’en face. «Ce sont de pauvres gars. Ils ne sont pas dangereux, mais ils font peur», témoigne la vendeuse d’une enseigne de prêt-à-porter. Malgré la pluie jeudi matin, ils s’interpellent, s’engueulent, se tombent dans les bras, chancèlent. C’est une cour des miracles qu’on préférerait cacher. Les commerçants pâtissent des effets du tram et doivent également composer avec la mauvaise réputation de leur quartier.

«Un quartier en perdition»

«Au-delà de la place de Paris, il n’y a plus que des magasins made in China avec des vêtements de prostituées et des sex-shops», regrette une habitante. «Cela n’aide certainement pas à attirer un autre genre de population.» Une autre croisée rue Joseph-Junck a observé que «de jeunes toxicomanes abordent les automobilistes directement dans les embouteillages pour leur proposer des passes en échange d’argent afin de s’acheter leur dose».

Rosa fait ses courses avant d’aller chercher ses deux garçons à l’école. «Heureusement que je ne travaille pas. Je peux accompagner mes enfants à l’école. Je n’ose pas les laisser seuls dans la rue. Ils sont trop petits, dit-elle. J’ai déjà peur qu’ils se droguent plus tard : ils peuvent en trouver partout ici.»

«J’ai connu pire, lance Éric, jeune loup de la finance en pause vaporette. Cela ne me fait pas peur, cela m’embête d’être accosté à la sortie du bureau par des dealers qui me proposent de quoi me détendre ou être plus en forme. Je sais que certains collègues, surtout les femmes, n’aiment pas transiter par la gare.» Gare, qui rénovée, semble pourtant bien plus sûre qu’elle ne l’a été par le passé.

Et puis, il y a ceux qui, sur les réseaux sociaux, rappellent que d’anciens conseillers communaux, échevins ou bourgmestres de la Ville de Luxembourg, toutes couleurs confondues, sont entrés au gouvernement ou au Parlement et qu’ils n’ont pourtant rien fait pour changer les choses. Une autre évoque «un quartier en perdition». «La situation s’est terriblement aggravée. J’ai un immense ras-le-bol !», confirme une autre.

Toutes les personnes croisées dans le quartier de la Gare ou vues jeudi fustigent l’impuissance des autorités à faire bouger les choses. Elles se sentent abandonnées. «Si Lydie Polfer et François Bausch habitaient dans ce quartier, les choses auraient changé depuis longtemps», balance Jos. «Les dealers et les filles auraient été repoussés dans la Ville-Haute.»

Heureusement, les élections communales ou législatives ne sont pas pour demain la veille.

Sophie Kieffer